
Guinéens expulsés de Mauritanie : quand Conakry feint de s’indigner après avoir abandonné les siens
Rafles nocturnes, humiliations, détentions arbitraires, expulsions massives de Guinéens de la Mauritanie. Les images et témoignages en provenance de Nouakchott sont d’une violence inqualifiable. Des familles entières traquées, entassées dans des bus, jetées aux frontières comme des marchandises périmées. Face à cette ignominie, Conakry “demande des comptes”. Oh, quelle fermeté soudaine ! Quelle indignation bien calculée !
Mais soyons sérieux deux secondes : qu’a fait réellement le régime guinéen pour ses ressortissants ? Rien, ou si peu. Car pendant que la Mauritanie expulse, la Guinée, elle, expulse symboliquement ses propres citoyens depuis des années, en leur niant toute dignité, toute protection, toute politique migratoire digne de ce nom.
Une rafle de plus, une humiliation de trop
Les faits sont clairs : plusieurs centaines de Guinéens ont été arrêtés, certains battus, d’autres extorqués, puis expulsés en masse. Aucun respect des droits humains, aucune procédure, juste une chasse à l’homme orchestrée avec le silence complice de bien des autorités. Et comme toujours, ce sont les plus pauvres, les sans-papiers, les jeunes débrouillards, les femmes vendeuses, les petits ouvriers qui en paient le prix fort.
Ces hommes et femmes n’avaient qu’un seul tort : être nés du mauvais côté de la frontière. Ils sont partis faute de perspectives, poussés par une misère entretenue, parfois même aggravée, par les politiques de leur propre pays.
Conakry, capitale de l’indifférence migratoire
Et que fait Conakry pendant ce temps ? Un communiqué. Un coup de téléphone. Une “demande d’explication”. Pathétique. Il n’y a ni cellule d’urgence, ni aide au retour, ni soutien juridique, encore moins une déclaration présidentielle digne de ce nom.
La Guinée est aujourd’hui le pays d’Afrique de l’Ouest qui traite ses migrants avec le plus d’indifférence. Pas d’ambassade efficace. Pas de services consulaires fonctionnels. Pas de stratégie claire. Juste un abandon organisé.
Le message est clair : partez si vous voulez, crevez si vous devez, mais surtout ne comptez pas sur nous pour défendre votre dignité.
Une diaspora exploitée mais jamais défendue
Ce qui rend cette situation encore plus abjecte, c’est l’hypocrisie constante du pouvoir guinéen vis-à-vis de sa diaspora. Quand il s’agit d’encaisser les millions envoyés par les migrants, on déroule le tapis rouge. Quand il faut les instrumentaliser lors des élections, on multiplie les discours et les promesses creuses. Mais dès qu’ils sont en danger, on les oublie.
Combien de Guinéens vivent dans la peur permanente d’être arrêtés en Mauritanie, au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Libye ? Combien ont été assassinés, battus, torturés dans l’anonymat le plus total ? Et combien de fois le gouvernement guinéen a-t-il élevé la voix avec clarté et fermeté ? Jamais.
La responsabilité de la junte : fuir un pays devenu invivable
Ce régime militaire, prompt à parler de “souveraineté”, à militariser le bitume et à suspendre les partis politiques, devrait commencer par se demander pourquoi des milliers de jeunes prennent tous les risques pour fuir. Car c’est bien cela, la vraie question : qu’a-t-on fait du pays pour que ses enfants préfèrent l’exil précaire à la survie chez eux ?
La réponse est là : pauvreté, chômage, insécurité sociale, absence de perspectives, et maintenant, dictature masquée sous uniforme. Alors ils partent. Par désespoir. Et à leur retour forcé, on les accueille avec des slogans.
Demander des comptes ? Commencez par vous en rendre.
La Guinée “demande des comptes” à la Mauritanie ? Très bien. Mais les Guinéens demandent des comptes à la Guinée elle-même. Pourquoi aucun fonds d’urgence pour les expulsés ? Pourquoi aucun programme de réinsertion sérieux ? Pourquoi toujours attendre que le scandale éclate pour réagir ? Pourquoi avoir des ambassades si elles sont incapables de protéger ?
Demander des comptes à Nouakchott, c’est bien. Mais ce n’est pas en Mauritanie que les Guinéens ont perdu leur fierté. C’est d’abord en Guinée. Un pays où l’on gouverne sans vision, où l’on parade pendant que ses citoyens s’entassent dans des centres de rétention.
La prochaine fois que vous verrez un jeune guinéen s’embarquer pour un voyage sans retour, n’allez pas l’accuser d’avoir fui. Demandez plutôt qui l’a abandonné. Parce que si la Mauritanie expulse… c’est la Guinée qui pousse à l’exil.
— conakrylemag




