Récemment notre confrère Amirou Barry de l’Agence Guinéenne de Presse (AGP) s’est rendu dans son village natal, Kolenté dans la préfecture de Kindia, où il a déploré l’état de dégradation de la nature le long du fleuve qui l’a vu naitre. Il a tenu a parlé de cette situation similaire à plusieurs villages du pays. Voici son reportage.
Reportage : Tanoun Mömö se souvient …
La sous –préfecture de kolenté à la fois , commune rurale (CR) située à 35 Km à l’est de la préfecture de Kindia sur la route de Mamou ,tire son nom , du fleuve Kolenté comptant parmi l’ensemble des cours- d’eau côtiers de l’ouest de la République de Guinée.
Le village de kolenté est très favorable à l’agriculture , singulièrement en cultures vivrières (riz, maïs ,manioc ;arachide),fruitières (mangue , orange , citron , goyave…) et industrielles (banane , ananas , hévéa… ). Il fait partie des villes et villages situés dans le triangle bananier Dubréka –Mamou –Forécariah, connu pour l’implantation depuis l’époque coloniale, de plusieurs planteurs français qui ont essaimé le village du fait que la zone est bien arrosée et dispose de vastes étendues de terres fertiles le long du fleuve kolenté.
Nous avons volontairement choisi ce village pour présenter l’état actuel de l’environnement par rapport aux années 1950 quand nous étions jeunes adolescent, fréquentant l’école du village créée en 1954 au bord du fleuve du même nom que nous avons connu et pratiqué, du moins dans la majorité de sa longueur.
Pour parler du sujet , nous avons décidé , de rencontrer , le doyen du village , Tanoun Mömö qui a beaucoup de souvenirs qui lui sont restés plus ou moins vivaces en mémoire.
Notre principal objectif, est de recueillir des informations sur l’état de l’environnement , notamment sur la dégradation de la nature , le long du fleuve kolenté au bord duquel, nous même ,sommes né dans les années 1940.
Ainsi en ce mois de novembre 2013 , nous voici reçu sous la véranda d’une case d’un septuagénaire étendu dans un vieux hamac usé propre à celui d’un villageois.
Le vieux que nous avons surpris, une pipe à la bouche dont la fumée envahissait la véranda, était visiblement en guenilles. Tenez ! ses cheveux blancs, se cachaient en partie sous un bonnet blanc rafistolé de fils noirs ;le boubou raccommodé en maints endroits ; les pieds du vieillard n’avaient plus besoin de chaussures. Il ployait sous le poids de l’âge avec une barbe blanche abondante.
En jetant le regard par curiosité dans sa chambrette couramment appelée ‘’konkoe’’ ,on y distinguait un lit en terre battue et une poêle lui servant de temps en temps, de chauffage ; son épouse , la soixantaine ,était affairée à d’autres travaux domestiques ;elle ne faisait pas attention à notre présence .
Tout cela reflétait la pauvreté qui est véritablement une des conséquences sociales et économiques de la destruction de l’environnement dans ce village traversé par le chemin de fer Conakry-Kankan .
En effet , le village de kolenté que nous avons connu les années 1950 a physiquement changé. Notre école qui était au bord d’un marigot débordant d’eau où nous nous baignions et parsemée de manguiers, est pratiquement exposée aujourd’hui au gré du soleil . Les singes, nos voisins de l’époque, qui pillulaient dans la broussaille , ont disparu en s’enfonçant dans la lointaine brousse. Le petit marigot d’antan n’est plus qu’un filet d’eau sans poisson. Pendant la saison sèche, le marigot devenait poussière .Si avant , on pouvait clôturer l’école de pourghère ,ce n’est plus le cas aujourd’hui , à cause des difficultés à trouver du bois qui se trouve désormais loin du village.
Quant au fleuve dans lequel se jetait le marigot de notre école, il ne ressemble plus aujourd’hui à ce fleuve d’antan où on venait souvent observer en quelques endroits de son lit, des hippopotames et des caïmans se prélasser et des oiseaux aquatiques s’abreuver .
Mais revenons chez Tanoun Mömö dont nous avons fait état plus haut.
Bonjour Tanoun ! Que vous rappelle le fleuve kolenté en tant que doyen de ce village ?
‘’L’état actuel de ce fleuve m’afflige énormément .Il ne s’emplit plus d’eau comme avant. Les riverains étaient heureux d’habiter le long de ce fleuve qui était nourricier à cause des vivriers et sa richesse en poisson. La végétation le long de ses deux rives, cachait le lit du fleuve dont le débit était appréciable ;les femmes qui venaient y puiser ,laver la vaisselle et les habits ,y accédaient difficilement .Mieux , ces femmes avaient la peur au ventre ,s’attendant à tout moment à l’apparition d’un caïman aux aguets à partir des buissons ,surtout contre les enfants qui viennent souvent se baigner’’.
Pouvez-vous, nous dire quelles sont les raisons de cette dégradation poussée entrainant ces conséquences néfastes ?
Sans sourciller, Tanoun Mömö qui est certes vieux, reste encore lucide. Il explique que c’est l’homme qui est le principal agent destructeur de l’environnement.
‘’La coupe abusive du bois sans en planter le long du fleuve, les feux de brousse et la corruption des agents des eaux et forêts qui ferment les yeux sur la destruction de l’environnement contre de maigres sous, restent à la base de toute dégradation de la nature ‘’ , précise Tanoun Mömö.
Faut-il le préciser, à l’image de toutes les localités du triangle bananier situées le long du chemin de fer Conakry –Kankan, kolenté exportait de la banane à partir du port autonome de Conakry.
En effet, 2 ou 3 fois par semaine, les 10 à 15 planteurs français installés dans la zone, procédaient à des coupes de banane qu’ils faisaient évacuer par le train à partir de la petite gare de kolenté pour Conakry. Dommage que par la destruction de l’environnement, tout cela n’est plus qu’un lointain souvenir de Tanoun Mömö.
En pensant à tout cela, Tanoun Mömö que j’avais invité à venir avec moi au bord du fleuve, a difficilement hésité de quitter les lieux.
A l’aide de sa canne, il est parti larmes aux yeux , regrettant ainsi ce qu’il voit aujourd’hui par rapport à ce qu’il a connu de ce fleuve où ,conclut-il ,il a beaucoup pêché au filet pendant sa pleine jeunesse . Comme quoi, Tanoun Mömö se souvient des vieux beaux jours des années 1940 dans son village natal.
Propos recueillis par Oumar M’Böh pour Aminata.com
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