Guinée : L’émergence de la jeunesse en politique

L’émergence de la jeunesse en politique

Si dans les années 60, les jeunes faisaient irruption dans l’espace public, quelle est leur place aujourd’hui ?

S’interroger sur la relation entre les jeunes et la politique ne va pas de soi. La démarche impose d’identifier un groupe d’âge dont les caractéristiques communes sont suffisamment significatives pour qu’il soit possible d’en faire un acteur de la vie collective. Or ce groupe d’âge, « les jeunes », n’a pas toujours existé et, surtout, son émergence comme partie prenante de la vie politique est historiquement datée.

Cette émergence supposait en effet une unification suffisante des rapports à l’action collective pour que l’effet d’âge l’emporte sur les écarts qui pouvaient séparer un jeune agriculteur d’un jeune ouvrier ou d’un étudiant issu des classes moyennes urbaines.

Pour que « les jeunes » deviennent des acteurs politiques, il faut qu’un événement leur permette d’échapper au statut de minorité civique qui les avait longtemps maintenus à l’écart.

Bientôt six décennies après les indépendances, il est difficile de mesurer avec exactitude la portée de l’émergence de la jeunesse pendant toutes les époques bien que nombre d’enjeux demeurent d’actualité, mais au prix d’une incertitude nouvelle sur leur signification.

Les jeunes des années 60 ont été les premiers acteurs d’une transformation considérable des manières de vivre ensemble. Cette période a été marquée par une recomposition des façons de militer.

De nos jours, la retraite approchant, la jeune génération des années 60 veut imposer la question des seniors comme une nouvelle clé de l’avenir de la société guinéenne.

Les médias, souvent animés par des jeunes nés après les années 80 ont tendance à analyser le phénomène d’émergence de la jeunesse en politique comme neuf, immédiat, dépourvu d’histoire.

Les acteurs politiques juvéniles considérés comme un nouvel acteur politique sur la scène africaine, que ce soit dans les révoltes du Maghreb ou les contestations qui ont actuellement lieu en Afrique subsaharienne. La « génération Facebook », contestataire, révolutionnaire, est portée au pinacle, comme si sortie de nulle part, comme si personne ne l’attendait. C’est oublier un peu vite une tendance sociologique profonde qui s’exprime sur la scène politique subsaharienne depuis les années 1990 et dont les fruits arrivent enfin à maturité au début de cette deuxième décennie du XXIème siècle. Au Sénégal, le mouvement de protestation des jeunes « Y en a marre » est ainsi l’héritier d’une suite de mobilisations de la jeunesse au cours de la décennie 1990, qui va du mouvement « Set Setal » à la génération « Balai citoyen ».

Historiquement, la première génération d’hommes politiques africains de la période moderne était composée d’hommes jeunes. « En 1946, sur 32 élus africains dans les assemblées françaises, 6 avaient entre 25 et 30 ans, 19 entre 30 et 40 ans, 7 entre 40 et 46 ans. Les cadres du mouvement nationaliste, les détenteurs des positions de pouvoir ont souvent été perçus comme des cadets. » (Jean-François Bayart, L’Etat en Afrique : la politique du ventre).

Les cadres cooptés par le pouvoir colonial devaient avoir suivi l’éducation et les codes culturels français ou anglais, ce qui a donné aux jeunes de l’époque un capital social qui leur a permis de se démarquer des élites traditionnelles, fondées entre autre sur le droit d’aînesse. Les membres de cette génération arrivent au pouvoir au moment des indépendances alors qu’ils sont dans leur cinquantaine pour la plupart (Senghor, Houphouët-Boigny, Nkrumah, Bourguiba) et plus jeune comme Ahmed Sékou Touré. Ils s’empressent dès lors de reproduire les schémas traditionnels du droit d’aînesse, noyautent les organisations de jeunesse reléguées au statut de bac à sable où jouent les petits enfants avant de venir dans la cour des grands, le parti unique.

Le politologue camerounais Achille Mbembé (Les jeunes et l’ordre politique en Afrique noire) explique que ces ̏ Pères de la Nation˝ vont mettre en place une « lecture parentale de la subordination ». Les jeunes doivent respect et obéissance aux pères, et toute contestation politique serait en quelque sorte considérée comme irrespectueuse, comme si un enfant insultait ses parents. Cette instrumentalisation politique des relations sociales et culturelles traditionnelles, le respect aveugle et inconditionnel des jeunes aux Anciens, ne commencera réellement à être remise en question qu’au cours de la décennie 1990.

