Justice et Droit

Les Onzième Epreuve : Les Douze Travaux de Maître Cheick SAKO: Le Conseil Supérieur de la Magistrature (sa recomposition)

Monsieur le Ministre,

Deux principes fondamentaux, l’indépendance du Pouvoir Judiciaire et l’impartialité des Juges, constituent la cheville de tout système judiciaire respectueux des droits des citoyens. Elles sont, en effet, le principe selon lequel un Pouvoir Judiciaire indépendant est indispensable à la bonne administration de la Justice, principe profondément ancré dans toutes les institutions judiciaires modernes.

L’indépendance du Pouvoir Judiciaire est consacrée en République de Guinée par la Constitution du 7 mai 2010. Avec la Loi Fondamentale, la Justice est un Pouvoir et non une Autorité comme le prévoyait la Constitution de 1958. Ce qui suppose au regard des textes des garanties offertes aux Juges en les mettant à l’abri des pressions ou menaces de la part des autres Pouvoirs.

L’impartialité, quant à elle, comme l’écrit  Gérard CORNU est une « absence de parti pris, de préjugé, de préférence, d’idée préconçue, exigence consubstantielle à la fonction juridictionnelle dont le propre est de départager des adversaires en toute justice et équité ». 

Quel regard pouvons-nous avoir de la séparation des pouvoirs à l’indépendance de la Justice en République de Guinée? La réalité est évidente que le Siècle des Lumières, à travers les idées de Locke et de Montesquieu, a distillé l’idée de séparation des pouvoirs dans les esprits que de nombreuses Constitutions dans le monde ont adopté cette heureuse notion. Qu’en est-il est République de Guinée ?

Si le principe est consacré dans la Constitution du 7 mai 2010 en son article 107 alinéa 1er «Le Pouvoir Judiciaire est indépendant du Pouvoir Exécutif et du Pouvoir Législatif», la réalité montre encore une influence de l’Exécutif dans le Judiciaire notamment du Président de la République (a) et du Ministre de la Justice (b) au regard des textes.

a) – Le Président de la République, selon la Constitution du 7 mai 2010 et la Loi organique sur le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM):

– Préside le CSM. Il n’y siège pas lorsque le Conseil se réunit en formation disciplinaire, mais l’ordre du jour des séances lui est communiqué. Il arrête l’ordre du jour de ses séances ;

Le CSM se réunit en Formation Plénière sur convocation du Président de la République, Président du Conseil ou, le cas échéant, du Ministre de la Justice, Vice-Président. Le Président ou le Vice-Président de la Formation Plénière préside les séances, assurent la police des séances, supervisent les délibérations et les votes.

La session plénière se tient deux fois par an, aux mois de mars et octobre, sur les nominations, les avancements et toutes questions relatives à l’organisation judiciaire, à l’indépendance de la Magistrature et à la déontologie.

– Nomme et affecte les Magistrats du Siège, du Parquet et de l’Administration Centrale, sur proposition du Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, après avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature. Lorsqu’il statue sur la nomination des Magistrats, le Conseil Supérieur de la Magistrature est présidé par le Président de la République ou, en cas d’empêchement, par le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux.

b) – Le Ministre de la Justice. Il prépare et exécute le budget des services relevant de son Ministère. Il prépare et présente à l’assemblée Nationale les projets de Loi relatifs au Statut des Juges, ainsi que les Décrets.

– Il est le Vice-Président du CSM et le préside en l’absence du Président de la République. Comme lui, il ne siège pas quand cet organisme statue en matière disciplinaire.

– En matière de nomination et d’avancement, c’est sur proposition du Ministre de la Justice ;

– Il a le pouvoir d’engager des poursuites disciplinaires contre un Magistrat devant le Conseil Supérieur de la Magistrature et le suspendre par Arrêté pour une durée qui ne peut excéder trente jours.

