Gomboya : à Coyah, les bulldozers s’échauffent, les esprits aussi

Gomboya : à Coyah, les bulldozers s’échauffent, les esprits aussi

Guinée — Coyah. À Sodefa Nestlé, dans la sous-préfecture de Gomboya, l’étau se resserre autour de centaines de familles menacées de perdre leur toit. Depuis ce matin, les tensions sont palpables, les visages fermés, les cœurs battants au rythme des bottes militaires. Le calme apparent cache une colère sourde : des dizaines d’agents lourdement armés ont investi les lieux, quadrillant chaque rue, chaque mètre carré, comme s’il s’agissait d’une opération anti-insurrectionnelle, et non de simples “constats”.

En réalité, ce sont des foyers qu’on menace, des enfants qu’on terrorise, des vies entières qu’on s’apprête à raser au nom de l’urbanisation à sens unique.

Derrière les uniformes, la peur d’un drame

À Sodefa, la tension est si vive qu’un rien pourrait faire basculer l’atmosphère vers l’irréparable. Les habitants, pour beaucoup installés depuis des années, voire des décennies, ont été brutalement réveillés par l’irruption de pick-up militaires et de policiers surarmés. Pas de dialogue, pas de médiation. Juste la pression. Et la menace.

Les rumeurs parlent de démolitions imminentes, orchestrées dans un flou administratif total. Certains évoquent un vieux contentieux foncier, d’autres un projet de récupération par l’État d’un domaine dit “stratégique”. Mais au fond, peu importe les justifications : c’est la brutalité de la méthode qui indigne.

Pas de titre foncier ? Pas de pitié.

Comme toujours dans ce genre de situation, la question des titres de propriété devient l’arme fatale. Ceux qui n’ont pas de documents en règle – souvent à cause de l’imbroglio foncier entretenu depuis des décennies – sont traités comme des squatteurs, des intrus sur leur propre terre.

Et comme d’habitude, l’État agit sans transparence, sans accompagnement, sans projet de relogement crédible. Juste la peur et l’intimidation. À Gomboya, les enfants ne vont plus à l’école ce matin, les femmes ne cuisinent pas, les hommes ne vont pas au travail : tous sont postés devant leurs maisons, prêts à tout défendre, même à mains nues.

Silence des autorités, vacarme sur le terrain

Ce qui choque encore plus, c’est le silence assourdissant des autorités préfectorales et nationales. Aucun communiqué, aucune tentative d’apaisement, pas même une visite officielle pour écouter les populations.

Pendant ce temps, les vidéos circulent sur WhatsApp, les images montrent des pick-up, des drones, des forces spéciales postées dans les quartiers. Une démonstration de force digne d’un théâtre d’opérations, pas d’un litige foncier civil.

Une Guinée qui détruit sans reconstruire

Ce qui se passe à Sodefa Nestlé est emblématique d’un État qui n’écoute pas, qui impose, qui ordonne… et qui détruit.

À Coyah comme ailleurs, les projets de développement riment trop souvent avec déguerpissement sauvage, sans compensation, sans préavis, sans égard pour la dignité humaine.

Les habitants, eux, réclament simplement un peu de respect, un peu de justice, un peu d’humanité. Mais dans une Guinée gouvernée à la matraque et au bulldozer, on ne discute pas avec les populations : on les écrase.

À Sodefa, la terre tremble. Pas à cause d’un séisme naturel, mais à cause d’un État bulldozer qui fonce sans frein, sans dialogue, sans conscience.

Et si les cris des habitants ne sont pas entendus aujourd’hui, les pierres, elles, pourraient bien finir par parler.

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