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Cellou Baldé Ministre de la jeunesse : L’UFDG, fair-play et philosophie du “bon vent”

 Nomination de Cellou Baldé : Entre surprise politique, maturité partisane et promesses de recomposition

La scène politique guinéenne vient de vivre un nouveau soubresaut dont elle a le secret. Le 29 juillet 2025, Cellou Baldé, figure bien connue de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), ancien député et coordinateur national des fédérations de l’intérieur, a fait son entrée au sein du gouvernement dirigé par Amadou Oury Bah, lui-même passé par l’UFDG avant de s’émanciper. Nommé par décret du président de la transition, Mamadi Doumbouya, Cellou Baldé intègre désormais la grande machinerie gouvernementale sans avoir officiellement annoncé sa démission du parti qui a formé sa stature d’homme public. Une situation loin d’être anodine dans un pays où les allers-retours politiques attisent commentaires, spéculations et tensions.

Pour décortiquer cet événement, il faut aller au-delà du simple fait divers politique et s’intéresser aux symboles, aux réactions, et à la trajectoire personnelle et collective qu’elle révèle. Car cette nomination soulève autant d’interrogations sur le rapport entre l’État et l’opposition, sur la stratégie du pouvoir de transition, que sur l’identité, la légitimité et la résilience de l’UFDG, première force politique d’opposition en Guinée.

Une nomination, plusieurs grilles de lecture

La surprise, d’abord, fut de taille pour nombre d’observateurs. Cellou Baldé, connu pour sa fidélité aux idéaux de l’UFDG et sa proximité avec son leader historique, Cellou Dalein Diallo, avait jusqu’ici incarné une ligne de fermeté face au pouvoir militaire et aux recompositions politiques issues du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD).

Mais ce geste saisir la main tendue du Premier ministre Amadou Oury Bah, lui-même ex-cadre UFDG, dans un contexte où le gouvernement tente de s’ouvrir à diverses compétences politiques ne saurait se lire uniquement comme une défection. C’est aussi, peut-être, le signe d’une volonté de dialogue ou d’une ambition personnelle assumée, voire d’une remise en question de la stratégie traditionnelle d’opposition radicale.

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L’UFDG, fair-play et philosophie du “bon vent”

La réaction officielle de l’UFDG tranche avec les polémiques qu’on aurait pu attendre. Par la voix de Kalemodou Yansané, vice-président chargé des affaires économiques et financières, le parti, loin de céder à la critique virulente, adopte le registre du fair-play, voire de la fierté transversale. “Quand des gens quittent l’UFDG et qu’ils sont nommés, c’est bien pour nous. (…) Cela prouve que le parti regorge de compétences.”

La formule, habile, réinterprète chaque départ de ses rangs comme la preuve d’un vivier exceptionnel de talents, et non comme une hémorragie. Référence directe à Bah Oury, Premier ministre, à Ousmane Gaoual Diallo tous deux issus de l’UFDG et maintenant piliers du pouvoir la philosophie affirmée est celle du “bon vent” et du non-attachement, à condition que la loyauté interne soit respectée : “On a toujours dit que ceux qui veulent partir, qu’ils partent.”

Ce positionnement évite le double écueil du dénigrement stérile et du suivisme sans nuance. Il témoigne d’un parti solide sur ses principes, déterminé à garder son cap, tout en n’ignorant pas les réalités d’un marché politique guinéen volatil, où la fidélité ne se décrète pas.

Entre stratégie du pouvoir et tactique individuelle

Reste que cette nomination n’est pas neutre. Cellou Baldé, s’il reste silencieux publiquement sur sa démission et son absence de clarification officielle sème un trouble, a ces derniers temps multiplié les gestes d’adhésion aux idéaux du CNRD, en participant activement à la promotion du projet de nouvelle Constitution. Cet engagement signale une forme d’intégration politique et idéologique au processus en cours, voire une vraie rupture stratégique avec l’opposition traditionnelle.

