Entre Sécurité Nationale et Liberté de Presse : La Décision Controversée de la HAC sur Djoma Média
Le récent retrait de Djoma TV et radio du bouquet de Canal+ en Guinée, ordonné par la Haute Autorité de la Communication (HAC), soulève des questions critiques sur l’équilibre entre la sécurité nationale et la liberté de presse. Boubacar Yacine Diallo, président de la HAC, défend fermement cette décision, affirmant agir en conformité avec la loi guinéenne.
Selon Yacine Diallo, cette action a été motivée par des préoccupations relatives à la sécurité nationale, signalées par des « structures compétentes ». En réaction, la HAC a pris une « mesure conservatoire » en demandant à Canal+ de retirer Djoma de son bouquet. Yacine Diallo souligne que la loi guinéenne autorise la HAC à retirer l’agrément d’un média et que les médias sanctionnés ont la possibilité de faire appel devant la Cour suprême.
Cependant, cette justification fait l’objet de vifs débats. L’utilisation de la sécurité nationale comme motif pour restreindre les activités d’un média est une pratique courante dans de nombreux régimes autoritaires, où elle sert souvent de couverture pour museler la presse critique. Dans le cas de Djoma Média, une chaîne influente et suivie en Guinée, cette décision a des implications significatives pour la liberté de la presse dans le pays.
Le rôle de la HAC, en tant qu’organe de régulation des médias, est de maintenir un équilibre entre le respect des lois et la protection des libertés fondamentales, dont celle de la presse. La décision de retirer Djoma de Canal+ soulève des inquiétudes sur la manière dont cet équilibre est géré en Guinée. En se réfugiant derrière la loi, la HAC évite-t-elle de s’engager dans un débat plus large sur les droits et les libertés des médias ?
La possibilité offerte aux médias sanctionnés de faire appel devant la Cour suprême est certes un recours légal, mais dans un environnement où le pouvoir judiciaire est souvent perçu comme aligné sur les intérêts du gouvernement, quelle est la véritable portée de ce recours ? Cela soulève des questions sur l’indépendance du système judiciaire en Guinée et sa capacité à agir comme un véritable contre-pouvoir.
La décision de la HAC, bien qu’elle puisse être légalement justifiée, doit être examinée à travers le prisme des normes internationales en matière de liberté de la presse. Restreindre l’accès à l’information et la liberté d’expression sous prétexte de sécurité nationale est une pratique dangereuse qui peut mener à un contrôle accru de l’État sur les médias. Ce précédent pourrait ouvrir la voie à d’autres actions restrictives contre les médias en Guinée, compromettant ainsi la diversité et l’indépendance du paysage médiatique.
L’affaire Djoma TV est donc un test crucial pour la liberté de la presse en Guinée. Elle invite à une réflexion sur la manière dont les lois et les régulations sont utilisées, et parfois détournées, pour contrôler les médias. La situation exige une vigilance constante de la part des observateurs nationaux et internationaux pour s’assurer que la sécurité nationale ne devienne pas un prétexte pour étouffer la critique et la diversité des opinions.
Dramé Ibrahima pour conakrylemag.com
— conakrylemag