Analyse de l’Article 70 Le référendum présidentiel : un outil démocratique à double tranchant
Le référendum : un mécanisme de démocratie directe
Analyse de l’Article 70 Le référendum présidentiel : un outil démocratique à double tranchant
L’Article 70 de la future Constitution guinéenne de 2025 prévoit la possibilité pour le Président de la République, sous conditions strictes, de soumettre directement au peuple un projet de loi par référendum. Ce mécanisme, qui vise à renforcer la démocratie directe, est une disposition sensible dans tout régime politique, et tout particulièrement dans un contexte comme celui de la Guinée, où la stabilité institutionnelle et le respect des règles démocratiques restent à consolider.
I. Le référendum : un mécanisme de démocratie directe
Le référendum est souvent présenté comme l’expression la plus directe de la souveraineté populaire. Il permet au peuple d’adopter ou de rejeter une loi sans passer par le filtre des représentants élus.
L’article 70 précise que le Président peut soumettre au référendum un projet de loi pour lequel il juge nécessaire une constitution directe du peuple, mais uniquement après avoir obtenu l’avis favorable du Parlement réuni en Conseil de la Nation à la majorité des deux tiers.
Cette double condition (avis du Parlement à une majorité qualifiée + décision présidentielle) vise à encadrer fortement l’usage du référendum pour éviter tout abus.
II. Les garanties posées par l’article 70
- Majorité qualifiée du Parlement
Le recours à une majorité des deux tiers dans les deux chambres réunies est un filtre important qui empêche l’utilisation arbitraire du référendum. Cette exigence protège le processus législatif représentatif contre une instrumentalisation excessive du référendum. - Avis préalable de la Cour constitutionnelle
Avant de convoquer le référendum, le Président doit recueillir l’avis de la Cour constitutionnelle sur la conformité du projet ou de la proposition à la Constitution. Cette disposition garantit un contrôle juridique préalable, qui protège la Constitution contre toute modification illégale via référendum. - Participation minimale au référendum
Le texte prévoit que le référendum ne sera valide que si au moins 50 % des électeurs inscrits participent au vote. Ce seuil protège la légitimité du processus en évitant que des décisions majeures soient prises avec une faible participation, ce qui est crucial dans un pays où l’abstention peut être élevée. - Interdiction de recourir au référendum pour la révision constitutionnelle
Le référendum ne peut pas être utilisé pour modifier la Constitution elle-même, ce qui est une garantie essentielle pour préserver la stabilité constitutionnelle et éviter des modifications sous pression populaire directe.
III. Les risques inhérents à l’usage du référendum dans un contexte guinéen
Malgré ces garanties, plusieurs risques subsistent :
- Concentration du pouvoir législatif
Le référendum peut affaiblir le rôle du Parlement en court-circuitant la délibération démocratique représentative. Dans un contexte où le Parlement peut manquer de poids ou être sous influence, le référendum peut être utilisé pour imposer des décisions présidentielles sans véritable débat public. - Instrumentalisation politique
Le référendum peut être utilisé par un président pour renforcer son pouvoir ou légitimer des mesures contestées, surtout dans un pays où les médias et la société civile peuvent rencontrer des difficultés à exercer pleinement leur rôle de contre-pouvoir. - Manipulation de l’opinion publique
Le risque de manipulation ou d’intoxication de l’opinion publique est réel, surtout dans un contexte où l’accès à une information pluraliste est fragile. - Fragilité institutionnelle et légitimité
Dans un pays marqué par des tensions ethniques, sociales, et régionales, la tenue d’un référendum peut exacerber les divisions si le processus n’est pas perçu comme équitable ou transparent.
IV. Le référendum : un outil à manier avec prudence
Pour que le référendum puisse être un véritable outil de démocratie et non un instrument de pouvoir, plusieurs conditions doivent être réunies :
- Une indépendance réelle des organes de contrôle et de la Cour constitutionnelle.
- Une société civile dynamique capable d’informer et de mobiliser les citoyens.
- Une couverture médiatique pluraliste et libre pour garantir un débat public transparent.
- Une organisation électorale impartiale et efficace, garantissant la transparence du scrutin.
V. L’article 70
L’article 70, en instituant la possibilité pour le Président de la République de recourir au référendum législatif, ouvre une voie vers une démocratie plus participative, mais aussi plus fragile. Dans le contexte guinéen, il faudra une vigilance constante pour que cet outil ne devienne pas un levier de pouvoir personnel ou d’érosion du rôle du Parlement.
Le cadre strict posé par la Constitution, avec la majorité qualifiée du Parlement et le contrôle de la Cour constitutionnelle, est une première barrière nécessaire. Le succès de ce mécanisme dépendra néanmoins largement de la qualité de l’environnement politique et institutionnel guinéen, encore à consolider.
— conakrylemag




