En Sierra Leone, Ebola a changé le rapport à la médecine et aux traditions

L’arrivée d’une femme crachant du sang à l’hôpital de Kailahun, dans l’est de la Sierra Leone, a récemment fait craindre un retour d’Ebola. Mais au-delà de la peur, l’expérience du virus a modifié l’attitude des habitants envers la médecine et certaines pratiques ancestrales.

Plus de 200 personnes sont mortes de cette fièvre hémorragique dans la région, la première du pays touchée par l’épidémie partie du sud de la Guinée. Un cauchemar qui revient avec cette patiente venue de la frontière toute proche, après plus d’un an sans nouveau cas.

« Mon équipe a subi un stress post-traumatique », raconte Samuel Massaquoi, le directeur de l’hôpital. « Les gens disaient que si elle venait de la frontière guinéenne, c’est qu’elle avait Ebola ».

Exigeant le calme, le Dr Massaquoi met immédiatement en oeuvre les mesures prophylactiques utilisées au pic de l’épidémie, en 2014. Fausse alerte: la patiente est diagnostiquée avec une tuberculose avancée.

Selon le médecin, plus rien ne sera jamais comme avant le passage du virus, dont le dernier épisode en Sierra Leone s’est achevé en mars.

A quelques mètres, se trouve le centre de traitement d’Ebola (CTE), désormais vide, où les personnels de santé travaillaient en combinaison de protection intégrale, dans des scènes dignes d’un film d’épouvante.

« L’hôpital ne ressemblait pas à ça il y a deux ans » lorsque l’épidémie a frappé. « Il a énormément évolué », grâce notamment à des achats de matériel financés par des agences internationales comme le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) ou des formations par des spécialistes britanniques de médecine tropicale, souligne le médecin.

« Ebola nous a appris quelque chose, c’est que la plupart de ceux qui ont soigné des malades sont morts », explique le Dr Massaquoi: « ce n’est que lorsque les puissants guérisseurs – qui se croyaient invincibles – ont commencé à mourir que les gens ont pris conscience que c’était réel ».

Face à un mal jusqu’alors inconnu en Afrique de l’Ouest, les populations, croyant à une malédiction, préféraient consulter des guérisseurs locaux plutôt que de parcourir de longues distances pour rejoindre des établissements de santé publics, aux moyens souvent rudimentaires.

– Excision en recul –

La première vague de cas recensés à Kailahun est d’ailleurs arrivée juste après l’enterrement d’une guérisseuse traditionnelle qui se targuait de pouvoir guérir Ebola, attirant des malades de Guinée.

Non seulement elle a été emportée par la fièvre hémorragique, mais une quinzaine de femmes contaminées lors de ses funérailles ont à leur tour propagé le virus.

La Croix-Rouge a tenté d’enrôler les guérisseurs dans la lutte contre Ebola, persuadant certains de reconnaître leur incapacité à guérir les malades et d’envoyer ceux-ci vers les centres de traitement spécialisés.

L’épidémie a fait reculer d’autres traditions enracinées dans les milieux ruraux du pays, celles des sociétés secrètes, dont les autorités sierra-léonaises ont même un temps interdit les activités, au deuxième semestre 2014, pour tenter d’enrayer la propagation du virus.

A Kailahun, les sociétés secrètes féminines, dont le rôle principal est d’initier les filles, ont dû renoncer à une partie de leurs pratiques, comme les mutilations génitales féminines (MGF), que subissent près de 90% des filles en Sierra Leone, selon l’Unicef.

Dans le village où habite Baindu Alie, une jeune fille de 19 ans, la crainte d’Ebola a eu pour le moment raison de l’excision – généralement pratiquée au moyen d’un rasoir – en raison du saignement et des risques de contamination qu’elle implique.

« Les familles ont peur, donc il y a moins de confiance dans ces sociétés », confie la jeune fille.

A contrario, l’hôpital, longtemps considéré comme un mouroir plutôt que comme un lieu de guérison, connaît une hausse de fréquentation depuis la fin de l’épidémie. La situation demeure néanmoins contrastée, notamment dans d’autres régions, où les accouchements ont ainsi toujours lieu à la maison.

Naima Morie, 20 ans, qui a survécu de justesse au virus Ebola et a donné naissance à un bébé en février, se réjouit d’avoir servi d’exemple aux habitants de son village.

« Quand je suis sortie du CTE et que je suis rentrée chez moi, tout le monde était heureux », se souvient-elle. « Maintenant, quand leurs bébés sont malades, les gens les emmènent à l’hôpital ».

 

PAR CONAKRYLEMAG.COM

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