Tibou Kamara : la justice des vainqueurs ou l’incapacité d’un État à juger sans haine

Tibou Kamara : la justice des vainqueurs ou l’incapacité d’un État à juger sans haine

Il écrit. Il signe. Et il dérange encore. Tibou Kamara, ancien ministre, éternel survivant des régimes et fin stratège du verbe, revient avec une tribune qui sonne comme un uppercut discret mais précis. Le titre ? « Qui est coupable ou incapable de prouver son innocence ? » Une simple phrase. Mais tout est dit. Ou presque.

Car derrière cette interrogation, se cache un réquisitoire. Contre une justice de l’insinuation, une société de la présomption permanente, un État qui ne juge plus pour établir la vérité, mais pour entériner une vengeance.

Tibou Kamara, dans sa plume élégante et acide, convoque Galilée, Socrate, les grands condamnés de l’Histoire. Ceux qu’on a fait taire non parce qu’ils étaient coupables, mais parce qu’ils dérangeaient. Parce qu’ils pensaient. Parce qu’ils refusaient de bêler avec le troupeau. La Guinée, dit-il sans le dire, n’est pas exempte de cette tragique tentation : faire du tribunal le prolongement de la haine politique.

Et il faut l’entendre, cet aveu à peine voilé. Il ne se pose pas en martyr. Il ne se proclame pas innocent. Il dénonce le renversement du fardeau de la preuve : dans la Guinée d’aujourd’hui, on n’est pas jugé coupable. On est sommé de prouver son innocence. Et si on ne peut pas ? Silence. Cellule. Soupçon à vie.

Mais la charge ne s’arrête pas à la justice. Elle vise la société entière. Une société hypocrite, selon lui, où chacun se donne des leçons à lui-même à travers les autres. Où l’on exige la vertu de ses ennemis et l’amnésie pour ses amis. Une société où la clameur publique a remplacé l’instruction judiciaire. Où le commentaire vaut preuve. Où l’indignation sur commande est devenue la norme.

Kamara ne se disculpe pas. Il nous tend un miroir sale. Et il nous dit : regardez ce que nous sommes devenus. Des juges sans robe, des procureurs sans faits, des bourreaux sans scrupule. Une nation qui ne sait plus faire la différence entre justice et vengeance. Entre faute et fausse accusation.

Et à la fin, une prière laïque : que la contradiction redevienne possible. Que penser autrement ne vaille plus la mort civile. Que la démocratie ne se résume pas à l’unanimité fabriquée, mais au choc des idées. Qu’on cesse de confondre accusation et vérité.

Tibou Kamara écrit. Et en creux, il dit ceci : ce n’est pas moi que vous devez juger. C’est votre propre rapport à la justice, à la vérité, à l’autre. Et c’est peut-être pour cela que son texte dérange autant.

Parce qu’il ne plaide pas. Il accuse.

PAR CONAKRYLEMAG.COM

— conakrylemag

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