Au regard des textes, le Ministère de la Justice a pour mission la conception, l’élaboration et la mise en œuvre de la politique du Gouvernement en matière d’organisation et de fonctionnement des Institutions judiciaires.

A ce titre, il est particulièrement chargé :

– De définir les grandes orientations de la politique du Gouvernement en matière de Justice et de formation cohérente du système de droit guinéen ;

– De concevoir, d’élaborer et de mettre en œuvre la législation et la réglementation en matières civile, commerciale, administrative, pénale, ainsi que les  procédures y afférentes et d’en assurer le suivi et le contrôle;

– D’élaborer les règles d’organisation, de fonctionnement et de compétence des juridictions et des services  pénitentiaires ;

– D’organiser les conditions d’accès égal à la justice et de veiller à la primauté du Droit ;

– De rendre effective l’assistance judiciaire ;

– D’assurer la promotion et la protection des droits et libertés fondamentales et la prise en charge de la population pénale ;

– De participer à la mise en place des conditions garantissant l’exercice des libertés publiques et individuelles, ainsi que la prévention de leur violation ;

– D’assurer la formation et le perfectionnement des ressources humaines du Département de la Justice ;

– De mettre en œuvre l’entraide internationale en matière de  Justice ;

– De contribuer à l’élaboration du droit international et de veiller à son intégration dans le droit interne ;

– De veiller à la mise en œuvre des conventions internationales et au règlement des contentieux internationaux ;

– D’organiser et de gérer les matières relatives aux Armoiries de la République et au Sceau de l’Etat ;

– De contribuer à la consolidation de l’Etat de Droit.

La compétence d’administrer la Justice place le Ministre de la Justice, membre du Pouvoir  Exécutif au-dessus du Pouvoir Judiciaire. Elle fait du Ministre de la Justice une sorte d’autorité de surveillance et de contrôle du Pouvoir judiciaire, en violation du principe de l’indépendance de la Justice surtout que le Ministre de la Justice n’exerce aucune fonction juridictionnelle. Il n’est pas un Juge mais un membre du Pouvoir Exécutif (Et même s’il était un Juge nommé Ministre de la Justice, il ne pourrait jouer le rôle de Juge et de Ministre à la fois). Dans ces conditions comment peut-on parler d’indépendance du Pouvoir Judiciaire si l’organe de contrôle des Magistrats est présidé par le Président de la République ayant pour Vice-Président le Ministre de la Justice tous deux membres de l’Exécutif? S’ils tiennent ce pouvoir de la Loi, il est absolument nécessaire de modifier fondamentalement cette Loi afin que, pour être conforme à la Constitution, que les attributions du Ministère de la Justice soient réduites à l’exercice du Pouvoir Exécutif dès lors que ce Ministère, au regard de la Constitution qui consacre la séparation des pouvoirs n’est pas organiquement l’autorité hiérarchique du Pouvoir Judiciaire.

DE LA NECESSITE DE LA CREATION D’UN ORGANE INDEPENDANT : Au regard de ce qui précède, il est absolument indispensable de revoir la structure du Conseil Supérieur de la Magistrature afin de mettre en place UN CONSEIL SUPERIEUR DU POUVOIR JUDICIAIRE (CSPJ) qui devrait être constitué que de Magistrats.

Cette idée est celle de vouloir éliminer définitivement « le poids de l’Exécutif » sur le Judiciaire. La configuration géographique du bâtiment de la Cour d’Appel de Conakry en est d’ailleurs une illustration : Le Ministre de la Justice et son Cabinet au-dessus, la Cour d’Appel au-dessous. Une véritable copie de « l’épée de Damoclès » ! Cette situation a été dénoncée des années durant, rien n’y fit même si dans la ventilation des crédits budgétaires au titre du Budget d’Affectation Spéciale (BAS) il est prévu une ligne pour la construction du siège du Ministère de la Justice. Ce sera pour quand ?

