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Biens immobiliers du contentieux franco-guinéen : Premiers venus, premiers servis… (MOUSSA CISSE, Expert Immobilier)

Biens immobiliers du contentieux franco-guinéen : Premiers venus, premiers servis…
Déguerpissement à grand renfort de bulldozers, libération des emprises à coups de godets de pelleteuses, dégagement des encombrants à la barre à mine et autres gadgets de démolition à la sueur des muscles.

Ainsi disparaissent des kiosques de fortune à café de couleurs douteuses, des cabanes miteuses de réparations mécaniques, des baraquements de dépotoirs des poubelles ‘’made in Bruxelles’’. Tant que la mélodie des engins de destruction massive ne touchait que des nids de pauvres bougres, certains soutenaient que « Gouverner autrement » était une bonne chose. Mon cousin était de ceux-là. Ils ne tarissaient pas d’éloges sur les mérites de « Gouverner autrement ». Ces gens-là pensaient que ça ne pouvait arriver qu’aux autres. Du moins, jusqu’au soir fatidique où un décret présidentiel a annoncé la création de la Commission administrative nationale chargée de l’apurement des biens immobiliers issus du contentieux franco-guinéen et ceux placés sous séquestre.

Catastrophe. Mon cousin est également de ceux-là qui ont acquis des biens immobiliers de ce fameux contentieux franco-guinéen. Il semble même qu’on compte dans les rangs de ces acquéreurs, de célébrissimes Premiers ministres. « Qui est fou ? ». Premiers venus, premiers servis. Sinon, à quoi bon être le premier des ministres, si l’on ne peut pas être le premier à se servir. « Pas de soucis », disent les heureux bénéficiaires. Mais pas si vite. Car du point de vue d’un expert immobilier, il y a matière à discussion.

Exposé d’opinion d’expertise immobilière
Pour des raisons évoquées plus haut, « Gouverner autrement » m’interpelle, pas en tant que journaliste d’investigation, mais cette fois-ci, en qualité d’expert immobilier, Président de la Bourse de l’Habitat de Guinée. Retenons qu’une transaction immobilière est réputée soit « Valide », « Nulle » ou «Annulable». Ceci est donc un exposé d’opinion sur quatre cas de figure, parmi tant d’autres, qui peuvent entrainer l’annulation d’une transaction immobilière. A savoir :
(1) la présence de gap dans la chaine du Titre Foncier ;

(2) l’Incompétence légale de la partie cédante, l’État guinéen ;

(3) le non transfert du « droit de propriétaire » à l’Etat guinéen ; et

(4) le défaut de Titre Foncier marchandable. Toute transaction qui comporterait l’une, ou plusieurs, de ces défectuosités pourrait être qualifiée comme « annulable ».
I. Présence de gap dans la chaine du titre foncier

Suite au règlement du contentieux franco-guinéen, les Titres Fonciers de ces biens immobiliers ont été transmis au Gouvernement guinéen. Si ces titres fonciers sont demeurés aux noms de leurs anciens propriétaires citoyens français jusqu’au moment des transferts de ces propriétés à de tierces personnes, il y a une défectuosité connue sous le terme de « Gap dans la chaine du Titre Foncier ». En effet, en matière de transaction immobilière, la « CHAINE DU TITRE FONCIER » est l’énumération des propriétaires successifs d’un bien immobilier, des premiers propriétaires jusqu’aux derniers en date, sur une période d’au moins 40 ans.

Si l’on constate que le nom du dernier « acquéreur » n’est pas le nom du « cédant » lors de la dernière transaction, il y a ce qui constitue un « Gap » dans la chaine du titre foncier. Par exemple, considérons M. Rekain Kéita comme le propriétaire actuel d’un de ces biens immobiliers qui a acquis la propriété alors que le titre foncier était toujours resté au nom de M. Kolond Dujardin, l’ancien propriétaire français, il y a « Gap dans la chaine du Titre Foncier ». Puisque le titre foncier est passé directement du nom de M. Kolond Dujardin à M. Rekain Kéita.

