Crise au sommet : Mamadi Doumbouya en rupture avec son ministre de la Défense

Crise au sommet : Mamadi Doumbouya en rupture avec son ministre de la Défense

L’unité affichée au sein du CNRD n’était donc qu’une façade. Le général Aboubacar Sidiki Camara, alias Idi Amine, ministre de la Défense et homme clé du coup d’État du 5 septembre 2021, se retrouve brutalement écarté de la gestion de son département. Selon des sources proches du Palais Mohamed V, son autorité a été réduite à néant, et c’est désormais son directeur de cabinet, le général David Haba, qui gère les affaires courantes.

Pourquoi cette mise à l’écart soudaine d’un pilier du régime ?

Les rumeurs de désaccords profonds entre Doumbouya et son ministre de la Défense circulaient depuis plusieurs semaines, mais cette fois, la fracture semble irréparable.

Munich : la délégation qui met le feu aux poudres

L’un des épisodes marquants de cette tension s’est joué lors de la Conférence de Munich sur la sécurité. Contrairement à la tradition, où un ministre de la Défense ou un Premier ministre représente le pays lors d’un tel sommet, c’est Amara Camara, secrétaire général de la présidence, qui a été choisi.

Une humiliation à peine dissimulée pour Idi Amine, qui aurait dû, logiquement, être présent à ce forum stratégique.

Pourquoi l’avoir écarté ?

•Doumbouya veut s’entourer d’hommes de confiance, et Idi Amine, perçu comme un homme au caractère indépendant, ne fait plus partie du cercle restreint du pouvoir.

•Les Forces Spéciales, bras armé du régime, étaient représentées à Munich, ce qui montre bien où se situe aujourd’hui le vrai centre du pouvoir militaire en Guinée.

Une guerre de pouvoir sur fond de frustrations militaires

Depuis l’accession du CNRD au pouvoir, les tensions au sein de l’armée ne cessent de croître.

•Multiplication des retraites forcées et mises à l’écart de cadres militaires qui ont pourtant participé au coup d’État.

•Différences de traitement entre les Forces Spéciales et les autres corps militaires, exacerbant les frustrations internes.

•Mauvaise gestion des soldes militaires, avec des prélèvements mystérieux et des retards de paiement dénoncés par les soldats.

L’un des points de rupture semble être l’augmentation promise de 100 % des soldes militaires, dont seuls 50 % ont été réellement appliqués. Idi Amine est accusé de ne pas avoir exécuté les ordres de Doumbouya, ce qui a aggravé les tensions entre eux.

Mais une question demeure : cette augmentation a-t-elle réellement été inscrite dans la loi des finances ? Où est passé l’argent ?

Une purge en préparation ?

Le schéma semble clairement se répéter : après avoir utilisé ses alliés pour prendre le pouvoir, Doumbouya les écarte un à un, consolidant son emprise sur le régime.

•Plusieurs figures du coup d’État ont déjà été mises de côté ou placées sous surveillance.

•Le contrôle de l’armée se resserre autour d’un cercle ultra-restreint d’hommes de confiance.

•Toute contestation interne est immédiatement réprimée ou neutralisée.

La question est maintenant de savoir si Idi Amine va accepter cette mise à l’écart ou s’il tentera de riposter. Car son influence dans l’armée reste forte, et certains officiers ne voient pas d’un bon œil cette dérive autoritaire qui élimine les uns après les autres les acteurs historiques du putsch de 2021.

Vers un CNRD à fragmentation ?

Avec cette fracture au sommet de l’État, la transition se fragilise encore davantage. La gestion du pays par un Doumbouya de plus en plus paranoïaque, qui voit des ennemis partout et cherche à verrouiller chaque sphère du pouvoir, risque de provoquer des fractures irréversibles au sein du régime.

Dans l’armée, le mécontentement grandit. Dans les casernes, les soldats observent et murmurent. Si la purge continue, jusqu’à quel point Doumbouya peut-il pousser l’épuration avant que la machine ne se retourne contre lui ?

L’histoire nous enseigne que les régimes militaires qui commencent à purger leurs propres rangs sont souvent à l’aube de leur chute.