Tribune : intrigues du Palais Sekoutoureyah par (Dr. Lamine Issoufou Camara)

A l’insu du grand public, se joue depuis plusieurs mois à Sékhoutoureyah, un remake grandeur nature des fameuses séries relatant les intrigues de pouvoir avec pour scénario final la chute du gouvernement. A force de témoignages, de faits avérés et de recoupements, il est possible de retracer le scénario qui suit.

Les acteurs :

Le Gouvernement

Miné lui-même par des rivalités internes comme celles opposant Oyé Guilavogui et Taliby Sylla ou Marc Yombouno et André Loua et affaibli par les premières hésitations du tout nouveau Premier ministre lorsqu’il prenait ses marques à son poste.

Fort de ses acquis (relance du dialogue politique, achèvement d’un programme formel pour la première fois de l’histoire du pays avec le FMI, lutte contre la Pêche illicite, projets SMB, GAC, CBG, relance des cultures de rente, etc.), ce gouvernement n’a pas songé un seul instant que sans communication son bilan n’était qu’une vue de l’esprit face à la dégradation des routes, le retour des délestages et l’insalubrité qui, contrairement, aux performances macroéconomiques, sont eux bien visibles et palpables.

Un Gouvernement donc bien fragile face à une adversité qui a pris le temps de se mettre en place.

Le « CHAOS »

Ou Coalition Hétéroclite des Anciens Opposés devenus Serviles. Ils ont tous été à un moment donné opposés à Alpha Condé. Que ce soit sous Sékou Touré, Lansana Conté, Dadis ou Konaté et même au début de son mandat. Ils se sont ralliés à la mouvance présidentielle par réalisme politique, opportunisme ou, tout simplement faute de mieux.

Ils ont un seul et unique objectif, être à la Table pour le partage du gâteau. De préférence maintenant ou au pire des cas après ce deuxième mandat.

Les RIP (Réseau des Insatisfaits du Pouvoir)

Ce sont principalement des rpgistes (certains de longue date) qui n’ont pas été nommés ministres ou hauts cadres de l’Etat. Ils en ressentent une profonde injustice et jalousent ceux qui sont aux affaires avec une dent particulière contre les ministres et hauts cadres rpgistes qui, à leurs yeux, ne sont pas plus méritant qu’eux. Ils ont été rejoints par les premiers membres du gouvernement et hauts cadres rpgistes qui avaient été nommés au début du mandat et qui ont été débarqués par la suite. Ceux-là, ayant goûté les délices du pouvoir, sont encore plus aigris que ceux qui n’ont jamais été nommés.

Le contexte :

Alpha Condé est fraichement réélu. Il faut avoir sa place autour du gâteau dès maintenant et/ou préparer l’après Alpha.

Un nouveau gouvernement a été constitué. Tout le monde ne s’y retrouve pas et certains en ont même été éjectés.

L’opposition se fissure et, visiblement, a du mal à présenter un projet politique uni pour 2020. Sydia Touré est déjà parti voir ailleurs. Bah Oury est une épine dans le pied de l’UFDG. Faya Millimono continu à tracer sa propre route. En coulisses ou ouvertement, Aboubacar Soumah, Aboubacar Sylla et Mouctar Diallo et d’autres contestent de plus en plus le leadership de Cellou Dalein Diallo en tant que Chef de file de l’opposition. La récente affaire des « 500 millions par mois » ne vas pas arranger les choses.

La mouvance présidentielle n’échappe pas à la crise. Le RPG arc en ciel est en pleine guerre de succession. Les poids lourds comme Ousmane Kaba, Mansour Kaba et Mamadou Diawara en ont eu marre de ronger leur frein et n’ont pas voulu attendre pour ‘’s’émanciper’’. La jeunesse du parti veut des responsabilités plus importantes aussi bien dans le parti que dans l’appareil de l’Etat. Il en va de même des autres partis alliés.

Les enjeux

C’est évident, profitant de ce contexte délétère, où chacun cherche ses marques, ces trois tendances se battent pour le Pouvoir. Le Pouvoir maintenant et à la meilleure place possible. Et pour cela, à défaut de la Présidence de la République, la Primature n’est-elle pas la mieux indiquée ?

Le CHAOS vise donc le poste de Premier ministre. Ce poste est stratégique : il permettra à ce groupe de contrôler la composition du nouveau gouvernement et de positionner son titulaire pour 2020.

Le scénario :

Pour parvenir à leurs fins tous les coups sont permis, à commencer par dégommer le Premier ministre actuel.

C’est ainsi que le CHAOS a tout fait pour saboter les premiers mois d’exercice de Mamady Youla. On se souvient de cette réunion début 2016 entre plusieurs cadres de la Basse-côte et d’un très haut placé à la Présidence pour mettre en place une campagne de dénigrement du tout nouveau PM sur le thème « il est inexpérimenté, il est incompétent, il n’est pas social ». Cette réunion, dont le président avait eu connaissance avait d’ailleurs failli entraîner le départ de ce Très Haut cadre de la Présidence.