Alors que, selon les accords du règlement du contentieux franco-guinéen, les biens immobiliers de M. Kolond Dujardin ont été cédés à l’Etat guinéen, pas à un certain M. Rekain Kéita. Il appartenait à l’État guinéen de transférer les titres fonciers à son nom, afin de pouvoir le transférer au nom de quelqu’un d’autre. Sur la base des titres fonciers, l’État guinéen n’apparait pas dans cette transaction comme propriétaire légitime de ce bien immobilier, mais comme un broker (ou courtier), qui aurait servi d’intermédiaire entre M. Kolond Dujardin, qui n’en est plus le propriétaire et un certain M. Rekain Kéita qui devient le dindon de la farce, arnaqué à la manière de nos démarcheurs du coin.

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II. Incompétence légale de la partie cédante, l’état guinéen.
Le fait du Gouvernement français de transmettre les titres fonciers des biens immobiliers de ses citoyens au Gouvernement guinéen, n’a conféré à ce dernier que le ‘’DROIT DE PROPRIETE’’ sur ces biens. À ne pas confondre avec le «DROIT DE PROPRIETAIRE » qui n’est conféré uniquement que par le Titre foncier. Par conséquent, pour acquérir le ‘’droit de propriétaire’’ de ces biens immobiliers, il revenait aux autorités guinéennes de procéder aux transferts des titres fonciers des noms des anciens propriétaires français, au nom de l’Etat guinéen à travers une entité de patrimoine foncier quelconque.

Il semble que cette formalité n’aurait jamais été exécutée. Du moins, jusqu’à une époque très récente. En tout cas, probablement pas avant l’acquisition de ces biens immobiliers par certains acquéreurs actuels, malgré l’existence de la Direction Générale du Patrimoine Bâti Public chargée de la gestion de ces biens immobiliers. Au regard de la dénomination de cette entité publique, la solution semblait toute trouvée, si ses prérogatives se rapportaient à sa dénomination. C’est-à-dire, si les titres fonciers des biens issus du contentieux franco-guinéen avaient été purement et simplement transférés au nom de cette entité publique. Mais à regarder, même de loin, cette institution, son fonctionnement ressemble plus à une agence de gestion immobilière qu’à une entité de patrimoine foncier.

A défaut d’avoir transféré ces titres fonciers au nom de cette entité, ou tout autre service public, l’Etat guinéen ne saurait être légalement compétent pour céder ces biens immobiliers à une tierce personne tant que ces formalités n’auront pas été remplies, sauf sur décisions des cours et tribunaux. Nous développerons ce sujet ultérieurement. Considérant que, selon la loi du contrat immobilier, qu’un contrat est un agrément ou promesse volontaire entre des PARTIES LEGALEMENT COMPETENTES supporté par des considérations légales, pour exécuter (ou s’abstenir d’exécuter) des actes légaux.

Notons que la possession d’un bien immobilier sans titre foncier ne confère qu’un « droit de propriété », pas un « droit de propriétaire ». Tout compte fait, la non familiarisation avec les termes ‘’Droit de Propriété’’ et ‘’Droit de Propriétaire’’, semble être la cause de cet imbroglio. Nous en discuterons à l’étape suivante
III. Non transfert du « droit de propriétaire » à l’état guinéen
En expertise immobilière, deux types de droit sont attachés à un bien immobilier, à savoir le « Droit de propriétaire » et le « Droit de propriété ».

Le « Droit de propriétaire » est le droit que le Titre Foncier confère au possesseur d’un bien immobilier. Le droit de propriétaire donne une jouissance pleine et totale à la seule personne au nom de laquelle est établi le titre foncier. Par exemple, seul celui qui détient le « droit de propriétaire » sur un bien immobilier peut hypothéquer ledit bien. Seul le titre foncier confère le « droit de propriétaire » à l’exclusion de toutes les autres formes de documents.
Le « Droit de propriété » : il y a statut de « droit de propriété » quand l’ayant-droit est confronté à l’une des situations suivantes :

(1) le bien immobilier est sans titre foncier, mais sa revendication est soutenue par d’autre documents écrits, tels que : titre de propriété, certificat de jouissance, attestation de vente, reconnaissance de donation, acte de cession, plans etc. ;

(2) la revendication du bien immobilier n’est soutenue par aucun document écrit. Elle ne découle que du simple droit coutumier ou d’occupation par « adverse possession ». On entend par ‘’adverse possession’’ l’occupation d’une propriété immobilière par un individu de manière ouverte, notoire, continuelle, ininterrompue et hostile, pendant au moins 40 ans, selon les législations des pays ;

(3) le titre foncier du bien immobilier n’est pas au nom du possesseur. Comme dans les cas d’héritage, de donation ou même d’une transaction régulière.