Ce retournement de situation s’explique en grande partie par les évolutions sociologiques survenus entre temps et qui ont conduit : le boom démographique postindépendance qui conduit à des situations où les moins de 30 ans composent souvent 2/3 de la population totale ; l’exode rural, synonyme de culture urbaine pour les jeunes, mais également de difficultés sociales et économiques, qui mettent sous tensions les autorités familiale, culturelle et sociale traditionnelles. L’approfondissement de la mondialisation et donc de la diffusion de la Modernité, à travers les médias (télés, radios, journaux, puis internet) et ses vecteurs puissants comme la musique, élargit encore le fossé entre la jeunesse et le reste de la société. Au-delà des aspects sociétaux de ce gap générationnel (codes vestimentaires des jeunes assimilés à une décadence par les adultes, culture rap hip-hop, culte de l’argent-roi et du sport business), l’hypocrisie du système traditionnel est également mise à nue : des démocraties de façade, une corruption généralisée des « Pères » et autres Autorités, mais surtout une impasse politique et économique, les leaders politiques censés être dignes de respect se révélant incapables de répondre aux aspirations basiques des jeunes et donc de la majorité de la population.

Depuis les années 90, la jeunesse se réapproprie l’espace public à travers des ONG’s et autres mouvements qui, au niveau des quartiers, ramassent les ordures, mènent des travaux d’assainissement et décorent et tagguent les murs et les espaces publics. Le message de mobilisation est fait sur le thème que le jeune ne doit plus être un sujet passif de l’action publique, mais un acteur entreprenant, maître de son environnement et de sa destinée.

Désormais, la jeunesse doit connaitre une seconde phase de conscientisation, plus diffuse. Elle doit se définir par une sorte d’idéalisme dans l’engagement, de non compromission, des faux-semblants, des demi-mesures et des corrompus.

La jeunesse des années 90 doit accepter d’arriver à la maturité culturelle, sociale et politique après deux décennies de pratiques de contestations. En Côte d’Ivoire, cette génération a pu profiter du trouble né de l’incompréhension entre les aînés politiques pour émerger comme un véritable acteur pour arriver rapidement aux affaires, à l’instar de Guillaume Soro, Premier ministre à 35 ans et présentement Président de l’Assemblée Nationale.

Il faut voir dans l’affirmation des jeunes sur la scène politique africaine les conséquences de l’intégration progressive du continent à la modernité sociale et politique. Nul doute que l’époque actuelle représente une opportunité historique pour les jeunes comme ont pu l’être les décennies 1940-1950 qui ont vu l’émergence des futurs « Pères des indépendances ».

Il faut cependant se méfier d’une vision apolitique se satisfaisant d’une simple alternance générationnelle, d’un « jeunisme » béat. Etre jeune ne signifie pas être honnête, compétent, responsable, talentueux. L’exemple ivoirien est à ce titre révélateur du fait que le terme « jeunesse » ne veut pas dire grand-chose. Derrière ce mot, se cachent des réalités bien différentes. Entre le jeune sans qualification et le jeune diplômé des grandes écoles, promis à une belle carrière internationale, les perspectives et les besoins immédiats sont différents. L’enjeu à venir résidera sans doute dans la capacité des différentes composantes de cette jeunesse à s’allier autour d’idées et d’actions constructives communes, au-delà de la simple contestation.

Saisissant l’opportunité du sommet de l’UA consacré à l’accélération de l’autonomisation de la Jeunesse pour un développement durable, la jeunesse guinéenne doit tout mettre en œuvre pour accéder au Président de la République, Père de la Nation sans intermédiaire.

Pour ce faire, à l’occasion de la célébration de la prochaine journée nationale de la Jeunesse (25 septembre 2016), elle doit affirmer au Professeur Alpha Condé que : « Si les politiques ne s’occupent pas de la jeunesse, le vent du changement, en contexte démocratique, conduira la jeunesse à s’occuper des politiques afin que nos engagements aient un sens ».

Ça sera l’occasion rêvée pour donner un contenu aux déclarations de bonne volonté politique exprimées à l’occasion des discours solennels en attirant l’attention du Chef de l’Etat sur les attentes réelles de la Jeunesse.

