"J’ai plusieurs fois voulu quitter l’Agence", confie Marlyatou Barry, présidente de l'ANAMIF

Interview choc de Madame Marlyatou Barry, présidente de ANAMIF

Madame Marly Barry, une guinéenne de souche, ayant séjourné longtemps hors  de son pays, est au service de la Guinée, depuis près de trois ans, sur la demande expresse du chef de l’Etat guinéen, le président Alpha Condé. Il faut noter que le président Condé qui a connu et côtoyé Madame BARRY,  avant même qu’il ne soit  aux affaires, s’est octroyé les services de cette dernière en la nommant à la tête de l’Agence Nationale des Micro-finances. Madame Barry a été nommée à ce poste pour aider le président Alpha à gérer un projet qui s’inscrit au chapitre de ses priorités. A savoir l’ANAMIF. Entretient exclusif !

 

Aminata.com: Bonjour Madame Marlyatou BARRY

M. BARRY:Bonjour!

Voulez-vous vous présenter à nos lecteurs, s’il vous plait ?

M. BARRY: En dehors de mon nom que vous connaissez, je suis née à Timbo (Mamou), j’ai  grandi à Fria et Conakry et fait des études de médecine à l’université de Conakry où j’ai obtenu en 1986 un diplôme de médecin après avoir soutenu une thèse sur la mortalité périnatale dans la région de Coyah. Par ailleurs, je suis remariée et mère d’un grand garçon.

Après avoir travaillé pendant 3 ans comme médecin dans les services de prévention des maladies infectieuses, je suis allée vivre aux USA où j’ai repris des études de maîtrise en science informatique. Aux USA, j’ai travaillé comme consultante  indépendante,  surtout pour l’ONG AFRICARE,  à ce titre, j’ai fait  des missions en  Afrique de l’ouest et centrale, financées par l’USAID. L’une de mes missions m’a ramenée en Guinée comme chef d’une mission chargée  de l’évaluation mi terme du projet d’Africare- USAID sur la sécurité alimentaire à Dinguiraye.

Dans les années 2000, je suis allée en association, dans le privé, avec l’entreprise Française Pierron Education pour des projets dans l’Education et particulièrement les laboratoires de Sciences. La firme Pierron m’a donné le droit de la représenter en République de Guinée et en Guinée Equatoriale. Je suis rentrée en Guinée Conakry où j’ai travaillé un peu plus de 2ans. Quand les bailleurs de fonds ont arrêté  leurs financements des projets en Education en Guinée Conakry, j’ai quitté Conakry pour aller vers la Guinée Equatoriale  où je représentais Pierron. Je travaillais en Guinée Equatoriale  où j’avais,  par l’entremise de ma société, fait la quasi-totalité de tous les laboratoires de science réalisés dans les universités de la Guinée Equatoriale. Je travaillais à Malabo quand le Président Alpha Condé m’a demandé de venir diriger l’Agence Nationale de la micro-finance.

 

 

De sources bien informées, vous êtes une amie proche et de très longue date du président Alpha Condé. Qu’en est-il réellement ?

M. BARRY: Oui je suis une amie de très longue date du Président Alpha Condé, puisque notre amitié remonte à plus de 25 ans. Je peux aussi dire que nous sommes proches et cela bien avant la Présidence à cause de certaines valeurs que nous partageons.

Pourrait-on savoir dans quelles circonstances vous êtes arrivée à la tête de l’ANAMIF

M. BARRY: Lors de la première visite du Président Alpha Condé au siège de la BAD en Tunisie, après son investiture,  j’étais en week-end à Tunis pour voir Bokar mon fils qui y travaillait dans le cadre du programme des jeunes professionnels à la BAD. Bokar m’a avertie de sa visite et du créneau offert aux guinéens pour le rencontrer. Nous sommes allés le voir à son hôtel et lors de cette entrevue, il m’a dit avoir une mission à me confier et qu’il voulait que j’aille le rencontrer à Conakry.

Quelques semaines plus tard, je l’ai rencontré à Conakry où il m’a dit vouloir me confier la Direction de l’Agence Nationale de la Micro-finance qu’il avait déjà créée par Décret. Ma réponse à cette offre n’était pas positive,  pour deux raisons principales : je m’estimais incompétente en matière de micro-finance et j’avais un travail à Malabo que j’aimais et par lequel je gagnais ma vie à ma satisfaction. Avec l’aide du Ministre Kiridi, nous avons trouvé une entente par laquelle je devenais PCA et un Directeur fut trouvé. Cet arrangement me permettait, à première vue,  de continuer ce que je faisais par ailleurs et de ne venir qu’une fois tous les 3 mois à Conakry. Avec du recul, les choses se sont passées différemment.

 

Parlez-nous, succinctement de votre agence, de son mode de fonctionnement, de ses objectifs. 

