Un mode opératoire, une recette, une stratégie qui a fait ses preuves. Et qui réussit. Sauf pour la construction du pays.
Dans tous les pays démocratiques, la Société Civile et les Partis Politiques sont des Institutions de contre-pouvoir qui, avec l’Assemblée Nationale, se donnent pour mission de protéger les citoyens de la Toute-puissance de l’Exécutif.
La Guinée a d’abord été française. Notre modèle, la France est une République très centralisée qui donne des pouvoirs surdimensionnés au Président de la République. Mais, chez Tante Marianne, existe à tous les stades de la vie humaine, l’Education Civique. Et notre Tante, nous colonisant, nous l’a appris, dès l’Ecole.
A cette réalité s’ajoutent nos spécificités locales. Dans tous nos quant-à-soi ethniques et culturels, le chef est perçu comme un Dieu qui exerce sur tous un droit de vie et de mort. Lui demander des comptes, le critiquer est un crime de lèse majesté. Cette réalité anthropologique est renforcée par les pratiques islamiques. L’Islam de chez nous, c’est « l’Islam Noir » de l’inoubliable Vincent Monteil. C’est un syncrétisme, une salade mêlant Religions pré islamiques et Islam originel.
Tout est prêt pour concevoir « le Roi Nègre » tel que décrit par les premiers anthropologues européens parcourant l’Afrique dans un rôle messianique de civilisateurs de Peuples primitifs.
Le CHEF, le ROI, le PRESIDENT est de Droit Divin. C’est Dieu qui l’a mis là. Il est là pour régner. On doit lui obéir, être à son service. Le Pays et ses habitants lui appartiennent. C’est le MANSA, le LANDHO… Il n’a aucune obligation de compte rendu. Il n’a aucun service à rendre à personne.
Le problème, c’est que cette perception pré démocratique et précoloniale du chef parasitaire est partagée par nos Politiciens modernes! Lorsque le Président arrive au pouvoir, il doit y rester à vie. C’est-à-dire jusqu’à sa mort naturelle.
En Guinée, Sékou Touré arrive au pouvoir en 1958. Syndicaliste verbeux et habitué aux débats contradictoires, il refuse de commencer la construction d’une Nation. Il tue ceux qui osent s’opposer à ses points de vue, détruit la Justice et refuse de renforcer les Institutions y compris les contre pouvoirs. Il détruit l’école et l’éducation civique qu’il réduit à la connaissance de ses œuvres. Par la suite il s’en prend aux ethnies et fait tout pour détricoter le tissu social.
On a même entendu un ancien Ministre et ancien Député dire en toute tranquillité que les Députés de l’opposition devraient fermer leurs gueules contre le PRG. Parce que c’est lui qui les paie !
La guerre contre les diverses composantes de la Nation est l’exercice favori des acteurs politiques.
En 2001, nous avons entendu un homme politique guinéen devenu aujourd’hui un opposant avéré dire à Diari, dans Labé que c’est le bon Dieu qui donne le pouvoir. Nous lui avions rétorqué qu’au lieu de venir à Diari pour solliciter les voix des électeurs de la localité, il n’avait qu’à s’enfermer dans une mosquée et égrener ses chapelets !
Le résultat, il est connu : nos frontières ne sont pas sécurisées, les Guinéens ne connaissent pas leurs Institutions Publiques, l’Injustice est souveraine…Et surtout, on ne bâtit rien. Zéro infrastructures. Zéro service social de base. Cet Etat qui se réduit tous les jours comme une peau de chagrin ne s’est pas offert les moyens de satisfaire le besoins physiologiques des Guinéens. Ou de construire la citoyenneté en détribalisant leur comportement. Ils deviennent de plus en plus brutaux et ne se supportent plus les uns les autres.
Comment devient-on Président à vie ? La leçon de Sékou Touré qui a servi à tous ses successeurs. D’abord, semer la terreur dans le pays sur le modèle de Robespierre au cours de Révolution Française. La construction des Camps Boiro et les pendaisons du 25 Janvier 1971 vont jouer ce rôle. Des gens sont pendus dans toutes les préfectures avec obligation pour tous les citoyens d’aller « voir » le spectacle. La leçon va porter. Sékou devient une vraie terreur qui faisait trembler tous ses interlocuteurs dont certains mouillaient leurs habits…
S’appuyer sur son ethnie, ses copains et ses coquins en les plaçant aux postes stratégiques à savoir :
–là où il y a l’argent : Finances, Budget, Ports, Aéroport, Banque Centrale, Douanes
– en ne recrutant dans l’Armée et les FDS que les gens de son ethnie. Ces institutions si fondamentales se transforment en milices ethno politiques.
–en domestiquant et en fragilisant la Justice : on y place les siens. Comme maintenant face aux enfants de Bambéto- Cosa : le chef des flics, Malinké, le Procureur, Malinké, le Ministre de la Justice, Malinké. Les victimes, Peulh… Et après le jeu de massacre, on va demander la Paix et la Réconciliation Nationale !
–en plaçant ses hommes aux Affaires Etrangères
-en maitrisant les moyens de communication de masse.
Les leçons ont porté. Sékou est mort au Pouvoir. Comme Conté. Le Grimpeur s’y prépare pour un Nième mandat. Qui va oser s’y opposer ? L’Axe Bambéto-Cosa ? C’est la seule incarnation du concept universel de société civile. Dont les militants osent défier les FDS. Malgré leur cruauté.
Mais, on va détruire cet « Axe du Mal ». Pour cela on peut compter sur les Kaba Kayraba et autres Ansoumane Camara alias Bafoué, la terreur des Flakèè…
Quant à la Presse et/ou les ONG, nationales ou non, le Grimpeur et les siens s’en balancent. Le PRG vient de le dire dans l’interview qu’il vient d’accorder à journal français. Même s’ils étaient naguère, comme opposants, ses alliés. Aujourd’hui, c’est eux les maitres du pays.
Mamadou Lamine Bah