Ce Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire ne devrait comprendre ni le Président de la République ni le Ministre de la Justice qui représentent le Pouvoir Exécutif mais de Magistrats issus de nos juridictions.

Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) devrait être présidé par le Premier Président de la Cour Suprême avec pour Vice-Président le Procureur Général près la Cour Suprême.

Le fait que le Président de la République préside le Conseil Supérieur de la Magistrature fait de lui le Premier Magistrat. Cette notion reprise dans nos Régions et Préfectures a montré de nombreuses frictions entre les représentants du Président de la République qui se font appeler « Premier Magistrat » dans leurs ressorts, à juste titre, mais malheureusement très mal interprété puisque pour cela on a vu un Préfet fermer un Tribunal tout simplement parce que le Juge de Paix refusait d’aller le saluer tous les matins, lui, le « Premier Magistrat » ! L’Etat lui-même cautionne cela et pour cause : Alors que le Préfet ou le Gouverneur de Région est logé dans une villa avec gardes, allez voir les logements des Juges de Paix, des Présidents des Tribunaux ou des Procureurs de la République; alors que le parc auto des Préfets et Gouverneurs de Région est considérable où sont les véhicules de fonction des Juges de Paix, des Présidents des Tribunaux, des Procureurs de la République qui ne peuvent même pas effectuer des missions d’inspections judiciaires dans leurs ressorts judiciaires. Lorsqu’un militaire est recruté dans l’Armée l’Etat lui achète immédiatement la tenue militaire. Où sont les robes achetées par l’Etat pour chaque Magistrat étant entendu que la tenue militaire est personnelle pourquoi chaque Magistrat n’a pas sa robe taillée sur mesure et personnelle ? Le militaire a aussitôt son arme ? Où sont les Codes remis à chaque Magistrat ? Alors que le militaire a sa dotation en minutions où sont les textes de Lois remis après chaque adoption par l’Assemblée Nationale au Magistrat ? C’est uniquement lorsque l’Etat a besoin de toi qu’il se tourne vers toi : Mise en place de la Cour Suprême ? Des toges rouges avec simarre de soie noire, revers doublé d’hermine, épitoge rouge avec fourrure blanche  sont vite achetées. Après  plus rien. « Procès des gangs », nous exigeons des robes neuves. Un émissaire est vite envoyé à Paris à la Maison Bosc après avoir pris nos mesures pour nous trouver des robes avec nos noms inscrits; mais nos collègues de la Cour d’Appel de Kankan n’en ont pas eu ! La Cour Constitutionnelle est chérie ces temps-ci, appréciez leurs robes et budget de fonctionnement, mais après … et les autres Magistrats ? Pour les audiences solennelles, point de robes, pourtant il est bien beau de regarder nos Officiers Supérieurs  de l’Armée lors des parades militaires, pourquoi pas pour nos Hauts Magistrats ?

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La mise en place du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire trouve son fondement dans de nombreux textes internationaux ratifiés par la République de Guinée. Ces textes reconnaissent tous le rôle essentiel que joue une Magistrature compétente, indépendante et impartiale dans la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales. C’est dans cet ordre d’idées d’ailleurs que le septième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants a adopté et l’Assemblée générale a approuvé, en 1985, les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature, qui doivent être « pris en considération et respectés par les gouvernements dans le cadre de la législation et de la pratique nationales et être portés à l’attention de juges, des avocats, du pouvoir exécutif et législatif et du public ».

Les principes couvrent l’indépendance de la Magistrature, la liberté d’expression et d’association, les qualifications, la sélection et la formation, les conditions d’exercice et la durée du mandat, ainsi que les mesures disciplinaires, la suspension et la destitution. À ce titre, ils forment un cadre de normes internationales qui permet d’évaluer la Magistrature d’un État. Cette volonté d’indépendance de la Magistrature ou du droit à un Tribunal compétent, indépendant et impartial est énoncée dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (Article 10) et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Article 14), ainsi que dans des instruments régionaux tels que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Article 6), la Convention américaine relative aux droits de l’homme (Article 8) et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Article 7).

