Le Président de l’Union des forces républicaines a présenté ses voeux aux Guinéens ce dimanche devant la presse. Sidya Touré est revenu sur les moments qui ont marqués l’année écoulée. Dans son discours, il a critiqué la gouvernance économique, politique, sociale du régime en place. Lisez l’intégralité de son discours.
« Guinéennes et Guinéens,
Chers Compatriotes,
L’année 2013 qui vient de s’achever a été une année difficile, à tous points de vue, pour la Guinée et les guinéens.
Nous avons, au cours de cette année 2013 pour défendre nos revendications politiques légitimes, organisé plusieurs manifestations qui ont été émaillées souvent de morts d’hommes. Je saisis cette occasion pour m’incliner devant la mémoire de tous ceux qui ont perdu la vie en exerçant ou en revendiquant leurs droits.
Ainsi depuis l’avènement du régime Alpha Condé, la répression des manifestations légalement organisées par l’opposition, mais aussi les altercations communautaires ont entrainé plusieurs décès sans aucune conséquence judiciaire ou même administrative pour les auteurs ou commanditaires de ces tueries.
Ce contexte d’impunité a failli dangereusement dégénérer en affrontements inter ethniques, pouvant éprouver rudement la paix sociale déjà bien fragile. Pour éviter que ces affrontements ne se généralisent, nous avons décidé d’arrêter ce genre de manifestations. Cette décision ayant entrainé une accalmie dans la Cité, le dialogue politique inter guinéen a pu s’engager pour aboutir à la signature des accords politiques du 3 juillet 2013.
Chers Compatriotes,
L’avènement d’une nouvelle année est toujours pour moi une opportunité de renouveler mes vœux de bonheur pour vous tous.
Au-delà de ce qui apparait comme une tradition, c’est aussi l’occasion d’évoquer ce que notre pays aurait pu être si notre évolution n’avait été entravée par les préoccupations politiciennes du pouvoir. Le régime Alpha Condé, en campagne électorale permanente depuis 2010, a fait perdre à notre pays trois précieuses années qui auraient du être utiles et efficaces, si le bien-être de nos compatriotes avait été sa préoccupation. Hélas ! Notre situation économique s’est dégradée comme jamais par le passé.
D’une croissance déjà molle de 3,8% en 2011 et 2012, nous sommes tombés à moins de 2% en 2013, cela signifie que cet accroissement de notre richesse est inférieur à l’accroissement concomitant de la population qui est de plus de 3%.
Notre création de richesses n’est pas en phase avec les besoins grandissants d’une population lassée par des promesses sans lendemains :
• Manque d’infrastructures : eau, électricité, routes ;
• Performance médiocre de l’Administration.
La recherche d’une centralisation outrancière qui permet une confiscation du pouvoir, nous entraine inexorablement vers un régime politique personnel dans lequel l’Etat de Droit est insidieusement mais sûrement phagocyté. L’épisode du « vote » précipité de la Loi de Finances 2014 par un C.N.T. illégal, alors que les représentants légitimes du peuple sont élus depuis plusieurs mois, en est l’illustration la plus récente.
Je sais que vous avez souffert, que nous avons souffert en 2013, et d’une manière générale depuis 3 ans avec la dégradation constante des services publics. En plus de l’insalubrité, le manque d’eau et de courant, nous sommes confrontés à une recrudescence de la criminalité qui s’explique essentiellement par l’affaiblissement de l’Etat.
Les criminels courent les rues et ne sont jamais inquiétés, aucune disposition sérieuse n’a été prise par le gouvernement pour éradiquer ce fléau. Nous vivons véritablement dans la terreur dans nos quartiers respectifs, livrés que nous sommes aux délinquants sans foi ni loi.
Vous avez également constaté comme moi, la dégradation de nos hôpitaux
Nos centres de santés sont devenus de véritables antichambres de la mort. En plus du manque d’équipements et de médecins, nous déplorons le manque d’eau, d’électricité et l’état de délabrement avancé. Ce qui, bien souvent, ne laisse que peu de chance à la survie des malades.
Que dire de la situation au niveau de l’éducation. Nous sommes confrontés dans notre pays à un manque criard d’enseignants, mais aussi d’infrastructures adéquates, ce qui prive nos enfants d’une formation académique régulière.
Au lieu de s’attaquer à ces questions qui sont fondamentales pour la vie de nos compatriotes, le gouvernement s’évertue à s’accaparer frauduleusement de tous les leviers du pouvoir d’Etat pour asseoir une autocratie en Guinée. En l’espace de trois années, la corruption quant à elle a atteint des niveaux insoupçonnés, ruinant ainsi toutes les chances d’une relance économique.
Le visage de la Guinée doit changer.
Pour vivre mieux, il faut avoir un emploi. C’est pourquoi je condamne avec la plus grande fermeté la politique de découragement de l’activité économique. Cette désastreuse politique est destructrice d’emplois. Depuis l’avènement au pouvoir du régime Alpha Condé, la liste des entreprises fermées est longue : SOTELGUI, GRANDS MOULINS DE GUINEE, FRIGUIA, VALLE, BHP BILINGTON, RIO TINTO, NESTLE GUINEE, FRIEDLANDER et j’en passe. Celles qui ne sont pas fermées, sont en butte aux tracasseries administratives et politiciennes.
Le fait qu’un gouvernement soit si peu soucieux de la préservation et encore moins de la création d’emplois dépasse l’entendement. Je ne peux pas comprendre qu’un gouvernement ne puisse pas avoir le souci de mettre en place une Administration tournée vers le progrès et le développement.
