Le Hadj n’est pas un business : deux milliards envolés, une foi piétinée, et un État complice par son silence
Il faut oser le dire, clairement, brutalement : ce qui s’est passé en Guinée avec cette prétendue agence de voyage qui a escroqué plus de 30 candidats au Hadj, pour un montant dépassant deux milliards de francs guinéens, est une infamie. Une trahison. Un crachat au visage de la foi. Et pendant ce temps, les autorités regardent ailleurs, comme si escroquer des pèlerins en route vers la Mecque n’était qu’un incident technique. Comme si ce n’était pas grave. Comme si Dieu lui-même ne prendrait pas cela comme un affront.
Mais que vaut encore la dignité d’un musulman en Guinée, quand même le pèlerinage sacré devient un terrain de chasse pour les charognards du système ? Quand on vous vend des visas qui n’existent pas, des billets fictifs, des promesses creuses, avec la bénédiction de banques complices, de fonctionnaires véreux, d’agences “agréées” sorties de nulle part ? : Le tout sous le regard passif ou complice de l’État.
Où est le CNRD ? Où est le fameux “redressement moral” qu’ils prétendent incarner ? À quoi sert cette transition si elle ne peut même pas protéger le sacré, si elle n’a même pas l’instinct de se dresser contre l’escroquerie de la foi ?
Ce scandale n’est pas qu’un détournement de fonds : c’est une profanation, une mise en vente de l’âme même d’une société profondément croyante.
Le Hadj, c’est le rêve d’une vie. Pour beaucoup, le fruit de dizaines d’années de sacrifices, de privations, de dettes. On vend un terrain, on vide un compte, on sollicite la famille entière… pour se faire voler par des criminels en costard-cravate. Des prédateurs qui savent que leurs proies ne porteront jamais plainte, ne comprendront pas les termes du contrat, n’iront jamais réclamer devant un juge. Parce qu’ils sont analphabètes, ou simplement fatigués d’être trahis.
Et pendant que ces fidèles pleurent, espèrent, prient que “le bon Dieu finira par faire justice” — les responsables dorment paisiblement, certains même en train d’envisager leur propre pèlerinage… avec l’argent volé.
Mais ne nous y trompons pas : le silence de l’État est une forme de complicité. Car qui a laissé ces agences opérer ? Qui les a “accréditées” ? Qui a permis à ces banques d’encaisser sans contrôle, sans alerte, sans vergogne ? Le mal ne s’est pas fait dans le noir. Il s’est fait en plein jour, avec des tampons, des autorisations, des signatures officielles.
Ce scandale aurait dû déclencher une tempête nationale. Des limogeages en cascade. Des arrestations. Des gels de comptes. Des convocations. Des communiqués solennels. Rien. Pas un mot. Pas une indignation institutionnelle. Pas même un semblant d’enquête sérieuse. À croire que l’escroquerie des pauvres, tant qu’elle reste religieuse, est devenue une norme.
Mais il y a pire que l’indifférence : il y a la banalisation. Ce glissement lent vers une société où même les rites les plus sacrés deviennent des marchandises. Où le pèlerinage se vend comme un pack touristique. Où les agences improvisent des tarifs « VIP », des listes prioritaires, des visas magiques, pendant que les autorités religieuses jouent les spectateurs fatigués. Pas de contrôle, pas de mise en garde, pas de régulation sérieuse. Le business du sacré tourne, et tout le monde ferme les yeux.
Mais jusqu’à quand ? Jusqu’à la prochaine escroquerie ? Jusqu’à ce que le pèlerinage devienne un trafic international sous licence d’État ?
Et après, on s’étonnera que la jeunesse ne croie plus en rien. Que les mosquées se vident, que les sermons n’émeuvent plus personne, que la foi devienne un folklore. Mais comment croire en un système qui vous vend le paradis et vous livre l’enfer ?
Non. Des têtes doivent tomber. Pas des boucs émissaires. Pas un petit employé à sacrifier pour l’exemple. Non. Des responsables. Des DG. Des banquiers. Des fonctionnaires. Ceux qui savaient. Ceux qui ont laissé faire. Ceux qui ont profité.
Et que cela serve : on ne joue pas avec la foi des gens. On ne marchande pas le Hadj. Et l’État n’a pas le droit de se taire. Car se taire, ici, ce n’est pas de la prudence. C’est de la lâcheté morale. C’est une reddition face à la mafia du sacré.
Ce scandale ne doit pas être oublié. Il doit être jugé. Fermement. Publiquement. Religieusement. Pour que plus jamais on n’ose toucher au pèlerinage avec des mains sales.
Parce que le Hadj n’est pas une foire.
Et ceux qui l’ont transformé en marché aux dupes doivent répondre. Devant les hommes. Et devant Dieu.
— conakrylemag