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Tant que le titre foncier demeure au nom de l’ancien propriétaire, le nouvel acquéreur ne jouira que d’un « droit de propriété ». Contrairement au « droit de propriétaire », le « droit de propriété » confère un droit de jouissance limitée. Par exemple, « le droit de propriété » ne permet pas au possesseur de souscrire à une hypothèque sur ledit bien, ou de transférer le titre foncier à quelqu’un d’autre sans une décision des cours et tribunaux. Les ayant droits sur un bien immobilier dotés de titre foncier ne pourront acquérir le « droit de propriétaire » que lorsqu’ils auront transféré le titre foncier en leurs noms.
C’est ce qui semble être le statut de l’Etat guinéen après les accords du règlement du contentieux franco-guinéen.

IV. Défaut de titre foncier marchandable
En expertise immobilière, le « titre foncier marchandable » est une police d’assurance sur un titre foncier pour assurer les intérêts de l’acquéreur contre d’éventuelles irrégularités amputables à la défectuosité du Titre Foncier, qui pourrait entrainer l’annulation de la transaction. Dans un tel cas, l’assurance ayant établi le « titre marchandable » compenserait la perte subie par l’acquéreur.

Un titre foncier n’est donc pas une preuve de la garantie d’une transaction immobilière. Donc, le Titre Foncier qui demeure au nom d’une tierce personne autre que le cédant est réputé « Titre Foncier non marchandable ». Dans le cas des biens immobiliers issus du contentieux franco-guinéen qui nous intéresse, les titres fonciers seront considérés « Titre Foncier non marchandable », si toutefois les titres fonciers de ces biens étaient aux noms des anciens propriétaires français au moment où la transaction a pris place.
V. Résumé de l’exposé d’opinion

De ce qui précède, nous résumons, que si les défectuosités soulevées par le présent exposé d’opinion s’avèrent fondées à l’examen des dossiers des mis en cause, alors tout transfert de ces biens immobiliers à une tierce personne, est réputé « annulable » pour l’un ou plusieurs des motifs suivants :

• Non acquisition par l’Etat guinéen des ‘’Droits de Propriétaires’’ sur les biens immobiliers du contentieux franco-guinéen ;
• Incompétence légale de la partie cédante de ces biens immobiliers ;
• Présence de ‘’Gap dans la Chaine du Titre foncier’’ ; et,
• Transactions basées sur des « Titres Fonciers non marchandables ».

L’exposé d’opinion professionnelle d’un expert immobilier est fondé sur les principes, le bon usage et les traditions en matière d’expertise immobilière. L’opinion d’un expert est destinée à éclairer la lanterne de qui de droit. Il appartient donc aux juristes, juridictions, autorités compétentes et citoyens concernés d’en tirer des conclusions appropriées.
VI. Expertise immobilière et Bourse de l’Habitat de Guinée

L’expertise immobilière désigne par la présente, un corps professionnel pluridisciplinaire, cheville ouvrière de la promotion immobilière qui englobe le brokerage immobilier, l’expertise immobilière, la gestion immobilière, l’inspection immobilière, le financing immobilier et l’assurance immobilière. Chez nous, la BOURSE DE L’HABITAT DE GUINEE est l’organisation professionnelle qui regroupe les experts immobiliers. Elle œuvre, tant bien que mal, pour la formation, la professionnalisation, la régulation des activités des agents immobiliers et des questions de cherté de loyers en Guinée. La BOURSE DE L’HABITAT DE GUINEE regroupe près de 400 jeunes experts formés selon la norme standard de la profession aux techniques modernes d’expertise immobilière.

C’est une activité professionnelle libérale et passionnante, encore peu connue en Guinée. Du professionnalisme du corps des experts immobiliers, dépendent le dynamisme et la synergie d’action entre les cinq piliers de la mise en œuvre de la politique de l’habitat d’un pays, à savoir : la Puissance publique pour la régulation ; les Institutions Financières pour le mécanisme du crédit immobilier ; l’Industrie du bâtiment pour la construction des logements notamment, sociaux ; la Promotion immobilière pour les transactions et la synergie d’action ; enfin les Groupements Fonciers pour l’éducation de l’acquéreur et l’implication citoyenne.

MOUSSA CISSE, Expert Immobilier,
Président de la Bourse de l’Habitat de Guinée

PAR CONAKRYLEMAG.COM

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