Il est donc nécessaire de modifier les différents textes de Lois de manière à :

– Assurer l’indépendance institutionnelle et organisationnelle du nouveau Conseil ;

– Garantir les ressources opérationnelles et administratives pour ce Conseil et qu’il puisse exercer effectivement le plein contrôle sur ces ressources ;

– Exiger que l’Assemblée Nationale implique le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, notamment par consultation directe significative, dans la détermination du budget de la Magistrature et habiliter le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire à gérer l’allocation des ressources judiciaires. Un certain nombre de normes régionales prévoient que le Pouvoir Judiciaire soit consulté en ce qui concerne la préparation du budget et sa mise en œuvre.

Cette volonté de faire respecter la Constitution qui prône la séparation des Pouvoirs ne doit pas être vue comme un acte de « lèse-majesté» où toutes les interprétations sont possibles au point qu’on a vu que le Président de l’Association des Magistrats de Guinée nommé Juge de Paix à  Koubia simplement parce qu’il était le porte flambeau des Magistrats et un autre Magistrat « menacé » de mise à la retraite d’office. Nous ne devons plus nous prêter à ces analyses destructrices alors que nous avons besoin de redorer le blason de la Justice toujours sali à cause d’une ou deux décisions considérées comme « mauvaises décisions » au point de dire qu’une odeur de corruption est là refusant de voir le nombre de décisions judiciaires rendues par les Magistrats guinéens. Sur ce point, la cellule de communication du Ministère de la Justice devrait être plus dynamique, plus offensive pour montrer l’efficacité de la Justice, les conditions difficiles dans lesquelles travaillent Magistrats, Greffiers, Avocats, Huissiers de Justice, présenter chaque deux mois les statistiques judiciaires ainsi chacun pourra juger comme il le veut les Magistrats qui ne sont pas dans un autre monde mais de dignes fils de notre Nation, soucieux de la paix de notre pays, de sa stabilité sociale, de la volonté et de la détermination de rendre la Justice au nom du Peuple de Guinée, le référentiel suprême.

MISSIONS DU CONSEIL SUPERIEUR DU POUVOIR JUDICIAIRE : Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire devrait être l’organe d’administration, de contrôle, de discipline et de délibération. C’est lui qui devrait formuler un avis concernant les nominations des Magistrats et mettre à jour le Tableau de cheminement annuel de tout Magistrat.

Il devra disposer d’un pouvoir général d’information et de recommandation sur l’état de la Magistrature.

Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire mis en place devra s’atteler, comme ailleurs :

– A appuyer l’élaboration d’une législation qui permette aux Magistrats de travailler en toute indépendance;

– A renforcer l’aptitude de la Magistrature à former des Juges et autres personnels judiciaires ;

– A accroître l’intégrité des Magistrats et à mettre en place des mécanismes efficaces et transparents de répression de la corruption;

– A renforcer l’aptitude des Magistrats à faire respecter les Droits de l’Homme dans les procédures pénales, principalement;

– A faciliter la communication et la coopération entre tous les acteurs du système de justice pénale;

– A apporter des réponses collectives et systémiques aux problèmes que rencontre le système de justice pénale;

– A améliorer l’accès à la Justice.