Puis, il y a eu le concours Miss Guinée, où des médias visiblement bien conditionnés ont joué le rôle de vierges effarouchées pour crier au scandale de la présence du PM comme si c’était la première fois qu’une élection Miss se tenait en Guinée.

Après il y a eu l’affaire des « sextapes ». Partant du buzz créé par la vidéo impliquant deux personnalités de la cité, le CHAOS, (associé pour la circonstance par certains du RIP et peut-être même du Gouvernement) a tout fait pour salir le PM. Pour y arriver, ils ont utilisé une jeune déséquilibrée qui a diffusé une vidéo sur Facebook dans laquelle elle incrimine notamment le PM. Détail important : ladite jeune fille est proche (familialement) de l’ancien Président Lansana Conté et d’un haut responsable du RPG. Coïncidence ?

Ces deux complots n’ayant pas prospéré, le CHAOS est passé à autre chose : manipuler les syndicats pour transformer une simple demande de correction technique (rétablissement de la VMPI) en révolte populaire. L’objectif alors est de faire tomber le Gouvernement sous prétexte qu’il n’a pas su anticiper cette grève. Au fur et à mesure que les négociations avancent, le CHAOS se rend compte que cette crise ne pourra pas atteindre le PM alors il passe au plan B : éliminer le maximum de ceux qu’ils considèrent comme des obstacles à leur plan-programme de prise du pouvoir, en d’autres termes, les ministres qu’ils estiment les plus proches du Président.

Le calcul est simple : il faut parvenir à démontrer que tous les responsables des départements concernés ont été incompétents et doivent donc dégager. Cela va des ministères de l’Education à celui de la Fonction publique puis la Sécurité et pourquoi pas la Communication en passant par le Budget et les Finances. Cette stratégie épouse parfaitement les desseins des RIP qui n’attendent qu’une occasion pour enfin remplacer ces ministres et obtenir les places qu’ils estiment leur revenir de droit. Une alliance naturelle se forme alors entre le CHAOS et le RIP avec comme relais-complices des ministres et des conseillers à la Présidence. Les deux camps s’entendent alors pour se relayer auprès du Président et critiquer vertement les ministres concernés. Finalement l’alliance n’aura que les têtes des ministres de l’Enseignement primaire et de la Fonction publique.

Après quelques semaines d’accalmie, voilà qu’à l’occasion des événements de Boké, la machine semble avoir été rebranchée. Les critiques fusent de toutes parts sur le Gouvernement Youla pour sa prétendue incapacité à devancer les événements. Un célèbre Conseiller du Président vient d’ailleurs d’accorder des entretiens où il affirme que cette crise, comme les autres, relèvent d’un manque de coordination gouvernementale et qu’il faut mettre en place un comité de veille pour la gestion des crises en Guinée. Devinez la cible et la suite.

En d’autres lieux et dans d’autres circonstances, ces querelles intestines pourraient prêter à sourire et constitueraient même une source d’émulation pour contraindre le gouvernement à se surpasser.

Mais dans un pays aussi fragile, qui vient de si loin et qui fait face à de si grands défis, cela devient inquiétant.

A l’arrivée se sont les populations qui font les frais de cette lutte effrénée vers le pouvoir.

Des sources dignes de foi indiquent que, dans leur désir d’affaiblir le Gouvernement et le PM, le CHAOS et le RIP ont même tenté de faire échouer le programme avec le FMI fin 2016. Pour y parvenir, les deux camps sont allés jusqu’à proposer à l’UFDG un gouvernement d’union nationale avec des postes ministériels stratégiques dans ce qu’aurait été le gouvernement succédant à celui de Mamady Youla.

Plus grave, à l’occasion des émeutes liées à la grève des enseignants, et celles récentes de Boké ou de Dubréka, on constate de plus en plus une démission systématique des forces de sécurité. Combien de citoyens n’ont-ils pas été scandalisés par la passivité, sinon la bienveillance, des policiers et gendarmes, devant la furie destructrice des manifestants eux-mêmes manipulés par l’alliance CHAOS-RIP. Il est évident que ces forces de sécurité ont été fermement conseillées de ne pas être fermes.

En arriver à une telle extrémité et mettre en danger la sécurité des citoyens et la santé économique du pays fait froid dans le dos. Quand on sait jusqu’où certains médias et journalistes sont capables d’être corrompus au détriment de toute déontologie et de toute éthique, il y a lieu de se poser de sérieuses questions. La facilité avec laquelle il est aujourd’hui possible de façonner l’opinion publique avec des réseaux sociaux accessibles et une communication gouvernementale à minima laisse présager d’autres crises majeures.

Quelqu’un avait dit que le Président Alpha Condé avait fait rentrer le loup dans la bergerie en procédant à certaines nominations issues du CHAOS et du RIP à ses côtés. Mais ceux qui pensent être les bergers n’ont qu’à bien tenir leur bâton. Dans un troupeau, il y a des agneaux, des moutons mais aussi des béliers.

Dr. Lamine Issoufou Camara

PAR CONAKRYLEMAG.COM

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