
Après le référendum controversé et les élections législatives de mars 2020, certains partenaires bilatéraux et multilatéraux de la Guinée avaient émis de réserves sur la sincérité de ce double scrutin. Ce qui suscita une levée de boucliers à Conakry. Le gouvernement guinéen estimant que ces partenaires n’étaient même pas sur le terrain le jour du scrutin. Par conséquent, ils n’étaient pas habilités à donner leur point de vue sur le déroulement dudit scrutin.
A l’opposé, le même gouvernement guinéen avait applaudi la présence d’observateurs américains sur le terrain. Espérant que cette présence était un quitus, il l’avait saluée à la dimension des enjeux. Mais ce que le même gouvernement guinéen ignorait ce que cette présence était un couteau à double tranchant. Le revers de la médaille n’a pas tardé. Ayant pris le temps d’observer ce qui se passait, le département d’Etat américain vient de dresser un bilan qui est de loin celui qui était attendu par Conakry.
Cette dénonciation suscite une autre. Celle de la mouvance présidentielle et les partis sélectionnés pour accompagner le pouvoir au double scrutin. Dans ce concert de réactions et de protestations, il y a une qui est particulièrement surprenante : c’est celle d’un jeune juriste qui a été de tous les combats pour la démocratie et l’Etat de droit en Guinée ces dernières années. Il s’agit de Boubacar Siddighi Diallo. Dans une interview accordée à des confrères de la place, M. Diallo estime que l’Amérique n’a pas de leçons à donner à la Guinée.
Notre grand juriste confond sans doute les crimes odieux relevant de droit commun aux violations des droits de l’homme commis par un Etat. Or la différence entre les deux est comme la distance qui sépare l’Orient de l’Occident. Ce n’est pas parce qu’il y a eu le regrettable cas de Georges Floyd et bien d’autres qu’il faille justifier les centaines d’assassinats de sang-froid de jeunes manifestants en Guinée.
M. Diallo ajoute que la France non plus n’a pas de leçons à donner à nos pays. Car, selon lui, le sang versé pendant la révolution française est incomparable avec celui que nous dénonçons ici. Voilà une logique dangereuse et suicidaire à laquelle aucun guinéen ne devrait rester insensible. Si nous devons comparer les morts du 17ème siècle avec les nôtres au 21ème cela veut dire qu’on peut décimer toute la population guinéenne pour parvenir à un objectif : devenir honorable député ou rester au pouvoir à vie.
Voilà ce qui atteste, s’il en était besoin, que la Guinée est en danger. Parce qu’il y a une élite qui est toujours prête à comparer son sort aux pires situations que l’humanité a connues. Il est indéniable qu’il y a des crimes quotidiennement aux Etats-Unis. Mais ils ne sont pas commis par l’Etat. Lequel Etat a montré qu’il est respectueux non seulement du principe sacro-saint de la démocratie mais aussi de la vie humaine à l’occasion de la prise d’assaut du capitole le 12 janvier 2021.
En outre, comparer les morts de la révolution française aux nôtres est une justification de crimes commis dans notre pays. Ce qui est inacceptable. A la limite, que notre juriste compare les dernières manifestations des gilets jaunes avec les manifestations en Guinée. Mais la révolution française ne saurait être une référence pour la Guinée.
Malheureusement, pour remplir la marmite nos politiciens en mal de projets et de programmes sont prêts à nous sacrifier tous. C’est pourquoi il est suicidaire pour la Nation entière de laisser s’installer une logique de justification et de légitimation de tous les crimes perpétrés en Guinée depuis notre indépendance.
Habib Yembering Diallo