M. BARRY: Ses objectifs : Faire de la Micro-finance un véritable instrument de lutte contre la pauvreté en Guinée, en favorisant l’auto-emploi et l’emploi des femmes et des jeunes, par leur accès à des services financiers abordables et efficaces de crédits de proximité ;

Fonctionnement : Elaborer une stratégie nationale de la Micro-finance et un plan d’action répondant aux préoccupations nationales de création d’emploi et d’auto-emploi et  à la lutte contre la pauvreté ;

Coordonner et harmoniser toutes les interventions des départements techniques de l’Etat et des partenaires au développement, en matière de Micro-finance ;

Mobiliser les ressources nécessaires à la mise en œuvre des plans d’action rattachés à la Micro-finance ;

Tout ceci était prévu dans notre mandat mais l’Agence a été détournée de ses objectifs car l’annonce des 130 milliards a aiguisé beaucoup d’appétit au sein de l’administration en général et particulièrement au niveau de la Direction de l’Agence. Une lutte sans merci a été engagée par certains membres de la Direction pour avoir le contrôle du fonds, évidemment contre moi qui les en empêchais parce que j’estimais que le fonds entre leur mains, aurait été utilisé vers des objectifs différents de ceux pour lequel il a été créée.

 

Depuis quelques jours, votre agence fait l’objet de critiques des plus acerbes. Des détracteurs sont allés jusqu’à dénoncer votre gestion du fonds dont vous avez la charge, l’on vous accuse même de détournement de plusieurs milliards de francs. Qu’en dites-vous ?

M. BARRY: je considèreses dites critiques acerbes  comme de la  diffamation pure et simple. Et tout ceci est la dernière forme de lutte pour le contrôle du fonds, j’en ai vu passer beaucoup d’autres depuis. La lutte a été permanente, âpre et sans merci. Les détracteurs ne sont pas trop loin, ils sont dans l’Agence et au sein de l’Administration. Ils distillent des rumeurs qu’ils savent fausses, et qui n’ont ni queue, ni tête, afin de me faire lâcher le barrage que j’ai érigé entre eux et le fonds.

La réalité est que j’avais constaté, en me basant sur la gestion du budget de fonctionnement de l’Agence par la Direction, que le fonds pouvait être en danger. Le budget de fonctionnement  de l’Agence n’avait aucune comptabilité. Et moi, je n’avance pas des mots que je ne peux pas prouver. Nous n’avions même pas un cahier d’entrée et de sortie comme un quelconque petit kiosque bien que les montants se comptent en milliards dans ce budget et que nous avions un comptable et un contrôleur financier.

J’avais dénoncé très fort cette gestion et avais décidé que moi PCA, je lutterais de toutes mes forces pour les empêcher de mettre la main sur le fonds.  J’ai proposé une gestion à travers une agence fiduciaire ; ils ont lutté pour l’empêcher. En fait, plus prévoyant que nous autres qu’ils qualifient de « diaspo », ils avaient pu imposer dès le départ la forme de société qui pouvait le plus arranger leurs objectifs. Donc, à tout moment ils revenaient avec l’argument de ce que les textes avaient prévu pour ce type de société. J’ai dû décider d’aller à l’encontre de « ce que disent les  textes » selon eux pour sauver le fonds et ma réputation. En effet, comme PCA, je n’aurais jamais pu être propre si le fonds destiné aux pauvres se partageait au sein de l’Administration de l’Agence.

A ce point, je dois reconnaître que sans l’accès au chef de l’Etat dont je bénéficiais et sa conviction profonde que le fonds était en sécurité avec moi, j’aurais échoué.

Avant cette période dite de diffamation par la presse, nous sommes passés par plusieurs phases

–          Tentative de mettre en mal le CA et principalement la PCA avec les ministères affiliés pour la gestion du fonds (Affaires sociales et jeunesse)

–          Semer la zizanie au sein du C.A

–          Utilisation des affiliés au sein du RPG (Ndlr : le parti présidentiel) pour lutter contre moi, taper sur ceux qui ne suivent pas parce qu’ils ne les croient pas.

–          Me faire passer pour une peulh qui est contre l’intérêt de la communauté malinké.

–          Ces derniers moments, ils se sont cachés derrière Madame Kanté qui m’a attaquée    ‘’aux grandes gueules’’. Mme Kanté n’a été là que poussée par eux pour les intérêts communs qu’ils ont ensemble.

–          Par les dires de Mme Kanté, j’ai perçu la tentative de me mettre en mal avec le Président quand elle prétend que j’aurais dit que le Président fait ce que je dis. Ils insultent mon intelligence et celle du Président en passant. Le président Condé est heureusement un homme serein,  avertis et expérimenté.