Les jeunes sont, comme vous le savez, un vecteur de changement social et politique. Et le continent africain, dont les jeunes âgés de 15 à 35 ans, représentent plus de 60% de la population, ne doit ni les ignorer, ni gaspiller car ils représentent un énorme potentiel susceptible de se transformer en menace si rien n’est fait. Nous voulons en finir avec les longs et élogieux discours et rapports de réunions et passer à l’action, l’action qui porte le changement. Les enjeux sont grands et les défis nombreux, mais la Guinée doit s’engager pour des changements immédiats en faveur de la démocratie, de la bonne gouvernance, de la paix, de l’environnement, du développement durable…

Les jeunes sont des leaders d’aujourd’hui et non de demain. Ils peuvent promouvoir et provoquer des changements insoupçonnés, c’est pour cela que le dialogue intergénérationnel franc et fréquent devient de plus en plus urgent pour établir les bases d’une compréhension mutuelle.

Le rêve du Président de la République, le Professeur Alpha Condé pour la Guinée est immense et des changements radicaux sont attendus des jeunes pour le transformer en réalité.

La Jeunesse doit inviter deux fois par an, le Président de la République à écouter en sa compagnie, les musiques urbaines pour mesurer l’état d’esprit et le moral de la génération.

C’est pourquoi, le 2 octobre prochain, la Jeunesse doit passer un contrat de génération avec le Professeur Alpha Condé visant à sortir la Guinée de l’impasse pour parvenir à l’édification d’une Nation unie et prospère.

En 2007, S.E Alpha Omar Konaré, interpellait la jeunesse en ces termes : « vous devez être la génération de l’Excellence qui défendra avec succès la Paix et le développement durable de l’Afrique ». Aussi, lors de la Conférence Africa 21, au Cameroun, son Excellence Ali Bongo Ondimba, Président de la République gabonaise déclarait : « La dure et la vraie réalité est que l’Afrique n’a pas suffisamment investi dans le développement du capital humain, pour tirer profit des avantages que représente sa population juvénile… et d’ajouter que… les jeunes africains peuvent changer le monde et doivent changer le monde ».

Mais pour changer le monde, une réponse forte et un engagement des Etats qui passe par certaines réformes au plus haut niveau est indispensable. Notamment :
• La ratification de la Charte Africaine de la Jeunesse et sa mise en œuvre rapide, ainsi que la mise en œuvre du Plan d’Action pour la Décennie de la Jeunesse ;
• La création et l’optimisation des opportunités positives de la mondialisation et des TIC ; la promotion de l’entreprenariat jeunesse et la création des emplois verts, productifs et durables pour les jeunes ;
• L’augmentation des ressources allouées à l’éducation, à la formation technique et professionnelle, à la création des campus numériques, à la formation ouverte et à distance et au service de santé en faveur des jeunes ;
• La réaffirmation d’accorder à l’Union Panafricaine de la Jeunesse (UPJ) et ses structures régionales le statut d’institutions spécialisées de l’Union Africaine, tant au niveau continental et national, ainsi qu’au sein de la Diaspora;
• L’appui à la création d’une agence des Nations Unies pour la jeunesse ;
• L’appui à la création d’une Direction en charge du développement des jeunes au sein de la Commission ;
• La mise en place dans chaque pays d’un Ministère en charge exclusivement du développement de la jeunesse ; la création des conseils nationaux des jeunes là où il n’en existe pas encore ;
• La Mise en œuvre de la résolution demandant aux États membres d’inclure les jeunes dans les délégations officielles des réunions de l’Union Africaine, des Nations Unies et de toutes autres rencontres internationales ;
• La Promotion et l’institutionnalisation de la culture du volontariat parmi les jeunes et l’appui des États membres à la mise en œuvre du Corps des jeunes volontaires de l’Union africaine.

Les jeunes sont porteurs de changement et veulent continuer de promouvoir le changement pour autant que les opportunités leur soient données.

Souvenez-vous de cette phrase de Bernanos : « c’est la fièvre de la jeunesse qui maintient le monde à la température normale, lorsque la jeunesse se refroidit le reste du monde claque les dents ».

Vive la jeunesse guinéenne pour que vive la Guinée dans la paix et la coexistence pacifique.

Que Dieu bénisse la Guinée et les Guinéens.

Conakry, le 10 septembre 2016

La Cyber-école du MPR

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