Fonds Message de Yaguine & Fodé
Fondation Roi Baudouin
COMMUNIQUE DE PRESSE
Bruxelles, le 2 août 2016. Le Collectif Message de Yaguine & Fodé demande aux gouvernements belges de réformer leurs politiques de coopération au développement en tenant compte des conclusions des experts internationaux.
Comme chaque année, le collectif Message de Yaguine & Fodé a commémoré la découverte le 2 août 1999 des corps de ces deux jeunes guinéens (14 et 15 ans) dans le train d’atterrissage d’un avion venant de Conakry. Yaguine portait sur lui ce message pathétique demandant la mise en place d’une grande organisation pour aider la jeunesse africaine à faire respecter leur droit à une vie digne dans leur pays d’origine.
Les activités comprendront un dépôt de fleurs dans la salle « Yaguine et Fodé » du CNCD (en lieu et place de l’aéroport qui cette année n’est pas accessible), la distribution du Message attaché à une rose blanche à 2 000 Bruxellois et un conférence-débat sur les origines de ces émigrations clandestines.
A l’époque, on pensait que le cas de Yaguine & Fodé était un accicent qui resterait exceptionnel. Depuis, ce sont plusieurs milliers de jeunes Africains qui ont perdu la vie en tentant d’atteindre l’Europe. Leur nombre croissant est le témoin de l’échec des politiques de coopération des pays riches et en particulier des pays européens qui se targuent d’être les premiers donateurs au monde. Parmi eux, la Belgique comme d’autres anciens pays coloniaux sont montrés du doigt par les instances internationales comme pratiquant une politique de coopération particulièrement néfaste.
Lors de la conférence organisée par le collectif dans la salle Yaguine & Fodé du CNCD, Madame Louis Ngandu, présidente d’honneur de l’Union des Femmes Africaines, énumérera les caractéristiques des émigrants : leur nombre, âge, nationalités, et combien périssent dans les déserts ou en mer et le calvaire de ceux qui restent en Lybie. Madame Modi Ntambwe, coordinatrice de ShareForum des Migrants, exposera les causes de l’émigration et par voie d’une vidéo, l’euro-députée Cécile Kyengé fait part de la résolution approuvée récemment par le Parlement européen pour traiter l’immigration, principalement pour ceux qui ont atteint l’Europe. Jean-Jacques Schul, Directeur Général Honoraire de la Banque européenne d’Investissement, Vice-Président de la Fédération des Associations de Solidarité Internationale (FASI) et fondateur du réseau africain IDAY, traitera de l’impact de la coopération au développement en général et celle de la Belgique en particulier sur le développement des pays bénéficiaires de l’aide étrangère et notamment des besoins de réforme qualitative nécessaire pour qu’elle contribue à éliminer les causes de l’émigration des jeunes Africains vers l’Europe.
Cette question de l’émigration ne concerne pas que les Africains. La croissance démographique en Afrique est deux fois plus forte que la moyenne de notre planète : les démographes prévoient que d’ici la fin du siècle le nombre d’Africains atteigne entre 3 et 6 milliards de personnes. Ils représenteront un quart des personnes actives de l’humanité. Si les conditions économiques ne changent pas en Afrique d’ici là, le nombre d’émigrants atteindront entre 1 et 3 millions par an. Le Professeur de la fameuse London School of Economics, Paul Collier, auteur du fameux « The Bottom Billion » déclarait : l’Europe est assise sur une bombe socio-économique à retardement. Si elle ne réagit pas, le problème de l’émigration en provenance de l’Afrique dépassera bientôt celle qu’elle a connue en provenance du Moyen Orient et deviendra ingérable.
Sans réforme profonde, l’aide au développement en général mais de notre pays en particulier, ne contribue pas à répondre aux attentes des jeune Africains. Bien au contraire, elle contribue à accélérer les émigrations. Le Professeur Angus Deaton, prix Nobel d’économie 2015 a démontré qu’au plus un pays recevait d’aide, au plus le revenu par habitant baissait. Pourquoi ? Parce que l’aide détourne l’attention des gouvernements récipiendaires et des agents de la société civile locale de ce qui engendre le développement d’un pays : le dialogue entre société civile et gouvernants, qui ne se soucient plus des besoins de leur population. Il y a bien sûr beaucoup d’autres raisons de l’échec de l’aide étrangère, dont notamment les intérêts des bailleurs de fonds et conditions imposées par les généreux donateurs qui dominent les aspirations des récipiendaires.
Dans cette perspective, les anciens pays colonisateurs, dont la Belgique, ont été épinglés par le Fonds Monétaire International, comme maintenant des politiques de coopération internationale particulièrement néfastes pour les pays visés par leur aide. Et les réformes proposées depuis ne font qu’aggraver cet état de fait car elles visent à concentrer l’aide sur les acteurs qui ont participé à l’échec de l’aide. Cette tendance à la concentration de l’aide sur un nombre limité de cible, introduite bien plus pour faciliter le contrôle de l’aide que pour répondre aux besoins des populations, renforce la domination des donateurs dans leur attitude post-coloniale sur les intérêts des récipiendaires. Les populations de ces pays ne voyant pas d’amélioration de leur situation n’ont d’autre issue que l’émigration pour atteindre les économies où les revenus par habitants augmentent régulièrement et qui ont besoin de la main d’œuvre active fournie par leur jeunesse.
Pour le collectif qui a organisé les événements en souvenir de Yaguine & Fodé, c’est aux contribuables européens d’exiger que leurs gouvernements nationaux et que l’Union européenne changent radicalement leur approche à la coopération internationale et au moins écoute ceux qui vivent la désolation de près, la désolation de la jeunesse africaine, pour rechercher des méthodes d’intervention plus efficiente en Afrique.
Le collectif Message de Yaguine & Fodé
