Avec la pluie de ce matin, ma voiture a refusé ma compagnie. Les bougies doivent être noyées avec toute cette flotte. Mais il fallait que je sorte. Je dois aller à Lambanyi parce qu’un lascar là-bas me doit du fric. Je fais le chemin à pied et j’arrive les pieds mouillés par les éclaboussures des véhicules qui me dépassent.
Je trouve le gars en question dans son bureau, en compagnie d’une fille tellement claire que je trouve ça pas clair du tout; elle me reluque des pieds à la tête en insistant bien sur mes chaussures mouillées.
Le piéton est-il devenu un paria ? Est-ce ma faute si Mathurien n’a pas encore tout pavé à Conakry ? En tout cas, je préfère avoir les pieds sales que la peau qui pue. Devant moi, mon gaillard remet une liasse de billets de banque à la donzelle de la famille des caméléons qui prend congé. Dégage ouais, espèce de dépigmentée !
Je m’installe devant le gus qui prend une mine constipée pour me dire que sa mère est malade et que d’ailleurs c’est sa soeur qui vient de partir avec l’argent pour la pharmacie. Sa soeur, mon œil ! C’est sa pisseuse, ouais ! Comme par hasard, c’était sa dernière liasse, sinon il n’a pas oublié le crédit car il me respecte beaucoup et patati et patata.
Je le regarde dans le rouge des yeux et je me dis que ce fils de rat me prend pour un con. Ce qui est vrai car c’est moi qui ai accepté de lui prêter de l’argent. Qui est-ce qui prête encore de nos jours ? Personne !
Je suis bien placé pour le savoir vu que j’ai fait le tour de Conakry pour trouver prêteur. En vain ! Ma situation n’est pas prête de s’arranger. Alors toi, oui toi, toi qui lit ça, au secours.