Monsieur le Premier ministre, le Président de la Transition, le Colonel Mamadi Doumbouya, vous a confié la lourde responsabilité d’engager le dialogue politique, trouver des solutions pour une transition apaisée vers un retour à l’ordre constitutionnel et de l’y rendre compte.
Je voudrais à mon tour vous parler les yeux blancs dans les yeux blancs. Vous pouvez en tenir compte ou pas, l’avantage c’est que je vous l’ai dit.
Monsieur le Premier ministre, lorsque dans le corps social, le sifflet d’un gamin de sixième année a plus de poids que la loi du souverain ou les directives des mandataires de l’État, lorsque la force publique est obligée de regarder impuissante le désordre s’installer à tous les maillons de la vie sociale, lorsque la justice ne peut plus prononcer librement le droit pour ce qui concerne l’intérêt général, lorsque les débrayages prennent la place des mouvements réguliers de défense des droits du travailleur, lorsque la désobéissance civile devient la voie courante de revendication des droits, lorsque la rue et le pavé se substituent aux circuits ordinaires de la république, lorsque l’impunité des petits est générée par celle des grands, c’est que le contrat social est caduque et est donc à refonder. « Il n’y a pas de liberté sans loi »; il n’y a pas de droits sans devoirs; il n’ y a pas de cité sans citoyenneté partagée; il n’ y a pas de nation sans un minimum de confiance entre les forces en présence; il n’ y a pas de communauté sans autorité commune reconnue et respectée. La situation dans laquelle se trouve la nation guinéenne aujourd’hui exige par conséquent un dialogue ouvert et franc, non dans le sens d’un simple passage à un nouveau pouvoir ou une nouvelle république, mais dans l’optique d’une communication directe, je dis bien directe, du Colonel Mamadi Doumbouya, porteur de la souveraineté, avec la classe politique, les centrales syndicales, les forces de défense, de sécurité et de renseignement, la société civile, les sages et autorités religieuses, les femmes et la jeunesse.
Ensemble, les Guinéens doivent décider de quelle manière la communauté nationale doit continuer à exister dans l’histoire, sans velléité de restauration de choses qui ne sont plus et sans fuite en avant vers des lendemains sans certitudes. Au centre de ces débats, doivent figurer, prioritairement, les épineuses questions de l’autorité de l’État, de la justice, des libertés publiques, du statut des serviteurs de l’État, de l’assainissement de la gestion des deniers publics; tout cela dans le contexte de démocratie, de pardon et de vérité. Sans cette démarche préalable, monsieur le Premier ministre, on fera tout le reste en vain comme il y a moins d’un an, au grand plaisir de quelques marchands d’illusions sociales et au risque de quelques dérapages socio-politiques préjudiciables au bien-être ensemble.
Cette mission nationale, que la transition n’a pas pu réellement mettre en œuvre pour le moment, pour des raisons de calendrier, et que certains acteurs ont déjà pratiquement raté, c’est bien maintenant de l’envisager. Excellente journée de travail, monsieur le Premier ministre.
Par Abdoulaye Sankara Abou Maco journaliste écrivain
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