Du point de vue du pouvoir, l’entrée de figures issues de l’UFDG incarne un double objectif : élargir la base sociale de soutien au gouvernement de Transition et affaiblir le monopole de l’opposition structurée, tout en exhibant une forme d’ouverture pluraliste et inclusive. C’est un jeu subtil, où chaque nomination devient aussi un message destiné à la fois à l’opinion publique nationale et à la communauté internationale, soucieuse de progrès démocratique en Guinée.

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Symbolique et fractures internes

Sous l’apparence de l’ouverture et de la maturité politique, la nomination de Cellou Baldé peut aussi exacerber les fractures internes à l’UFDG et, plus largement, dans l’opposition guinéenne. Depuis plusieurs années, la question de l’adhésion aux institutions de transition divise les cadres et militants. Le ralliement progressif de personnalités phares qu’ils franchissent le pas pour des raisons stratégiques ou par renoncement idéologique cristallise le vieux débat entre résistance active et coopération institutionnelle.

Dans ce climat, la position nuancée de Kalemodou Yansané, qui privilégie l’apaisement et l’absence de ressentiment, s’efforce de préserver l’unité d’une formation souvent éprouvée par les départs et les crises. Son message de “bon vent” aux partants ne masque cependant pas la vigilance affichée : “Si leur présence au gouvernement peut (…) être bénéfique au parti, tant mieux. Mais si c’est pour lui nuire, on en tirera les leçons.”

L’incertitude autour du projet politique

Ce cas, éminemment personnel, pose en creux une question traversant toute la vie politique nationale : où sont les nouvelles frontières entre appartenance partisane, engagement républicain et stratégie individuelle ? Cellou Baldé, dont la carrière fut jusque-là étroitement liée à la maison UFDG, opère aujourd’hui un basculement qui suscite interrogations et attente. Souhaite-t-il peser de l’intérieur sur les réformes institutionnelles ? Anticipe-t-il un avenir politique qui ne soit plus tributaire d’un appareil partisan unique ? Voit-il, dans le gouvernement Bah Oury, un espace élargi de réalisation de ses ambitions nationales ?

En intégrant le cabinet sans renoncer publiquement à sa carte, il laisse planer une ambiguïté qui sert à la fois ses intérêts tactiques et ceux du gouvernement, tout en complexifiant la lecture de l’opinion. Mais cette ambiguïté peut aussi, à terme, s’avérer périlleuse, si elle devait nourrir la défiance réciproque ou la suspicion de double-jeu.

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UFDG : entre résilience et reconstruction

Ce nouvel acte du feuilleton politique guinéen interroge le futur de l’UFDG, force d’opposition-historique qui, malgré les défis, s’est imposée comme un creuset de formation de responsables de premier plan. Face à la transition, à la recomposition des alliances et à la tentation du pouvoir, le parti est condamné à s’adapter, à renouveler ses méthodes de mobilisation et à affiner sa stratégie pour ne pas devenir simple pourvoyeur de ministres pour la concurrence.

Pour l’heure, l’UFDG adopte la posture de la résilience : “Nous, on est à l’UFDG, Alhamdou lillah, tout va bien.” Une invitation à la patience et à la confiance, qui laisse entendre que ni la politique de la chaise vide, ni le recours systématique à la contestation ne constituent l’unique voie d’avenir.

A la croisée des chemins politiques

L’intronisation de Cellou Baldé au gouvernement Bah Oury résonne, inévitablement, comme une séquence forte du jeu politique guinéen. Elle expose la tension entre aspirations individuelles et fidélité collective, et remet au centre de la scène la nécessité, pour chaque force politique, d’inventer en permanence de nouvelles modalités d’existence et d’action. Entre ouverture, recomposition et prudence, la Guinée avance, portée par des hommes et des femmes qui, tour à tour, défient, quittent, ou reconstruisent leurs appartenances.

La suite ? Elle dépendra de la capacité des uns à joindre le geste à la parole, et des autres à faire preuve d’intelligence politique, dans un contexte de transition où chaque mouvement compte. Le sort de Cellou Baldé, désormais membre du gouvernement, et la trajectoire de l’UFDG, resteront les baromètres précieux d’une démocratie guinéenne en constante reconfiguration.

PAR CONAKRYLEMAG.COM

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