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La plus grande hypocrisie de l’histoire politique de la Guinée
Nous sommes en train d’assister à l’une des plus grandes hypocrisies de l’histoire politique en accordant au général Mamady Doumbouya tout ce que nous avons refusé hier au capitaine Moussa Dadis Camara.
Pourtant, à y regarder de près, l’un n’est pas plus vertueux que l’autre. Tous deux militaires, tous deux propulsés au pouvoir par un coup d’État, tous deux jurant, la main sur le cœur, de rendre le pouvoir aux civils et de restaurer l’ordre constitutionnel.
Dadis a eu le tort d’être trop parleur, trop prévisible. Il parlait sans retenue, s’aliénait les puissants, défiait l’Occident et ses règles du jeu. Son ton face aux diplomates, et son chaos après le massacre du 28 septembre 2009 lui ont coûté cher.
Mais aujourd’hui, avec du recule, on se rend compte qu’il n’était pas le diable qu’on présentait, mais plutôt le miroir de la société. Car ce qu’on lui refusait, c’est ce qu’on applaudit sous un autre.
Souvenez-vous, on lui a imposé des élections en 6 mois. A peine un an au pouvoir, c’était jugé long, inadmissible, scandaleux. Et on a vu le résultat.
La CEDEAO lui a même menacé d’embargo.
Aujourd’hui, la même institution dialogue patiemment avec le CNRD, car ses intérêts miniers qui sont la bauxite, l’or, pèsent plus lourd que les droits humains et les principes.
A Dadis, un an de transition était long. Aujourd’hui, le CNRD traîne sa transition depuis 4 ans sans élections, sans horizon clair.
Les critiques sont muselées, les opposants emprisonnés, les journalistes intimidés, les manifestations étouffées dans la violence…
Ceux qui ont manifesté hier pour son départ, sont devenus les griots du Général.
Les politiques, comme les Bah Oury, les journalistes comme certains des médias connus, qui ont mis leur âme au prix pour dire NON aux non-respect des engagements contre Dadis, sont ceux qui applaudissent Doumbouya aujourd’hui parce qu’ils sont dans le beurre.
Des citoyens, qui ont critiqué, traité le pouvoir de Dadis de tous les noms, avec autant de faux combats au nom de l’intégrité, de pseudo-lutte républicaine, sont ceux qui mobilisent aujourd’hui des fonds pour dire au Général de se porter candidat.
On a refusé à Dadis le luxe de s’éterniser au pouvoir, le rendant persona non grata. À Doumbouya, on l’accorde, le rendant un partenaire stratégique.
Même façon d’arriver au pouvoir pourtant, des promesses similaires, des méthodes presque identiques. Mais comme les intérêts ont changé, on accorde à l’un, ce que l’on a refusé hier à l’autre.
Cher Général Doumbouya, sachez que tout ce spectacle que vous voyez n’est qu’une comédie bien huilée, un cirque au service des intérêts. Ceux qui vous acclament ne croient ni en vous ni en votre idéologie. Ils croient en ce qu’ils peuvent soutirer comme contrats, postes, miettes du pouvoir.
Ils ne sont ni pour vous, ni pour le pays, ni contre vous, ni contre le retard. Leur seule boussole, c’est leur profit, leur nomination, leur positionnement pour l’après.
Sachez donc que votre destin ne sera pas scellé par les applaudissements d’aujourd’hui, mais par la page que vous réussirez à écrira dans les annales. Car l’histoire est l’arbitre suprême et sans concession.
Si vous saisissez cette vérité, et que vous tenez la parole d’une transition sincère, l’histoire en parlera pour vous, comme celui qui a su se retirer malgré la tentation du pouvoir.
Si vous y entrez dans le jeu de la candidature forcée et de l’éternisation, l’histoire en parlera aussi, mais ce sera contre vous, et la même hypocrisie qui vous porte aujourd’hui se retournera contre vous demain.
C’est courageux de prendre le pouvoir, mais le courage le plus extrême est de savoir le quitter lorsque le devoir républicain l’exige. L’univers a horreur du vide moral, et la justice de l’histoire finit toujours par triompher de l’opportunisme du présent.
Que la bonne compréhension soit !
Par Abdoulaye Chérif Haïdara
PAR CONAKRYLEMAG.COM
— conakrylemag
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