A) – LA NOMINATION DES MAGISTRATS DU SIEGE ET DU PARQUET : Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire devrait être l’organe devant proposer à la fois les Magistrats du Siège et les Magistrats du Parquet  aux différentes nominations par le Président de la République. Il faut le dire tout de suite, ce n’est pas parce qu’en France, par exemple, pour la nomination des Magistrats du Siège que le Conseil Supérieur de la Magistrature, dans sa formation compétente à l’égard des magistrats du siège dispose du pouvoir de proposition aux postes du siège de la Cour de cassation – premier président, présidents de chambre, conseillers, conseillers en service extraordinaires, conseillers référendaires et auditeurs -,  de premiers présidents de Cours d’appel et de présidents de tribunaux de grande instance, et que pour les autres nominations des magistrats du siège, le pouvoir de proposition relève du garde des Sceaux, le Conseil supérieur émettant un avis sur le projet de nomination, « conforme » ou « non-conforme » liant le garde des Sceaux, que nous devrons imiter cette procédure ou encore que pour les Magistrats du Parquet en France la formation du Conseil supérieur de la magistrature, compétente à leur égard donne sur les propositions de nomination un avis simple, « favorable » ou « défavorable », qui ne lie pas le ministre de la Justice.  Loin s’en faut !  Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire devrait, au regard de la Loi le créant proposer à la nomination tous les Magistrats, du Siège comme du Parquet. 

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Il est incontestable que « la capacité de l’Exécutif à façonner la carrière des magistrats, y compris leur promotion, transfert et discipline, est incompatible avec les normes internationales relatives à l’indépendance du pouvoir judiciaire. Le Comité des droits de l’homme, interprétant les dispositions de l’article 14 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, a déclaré que les États doivent protéger « les juges de toute forme d’ingérence politique dans leurs décisions» en fixant « des procédures claires et des critères objectifs en ce qui concerne la nomination, la rémunération, la durée du mandat, l’avancement, la suspension et la révocation des magistrats, ainsi que les mesures disciplinaires dont ils peuvent faire l’objet ». Le Comité des droits de l’homme et le Rapporteur spécial de l’ONU sur l’indépendance des juges et des avocats ont à plusieurs reprises été critiques vis-à-vis de l’implication de l’Exécutif dans la sélection, la promotion et la discipline ou la révocation des magistrats et ont recommandé qu’une autorité indépendante s’occupe de ces questions. Les Directives et Principes sur le droit à un procès équitable et l’assistance judiciaire en Afrique, adoptée par la Commission Africaine des droits de l’homme et des peuples, ainsi que la Charte européenne sur le statut des juges appellent également à un organisme indépendant pour la sélection et la nomination des juges.»

Si les Magistrats du Parquet et les Magistrats du Siège sont considérés comme faisant partie du corps de la magistrature. Cependant, ils ne bénéficient pas des mêmes garanties d’inamovibilité et d’indépendance. En vertu de la législation actuelle, l’Exécutif exerce une influence significative sur les Magistrats du Parquet : Le Ministère public est sous l’autorité et fonctionnellement dépendant du Ministère de la Justice. Le Code de procédure pénale donne le pouvoir au Ministre de la Justice d’enjoindre le Procureur Général près la Cour d’Appel de lancer des poursuites ou de saisir une juridiction. Le Procureur Général est également tenu de se conformer aux instructions écrites émises par le Ministre de la Justice.  Dans ces conditions, la nouvelle loi devrait indiquer clairement que le Ministre de la Justice ne doit avoir aucune autorité sur le Ministère public ou avoir la capacité de contrôler la carrière individuelle des Magistrats du Parquet et enfin le pouvoir de suspension d’un Magistrat du Parquet, compétence étant désormais dévolue au Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire et à lui seul.

