Dire que la nouvelle constitution « rassemble » en Guinée relève aujourd’hui plus du discours officiel que de la réalité vécue par les citoyens. Tout dépend de ce qu’on met derrière le mot rassembler. Si l’on parle d’un texte juridique censé créer un cadre commun, alors oui, une constitution a vocation à unir. Mais si l’on regarde le contexte actuel méfiance généralisée, tensions politiques, suspicion autour des intentions du CNRD le tableau est beaucoup plus sombre.
Un texte qui prétend unir, dans un pays profondément fracturé
La nouvelle constitution est présentée comme l’outil de refondation nationale. Dans son discours, le CNRD en fait le socle de l’unité, une « maison commune » où toutes les sensibilités devraient se retrouver. Sur le papier, l’argument tient : définir des règles du jeu partagées est, en théorie, un moyen de reconstruire le lien social.
Mais dans les faits, la démarche souffre d’un vice originel : elle naît dans un contexte de défiance extrême. La transition devait être un pont vers un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Quatre ans plus tard, les promesses non tenues, la répression des voix dissidentes et les soupçons de prolongation du pouvoir militaire rendent la parole officielle suspecte.
Peut-on parler de rassemblement quand une partie du pays se sent exclue ?
De nombreux acteurs politiques, associations et citoyens dénoncent un processus verrouillé où la consultation populaire est plus mise en scène que réellement vécue. Des opposants majeurs, comme l’UFDG ou le RPG, accusent le CNRD d’utiliser la constitution comme une passerelle pour légitimer Mamadi Doumbouya et préparer sa candidature.
Le « rassemblement » vanté par les autorités ressemble alors à une unité imposée d’en haut, plutôt qu’à un consensus issu d’un débat national inclusif.
Un texte sans confiance n’est qu’un papier
L’essence même d’une constitution, c’est d’être perçue comme un pacte social. Or, sans confiance dans ceux qui la portent, ce pacte est fragilisé dès sa naissance. Beaucoup de Guinéens se posent cette question simple : comment croire à un texte qui parle de justice, de liberté et de limitation du pouvoir alors que, dans la réalité, les droits sont bafoués et les promesses trahies ?
Même des juristes soulignent la contradiction entre le discours d’unité et les pratiques actuelles : arrestations arbitraires, disparitions forcées, presse muselée, partis politiques étouffés. Dans ce contexte, la constitution apparaît plus comme un instrument politique que comme une boussole nationale.
Le risque d’un rassemblement de façade
Ce que la Guinée vit, c’est une fracture profonde entre le besoin réel de règles communes et la manière dont elles sont imposées. La constitution pourrait rassembler si elle était le fruit d’un compromis sincère, construit avec toutes les forces vives du pays. Mais dans l’état actuel, elle risque surtout de servir de décor : un texte présenté comme l’incarnation de l’unité nationale, mais perçu comme un outil de confiscation du pouvoir.
Alors, peut-elle vraiment rassembler ?
– Oui, si elle devient un cadre où la parole des Guinéens est réellement prise en compte, et pas seulement utilisée pour valider un projet déjà ficelé.
– Non, si elle reste l’arme politique d’un régime militaire cherchant à s’habiller de légalité.
Le paradoxe du CNRD
Le CNRD prétend refonder la Guinée sur la justice et l’unité. Mais en verrouillant le processus et en gouvernant par la peur, il fait exactement l’inverse de ce qu’il proclame. Une constitution ne rassemble pas par ses mots, mais par la confiance qu’elle inspire. Aujourd’hui, c’est précisément ce qui manque.
— conakrylemag




