Humm, je croyais avoir tout vu. Eh bien, non. Il y a bien pire que Conakry. Cette semaine, je reviens de l’enfer. Je suis allé en séminaire à Bissao. On m’a donné un beau cartable en nylon et deux bics, un bleu et un rouge. Et en voiture.
Après des kilomètres, je me suis retrouvé avec une bande d’aigris comme moi à Bissao, capitale de la Guinée-Bissau. Pendant deux jours. Jamais vu une ville pareille. Évacuons d’emblée tout malentendu diplomatique : je n’ai rien contre nos frères et voisins bissagostes mais je suis un gars objectif. En conséquence, je ne peux faire qu’un seul constat : leur coin est vraiment pourrave.
Mon calvaire a commencé à la frontière. Les gars qui portent l’uniforme dans ce drôle de pays ont des tronches patibulaires et la cigarette au bec. Je n’aime pas la cigarette, je la déteste et entre elle et moi, on verra qui va emporter l’autre. Le militaire qui a contrôlé ma pièce d’identité avait en plus des tics et puait salement des pieds, genre soumbara (tiens, ça me rappelle les godasses d’un général qui a dirigé une transition quelque part). Pas un de ces bandits en treillis ne porte ses chaussures réglementaires.
Ils sont tous en repose-pieds comme à la maison. Pour un peu, les gars contrôleraient la population en caleçon.
De la frontière à la ville, il n’y a plus de route mais une alternance de trous et de bosses. A croire que les Français sont passés par là avant d’aller masser les barbus intégristes du nord du Mali. Une fois à Bissao, on ne rigole pas. Pas assez de voitures, mais un nombre incalculable de maquis et d’officines de joints.
Tout le monde est à pied ou presque. Il y a des tas d’immondices à chaque coin de rue. Et puis, pas une Guiluxe bien guinéenne pour se rafraîchir le gosier sous un soleil de plomb. Rien que des cara-caras.
Bon, comme je suis poli et que je respecte ceux qui m’accueillent, j’ai bu un peu de cara-cara et fumé un bon petit joint, la première drogue de ma vie, je vous recommande le cannabis. Et puis j’ai cherché des raisons d’espérer. J’ai tellement cherché que j’ai fini par en trouver. D’abord, il y a la viande. Du cochon venu tout droit du paradis en saucisse ou en côtelette. Je me suis tapé un bon Gabriel dont je vous en dirai des nouvelles.
Je me demande ce que les bouchers guinéens attendent pour importer cette merveille.
A Bissao, comme tout le monde est pauvre, il n’y a aucun spécimen de cette sale race de nouveaux riches qui pullulent en ce moment à Conakry. Comme quoi, il suffit parfois de bien ouvrir les yeux pour distinguer un peu de bonheur derrière une montagne de malheurs.