La Guinée : un rêve de CAN 2025 brisé et des illusions qui perdurent
La Coupe d’Afrique des Nations 2025 aurait dû être le point d’orgue du développement sportif en Guinée. Une opportunité historique de montrer au continent et au monde notre passion pour le football, notre culture et surtout, notre capacité à nous transformer. Mais ce rêve a été brisé. Aujourd’hui, plus qu’un simple retrait, c’est un miroir de nos défaillances collectives qu’il nous faut regarder en face.
En 2014, lorsque l’organisation de la CAN 2025 a été confiée à la Guinée, une vague d’optimisme s’est emparée de la nation. Enfin, notre pays allait bénéficier d’infrastructures modernes, redynamiser son économie locale et renforcer son image. Mais très vite, les promesses se sont heurtées à la dure réalité : une mauvaise planification, des visions floues, et des priorités mal définies ont compromis le projet. Le Maroc a fini par récupérer cette édition, grâce à son organisation rigoureuse et sa volonté de faire du sport un levier stratégique de développement. Pendant ce temps, en Guinée, l’annonce des travaux n’a débouché sur rien de concret.
DES INFRASTRUCTURES SPORTIVES FANTÔMES
Huit ans après l’attribution initiale, le tableau est sombre. Les rénovations des stades emblématiques comme le Général Lansana Conté de Nongo et le Stade du 28 Septembre stagnent, faute de volonté politique et de ressources bien utilisées. Les nouveaux stades promis dans les grandes villes restent des mirages, et le chantier des infrastructures sportives est devenu un terrain fertile pour les discours creux.
Ce retard pèse lourdement sur notre football. Nos équipes nationales sont contraintes de jouer leurs matchs à domicile… à l’étranger. Nos clubs, qui rêvent de compétitions continentales, n’ont pas les outils nécessaires pour évoluer dans des conditions optimales. Résultat : une perte d’identité sportive. Comment parler de branding national alors que notre sport roi, censé fédérer la nation, se joue ailleurs ?
UNE POPULATION ENTRETENUE DANS L’ESPOIR
Le problème dépasse le sport. Il reflète un modèle de gouvernance où les illusions prennent le pas sur l’action. Les dirigeants savent que la population, souvent habituée à espérer, accepte l’inacceptable. De vagues promesses suffisent pour calmer les esprits. Le programme « Simandou 2040 », par exemple, met en avant des piliers comme l’éducation et l’emploi. Pourtant, l’absence criante d’un volet dédié aux infrastructures sportives montre que le sport reste perçu comme un luxe, alors qu’il est un outil d’éducation, d’intégration sociale et de développement économique.
Comment expliquer cette myopie des décideurs ? Le sport, notamment le football, génère de la passion et de l’unité nationale, mais il est également une vitrine. Pourtant, la Guinée semble être en décalage complet avec ces réalités. Le Maroc, qui nous a remplacés comme hôte de la CAN 2025, est un exemple frappant de ce que l’on peut accomplir en intégrant le sport dans une vision globale de développement. Stades modernes, centres d’entraînement de classe mondiale, et compétitions internationales organisées avec brio : tout cela témoigne d’un leadership et d’une planification efficace.
DES OPPORTUNITÉS GASPILLÉES
Il y a encore quelques années, accueillir la CAN aurait été un moment de gloire. Des stades modernes auraient attiré des milliers de visiteurs, généré des revenus colossaux, et surtout, laissé un héritage durable. Même après le retrait de la compétition, il y avait une chance de redresser la barre en achevant les projets d’infrastructures. Mais aujourd’hui, même ces maigres espoirs semblent s’éteindre.
L’organisation d’un événement sportif majeur comme la CAN ne concerne pas uniquement le football. Elle transforme les villes, améliore les transports, crée des emplois, et stimule l’économie locale. En perdant cette opportunité, c’est toute une dynamique que la Guinée a laissé s’échapper. Mais ce qui est encore plus grave, c’est que les dirigeants semblent incapables de tirer des leçons de cet échec.
REPRENDRE LE CONTRÔLE
Alors, que faire ? D’abord, reconnaître que le sport n’est pas un simple divertissement. Il est un levier de développement socio-économique, un facteur d’unité nationale, et un moyen de projection internationale. Les décideurs doivent intégrer la construction d’infrastructures sportives dans leurs programmes stratégiques, comme le fameux Simandou 2040.
Ensuite, il est temps d’exiger des comptes. Les Guinéens doivent cesser de se satisfaire de promesses creuses. Si nous voulons un avenir où nos équipes jouent à domicile et où nos stades vibrent sous les chants des supporters, nous devons être plus exigeants. Le football, ce symbole de fierté nationale, mérite une gestion transparente et visionnaire.
Enfin, il faut s’inspirer des modèles qui fonctionnent. Le Maroc, la Côte d’Ivoire, et même des pays émergents comme le Rwanda montrent que tout est possible avec une bonne planification. Les fonds alloués doivent être correctement gérés, et les projets menés à terme sans interférences inutiles.
UN APPEL À L’ACTION
Le football guinéen ne peut pas rester prisonnier de cette spirale d’échecs et de désillusions. Il est temps d’agir, non pas pour éviter une nouvelle humiliation, mais pour bâtir un avenir où le sport sera enfin reconnu comme une priorité nationale. Chaque match disputé à l’étranger, chaque stade abandonné, est un rappel brutal de ce que nous perdons.
La Guinée a besoin d’un sursaut. Nos enfants doivent grandir avec des héros jouant devant eux, sur des terrains dignes de ce nom. Le temps des excuses et des illusions est révolu. Si nous voulons un pays qui rayonne, commençons par redonner au football la place qu’il mérite.
Ibrahima Diakité
— conakrylemag