–          Attendons nous à ce qu’ils continuent de plus belle tant que le statut quo reste le même, peut être iront ils jusqu’à m’atteindre physiquement ? plus rien ne doit surprendre à cette allure.

La pression a été si forte et constante pour me faire lâcher prise et leur permettre de mettre main sur le fonds,  que j’ai dit au chef de l’Etat devant eux, que s’il m’arrivait quoi que ce soit, ce  sont eux les responsables.

A ce point, j’aimerais bien dire que j’ai soutenu le Professeur Condé longtemps avant la plupart d’entre ceux qui utilisent son parti pour me taper dessus sous des prétextes communautaires.

Ceux qui pour des raisons d’intérêt personnels combattent des gens qui comme moi, transcendent la barrière ethnique pour porter leur choix sur leur conviction rendent un mauvais service aux causes que défend le Professeur.

Nos convictions d’une certaine façon, nous font passer pour des “traitres” à notre communauté d’une part et d’autre part nous amènent à nous interroger sur quelle place à la conviction auprès du Président quand quelques uns de ses proches nous tapent dessus pour ce que nous sommes.

 

Certains de ceux qui vous incriminent sont des proches du chef de l’Etat. Dans les coulisses, eux aussi vous accusent  de détournements. Qu’est-ce qui vous oppose réellement à certains de vos collaborateurs ?

M. BARRY: Je pense avoir amplement répondu à cette question sinon demandez-moi des précisions.

Alors des audits sont en cours dans votre agence mais les résultats se font toujours attendre. Ne constituez-vous pas un obstacle à la publication de ces résultats ?

M. BARRY: Les deux comptes de l’Agence,  le fonctionnement que gère la Direction et le fonds que le CA a géré sont en audit avec l’inspection général de l’Etat et j’en suis ravie. Cet audit était en cours avant les diffamations qui ne sont parties que par des bruits sans aucun fondement, dont le but était simple : me faire mal car ils savent combien je tiens à la discipline dans la gestion du fonds. Le résultat de cet audit dira réellement ce qui se passe dans nos différents comptes.

 

Vous êtes constamment en voyage, disons que vous êtes entre deux avions. N’est-ce pas aux frais de l’ANAMIF  que tous ces voyages s’effectuent ?

M. BARRY : Je vous ai dit que je travaille par ailleurs et j’ai voulu tant bien que mal continuer mon job à Malabo car,  c’est ma seule source de revenus. A cause des problèmes que traverse l’Agence, j’ai été amenée à être plus présente en Guinée. Les seuls frais que j’ai estimé que l’on me devait étaient mes billets de Paris Conakry où j’étais basée et sensée rester étant l’entente du départ entre le Président et moi. Ses billets étaient budgétisés dans le fonctionnement de l’Agence. J’ai cependant à plusieurs reprises payé des billets pour venir travailler pour l’Agence sans en être remboursé.  En dehors de ses billets, l’Agence n’a jamais pris un quelconque frais pour moi. Et je n’ai jamais demandé une quelconque rémunération pour tout le temps que je passe à me battre à Conakry. Et l’Agence n’a jamais payé mes billets vers Malabo où je partais travailler ni les USA où j’ai un domicile.

Des langues se délient sur votre éventuelle démission de ce poste de présidente du C.A. Qu’en est-il réellement ?

M. BARRY: J’ai plusieurs fois voulu quitter l’Agence parce que j’aspire à une vie paisible et ce poste de travail me fatigue, m’expose, me met  en danger,  mais je veux quitter en toute entente avec le Chef de l’Etat.

 

En avez-vous discuté, néanmoins, avec le chef de l’Etat ? Si oui, qu’en a-t-il dit ?

M. BARRY: Excusez- moi de ne pas vouloir répondre à cette question

Madame Barry,  pourrait-on connaître votre état d’âme, après toutes ces accusations dont l’objectif visé  semble être celui de porter atteinte à votre crédibilité ?

M. BARRY : Je suis surprise de voir comment l’argent a pris du pouvoir dans notre pays. Pour de l’argent, tout est possible. Je reste cependant sereine d’avoir fait du mieux que je peux pour préserver le fonds national de micro-finance. J’espère que le problème de sa sous-utilisation se réglera,  dès que les problèmes de gouvernance de l’Agence seront réglés. Le relevé du compte du fonds est disponible au public pour aider sa gouvernance aussi longtemps que j’en serais la PCA. Et comme le budget de fonctionnement est aussi un fonds publique, je le rendrais également disponible au publique pour lui permettre d’apprécier.

Seriez vous disposée à occuper un  éventuel poste ministériel, si le président Condé vous le proposait ?

M. BARRY : Sincèrement non, mes rêves sont ailleurs.

Merci Madame Barry

 

Interview réalisée à Conakry par Salimou Diané pour AMINATA.COM

 

PAR CONAKRYLEMAG.COM

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