Il y a quelques mois, j’ai décidé de franchir le pas en tentant l’aventure « périlleuse » du retour au cocon natal.

Le retour des cadres supérieurs d’origine africaine, nés ou partis étudier en Occident, les « repats », fait presque l’objet d’un mythe. Il y a quelques mois, j’ai décidé de franchir le pas en tentant l’aventure « périlleuse » du retour au cocon natal. Six mois plus tard, je ne regrette aucunement cette décision. Permettez-moi de vous livrer ici en toute humilité mon retour d’expérience.

Je fais partie de la catégorie des repats qui ont grandi en Afrique et ont fait leurs études supérieures en Occident. Après avoir passé mon baccalauréat en Guinée, j’ai été diplômé de plusieurs universités au Maroc, puis en France, avant de rejoindre l’école du Barreau de Paris. J’ai par la suite exercé pendant six ans en qualité d’avocat au sein de cabinets internationaux parisiens. Alors que je bénéficiais d’intéressantes perspectives d’évolution dans un cabinet américain majeur en France, j’ai fait le choix d’être « un repat de plus ».

Une évidence

Ce retour au pays a toujours été une évidence pour moi. Tout d’abord parce que la vie m’est plus agréable au contact quotidien de mes racines et de ma famille. Ensuite parce que je me sens pleinement partie intégrante de cette nouvelle génération panafricaine, qui croit et veut prendre part au développement d’une Afrique du XXIe siècle forte, émergente et performante.

En dépit de cette évidence, la décision de retour au pays et sa mise en œuvre ne vont pas de soi, car elles impliquent, à bien des égards, de quitter sa zone de confort, certaines habitudes, un horizon professionnel prometteur, le tout pour un continent que l’on redécouvre. Il faut donc savoir surmonter certaines appréhensions.

Ce retour au pays n’est pas forcément idyllique. En effet, certaines désagréables réalités sont déconcertantes : la mauvaise route que tu empruntais pour rendre visite à ta tante il y a vingt ans est dans un état encore plus déplorable, l’électricité demeure un luxe, l’administration est toujours aussi corrompue et défaillante… La médiocrité, le clientélisme et le népotisme sont érigés en valeurs cardinales. Les manques dans certains secteurs clés telles que l’éducation, la santé ou les infrastructures sont criants.

Dans mon cas particulier et avant même ce retour, j’étais pleinement conscient de ces réalités et avais accepté l’idée de ne plus vivre dans le même environnement. Malgré tout cela, j’ai été surpris, lors d’un séjour à Paris de trois semaines au mois de mai, de constater que la vie en Guinée me manquait au bout d’une semaine.

Foi en l’avenir

Six mois, c’est encore tôt pour tirer des conclusions définitives. Néanmoins, je dresse un constat positif.

Tout d’abord, ce retour m’a permis de passer davantage de temps avec ma famille et mon entourage, ce qui n’a pas de prix. Ce retour m’a également permis de prendre pleinement part à des initiatives du secteur privé guinéen avec un impact considérable tel que le GYPC, un club de jeunes professionnels guinéens que nous avons créé pour faire entendre notre voix.

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Aussi, la Guinée demeure un formidable terrain d’opportunités. La croissance aidant – estimée entre 5 % et 6 % pour la période 2017-2020 –, le futur et les perspectives des entreprises locales sont prometteurs. Certains repats guinéens l’ont compris et prennent pleinement leur part, dans le secteur privé notamment, aux immenses opportunités qui se présentent aujourd’hui dans le pays.

Alors j’ai foi en l’avenir avec l’intime conviction que demain ici sera meilleur qu’aujourd’hui.

La jeunesse est le plus bel atout de notre pays. Dans ce cadre, j’ai toujours pensé qu’il est important que les repats guinéens, notamment les jeunes, atteignent une masse critique localement afin de permettre l’émergence du pays. Oui, la Guinée manque cruellement de compétences rompues aux standards internationaux, mais nous ne manquons pas de compatriotes aux compétences reconnues. Simplement, le cadre guinéen est moins enclin à un retour.

Ne pas baisser les bras

Aux potentiels repats guinéens qui hésitent et à la lumière de mon expérience, quelques éléments paraissent essentiels pour un retour réussi, ou à tout le moins éloigné de l’enfer promis : une bonne préparation, l’humilité et l’acceptation de ne pas être le messie (au contraire), le soutien de sa famille et de son entourage et l’acceptation que l’on débute une nouvelle vie avec ses avantages, mais également ses inconvénients. Cet aspect psychologique est primordial. Une fois que l’on a accepté ces inconvénients guinéens, il convient de considérer le temps comme son allié et ne pas baisser les bras à la moindre mésaventure ou frustration.

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Bien naturellement, je ne suis pas en train de vouloir convaincre la planète entière que tous les Guinéens de la diaspora doivent tout abandonner pour revenir en Guinée. Ce ne serait rendre service à personne que de faire cela. Mon témoignage s’adresse surtout à ceux qui ont envie de rentrer, mais ont peur de franchir le pas.

Il y a de nombreux mythes à déconstruire concernant le retour. Franchir le pas n’est jamais facile, cela est une évidence, et il faut faire des concessions, sans néanmoins se compromettre. Mais, à terme, les inconvénients peuvent se traduire par de belles opportunités et un épanouissement sur la terre de nos aïeux.

Baba Hady Thiam est avocat à Conakry au sein du cabinet Thiam & Associés qu’il a créé.

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PAR CONAKRYLEMAG.COM

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