A défaut d’avoir du kobiri pour Noël, j’ai cru que je pourrais compter sur certains de mes potes pour me dépanner. Surtout que l’un d’entre eux est devenu directeur d’une régie financière.
Nous étions tellement contents et fiers de lui que nous avons sablé la Guiluxe pour arroser l’événement. Ça n’arrive pas souvent à des gaous de notre espèce. Même si c’est juste pour une année, n’importe qui ne devient pas directeur d’une régie financière dans ce pays.
Après l’arrosage que nous avons naturellement fait à crédit, mon pote a promis de me gérer dès que ses premiers gombos allaient tomber. Erreur. Cela fait plusieurs jours que je l’appelle et il ne décroche plus mes appels. Une fois j’ai changé de numéro et il a décroché. Lorsqu’il s’est rendu compte que c’était moi, il m’a dit qu’il était en réunion et qu’il allait me rappeler dès qu’il aura fini. Pauvre de moi, j’ai attendu toute la soirée et aucun coup de fil. Mon téléphone était muet comme une carpe.
Je me suis alors rendu à l’évidence qu’il suffit que quelqu’un sorte de la galère qui le frappait depuis des années pour devenir un incorrigible faux-type. Pire, il roule ses anciens camarades de misère dans la farine. Maintenant qu’il croit avoir un peu de sous, il veut les bouffer tout seul.
Pour cela, il n’a plus mon temps. Même pas ce qu’il faut pour parler au téléphone. Et pourtant, il n’y a pas très longtemps, on pouvait passer des heures et des heures ensemble à parler de tout et de rien. On avait tout le temps devant nous, de jour comme de nuit.
A la faveur de son décret, il est lui aussi devenu grand type et donc un faux-type de plus. Mon problème n’est plus son problème. Je me trompe lourdement à vouloir compter sur lui. Ils sont tous pareils. Lorsqu’ils ne sont rien et qu’ils n’ont rien, ils voient l’injustice partout, ils sont solidaires des pauvres.
Il suffit qu’ils aient l’occasion de palper quelques feuilles pour se foutre rondement de leurs amis d’hier. Ainsi va ce pays. Cette année encore, j’ai raté l’occasion de retenir la leçon une bonne fois pour toutes.