Je ne peux pas comprendre qu’un gouvernement entretienne des tensions préjudiciables au monde des affaires, juste pour être conforme à une ligne politique d’idéologie abandonnée partout, sauf en Corée du Nord.. Comment comprendre alors le refus obstiné du gouvernement de dialoguer et de prendre en compte l’opinion des guinéens dans toute leur diversité.
Que dire enfin d’un gouvernement capable de planifier la destruction de commerces. C’est tout ceci qui, hélas a contribué à détériorer le climat des Affaires et à plomber la croissance économique dans notre pays.
En effet, avec de telles pratiques, il n’est pas surprenant de voir l’activité économique baisser de manière drastique, des délocalisations d’activités se faire au profit de pays voisins….
C’est pour contribuer à assouplir les conditions de vie déplorables de nos concitoyens, après avoir signé les accords du 3 juillet, nous avons accepté d’aller aux élections législatives du 28 septembre 2013.
N’eut été l’implication de la Communauté Internationale, l’organisation de ces élections aurait été hypothétique. Je dois saluer l’esprit d’ouverture de l’opposition guinéenne qui a fait preuve de responsabilité en acceptant de participer à des élections organisées avec l’opérateur technique Way-Mark/SABARI.
Ce n’est pas par naïveté mais par responsabilité que l’opposition a accepté de participer à des élections dont les conditions n’étaient pas idéales. Ce faisant, elle a voulu donner une chance supplémentaire à notre pays de devenir plus attractif pour les investisseurs, et de renouer avec les partenaires financiers internationaux mais aussi et surtout, de réconcilier les guinéens en permettant à toutes les catégories sociales d’être représentées dans la nouvelle Assemblée Nationale.
Malheureusement, ces élections se sont déroulées de manière catastrophique et les objectifs de transparence recherchés sont devenus aujourd’hui illusoires. En effet, jamais l’Administration publique ne s’était autant impliquée dans une consultation électorale, et jamais la CENI n’a été autant partisane au point que la logistique a été purement et simplement sous traitée au parti au pouvoir. Particulièrement dans les zones favorables à l’UFR, l’acharnement et le zèle des fonctionnaires pour changer les résultats du vote ont été absolument sans précédent.
Le contenu du rapport préliminaire de la Mission d’Observation de l’Union Européenne est révélateur de cet état de fait, notamment quand il dénonce et je cite :
« Des bureaux mobiles ont même été organisés pour les électeurs dont le BV de rattachement était trop distant ou inaccessible à Siguiri et Kankan. »
La Cour Suprême qui a consacré dans sa décision un véritable déni de justice a jeté des doutes sur sa capacité à dire le droit pour l’avenir.
Chers Compatriotes,
Je suis parfaitement conscient de la fragilité du tissu social et c’est une préoccupation majeure pour moi. Les divisions à caractère ethnique, directement ou indirectement voulues par le pouvoir pour des intérêts politiciens, risquent de gagner en ampleur. L’administration dont la politisation est outrancière, n’est plus que l’instrument du parti présidentiel. Sur cette question sensible et qui concerne directement la construction d’une véritable nation à laquelle nous aspirons tous, j’invite le gouvernement à faire preuve d’ouverture, de retenue, de justice et de tolérance afin de faciliter le vivre ensemble des guinéens.
Comment construire un avenir plus radieux pour la Guinée et les guinéens me diriez-vous après avoir dressé une réalité aussi sombre. Oui, un meilleur avenir est possible, il est possible à condition de mettre les guinéens ensemble, à condition de combattre l’ethnocentrisme, à condition de créer de l’emploi et de la croissance économique, à condition d’œuvrer pour l’avènement d’une Société juste et égalitaire, à condition de faire de la Guinée un Etat de droit pour tous.
Une Guinée prospère ne sera possible qu’avec une Guinée réconciliée avec elle-même dans une sous région elle-même apaisée. C’est pourquoi, construire un Etat de droit est une nécessité car c’est un rempart contre certains dangers qui menacent la sous région tels que l’intégrisme religieux, la circulation d’armes légères, le trafic de drogues, etc.
Ces dangers menacent prioritairement les jeunes et surtout les jeunes sans emplois. C’est la raison pour laquelle j’exhorte les jeunes à prendre leur destin en main pour que le pays change d’orientation dès 2015. Pour cela, je les invite à éviter les erreurs du passé, à adopter une démarche nouvelle dans l’intérêt de tous.
Je vous dis sans ambages, c’est en changeant le prétendu changement qui n’est en fait qu’un système de confiscation du pouvoir d’Etat, que nous réaliserons notre ambition légitime à être une nation performante.
Stable et réconciliée avec elle-même, la Guinée accomplira un nouveau destin qui cadre avec l’espoir entretenu par nos millions de compatriotes vivant en Guinée et à l’étranger.
Pour terminer, je voudrais dire toute ma fierté et ma reconnaissance aux Militantes et Militants de l’UFR qui ont su résister aux assauts du pouvoir et sont restés mobilisés pour la défense des intérêts de leur parti. Je voudrais également féliciter les députés de l’UFR qui aurait pu et aurait du être beaucoup plus nombreux si la transparence et l’équité avaient été au Rendez-Vous aux élections du 28 Septembre 2013.
C’est vrai que nous sommes encore loin du but mais le temps qui nous sépare de la prochaine échéance décisive pour notre avenir est assez court. C’est pourquoi, nous devons préparer dès maintenant les futures élections.
Nous devons continuer à bâtir une Guinée rassemblée autour de ses valeurs, avec un peuple qui assume sa diversité ; un peuple ouvert sur le monde ; un peuple chaleureux, doté d’une foi inébranlable en l’avenir.
Bonne et heureuse année 2014 à toutes et à tous. Que Dieu bénisse la Guinée.
Sidya Touré
Président de l’UFR
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