Dans ce pays où nous crions tous famine dans l’espoir de conjurer la vie chère, il se trouve des sociétés commerciales qui tentent d’encourager la mendicité. Comme si on n’en avait pas déjà assez des hordes de mendiants qui pullulent partout.
Quelle mouche a piqué cette compagnie de téléphonie qui a inventé le «paye pour moi»? Il suffit de tomber dans le piège d’une gonzesse en manque de pigeon à plumer pour qu’elle te casse les pieds. En plus, elle n’a même pas besoin d’avoir du crédit dans son bigophone pour se livrer à ce jeu de harcèlement par cellulaire interposé.
La ruminante à laquelle j’ai affaire s’y livre à cœur joie. Dès qu’elle a envie de m’escroquer quelques billets, elle m’envoie une alerte, sans frais, avec cette demande : «Paye pour moi.» Imaginez un mendiant qui veut qu’on l’appelle pour lui faire l’aumône ! Il ne manquait plus que cette trouvaille en Guinée. On aura tout vu. Le pire dans cette mendicité harceleuse est qu’elle est favorisée à coups de publicité comme pour inciter les gens à s’y adonner.
Je n’ai rien contre les commerçants qui essaient, par tous les moyens, de faire vendre leurs camelotes, mais lorsque cette stratégie me dérange et m’empêche de siroter tranquillement ma Guiluxe sans être importuné, je dis trop, c’est trop ! Aussi, pour éviter ces mange-mil, je suis obligé de fermer mon téléphone au point que tout le week-end j’ai raté une invitation à une fête où je pouvais me désaltérer gratuitement et aux frais de la princesse qui l’a organisée.
A défaut de plaider pour la suppression de la mendicité harcelante par le téléphone cellulaire, j’ai décidé d’inviter les dignes représentants de ma brasserie à opter au moins pour le système de bonus. En cette période de vie chère où ma fréquentation des maquis est aussi rare que les sous à Conakry, le brasseur de la Guiluxe gagnerait lui aussi à m’inciter à la consommation. S’il proposait par exemple une petite bouteille en cadeau pour tout achat de deux Guiluxes, je me priverais moins de ce nectar, qui est ma seule raison d’espérer dans ce désert guinéen.