Des femmes-Magistrats : Le projet de Loi (ou la proposition) devrait également prévoir des mesures spécifiques pour assurer la participation pleine et égale des femmes dans la Magistrature, y compris aux plus hauts niveaux. « Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, mandaté par la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes pour l’interprétation et l’application de ses dispositions, a souligné que l’article 7 de la Convention exige des États non seulement d’éliminer tous les obstacles juridiques, mais aussi de prendre des mesures supplémentaires pour garantir que, dans la pratique, les femmes bénéficient véritablement de chances égales de participer au pouvoir judiciaire. Celles-ci peuvent inclure des mesures temporaires spéciales telles que « recruter, aider financièrement et former les candidates à des élections, à modifier le mode de scrutin, à organiser des campagnes promouvant l’égalité des femmes avec les hommes dans la vie publique, à fixer des objectifs quantitatifs et des quotas et à nommer des femmes à des postes publics dans l’administration judiciaire. » Tel que noté par le Rapporteur spécial de l’ONU sur l’indépendance des juges et des avocats, « Comme l’une des tâches essentielles de la magistrature est de promouvoir l’égalité et l’équité, la composition des tribunaux et des autres instances judiciaires doit refléter l’engagement de l’État de garantir l’égalité. En outre, le système judiciaire doit personnifier le pluralisme de la société et des communautés qu’il est appelé à servir et refléter leur diversité pour préserver ou rehausser la confiance du public dans sa crédibilité, sa légitimité et son impartialité. »

B) – DE LA DISCIPLINE DES MAGISTRATS : Au regard de nombreux textes les Magistrats sont indépendants et n’ont pas de compte à rendre à personne en ce qui concerne leurs activités juridictionnelles. Cela ne veut pourtant pas dire qu’ils peuvent agir à leur guise en violant la loi et les droits des justiciables! Lorsqu’un Magistrat du Siège ou du Parquet aurait violé ses obligations déontologiques, le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire devrait être saisi tant par le Ministre de la Justice que par les Premiers Présidents de Cours d’Appel ou les Présidents de Tribunaux de Première Instance, ou par les Procureurs Généraux près les Cours d’Appel ou les Procureurs de la République près les Tribunaux de Première Instance. Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire devrait être aussi saisi directement par tout justiciable au cas où une faute disciplinaire est susceptible d’avoir été commise par  un Magistrat, dans l’exercice de ses fonctions et à l’occasion d’une procédure judiciaire le concernant. La plainte du justiciable doit contenir l’indication détaillée des faits et griefs allégués et doit être signée par le justiciable et indiquer son identité, son adresse ainsi que les éléments permettant d’identifier la procédure en cause.

C) – GARANTIR L’INDEPENDANCE DU POUVOIR JUDICIAIRE : Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire devrait se prononcer sur toutes les questions relatives à la déontologie des Magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la Justice.

A la fin de chaque année judiciaire, le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire devrait  publier son rapport d’activités, élaborer et rendre public un recueil des obligations déontologiques des Magistrats. 

D) – L’INSPECTION GENERALE DES SERVICES JUDICIAIRES : Celle-ci devrait être mise en place au sein du CSPJ en indiquant sa composition et compétences. L’Inspection générale des Services Judiciaires devrait pouvoir évaluer les Magistrats et faire rapport au CSPJ en ce qui concerne la performance des magistrats (ce qui est distinct des procédures disciplinaires initiées en réponse aux plaintes spécifiques). C’est justement au vu de la performance de chaque Magistrat que chacun pourra bénéficier d’une promotion puisque, comme l’indiquent les normes internationales, la promotion des Magistrats doit être fondée sur des critères objectifs, tels que «la capacité, l’intégrité et l’expérience ». La Déclaration de Singhvi affirme ainsi : « La promotion d’un magistrat doit être fondée sur une évaluation objective de l’intégrité du magistrat, de son indépendance, compétence professionnelle, expérience, humanité et engagement à respecter la primauté du droit. » La Charte européenne sur le statut des juges décrit en ces termes le système de promotion « exclusivement fondé sur les qualités et les mérites constatés dans l’exercice des fonctions confiées au juge ou à la juge au moyen d’évaluations objectives effectuées par un ou plusieurs juges et discutées avec le ou la juge intéressés. »

A la lumière de ce qui précède, la composition actuelle du Conseil Supérieur de la Magistrature mérite d’être revue afin d’assurer efficacement l’indépendance de la Justice.

Mamadou Alioune DRAME – Magistrat

PAR CONAKRYLEMAG.COM

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