Recensement biométrique en Guinée : Kankan en tête, Conakry relégué – Une distribution électorale inégale
Le gouvernement vient de rendre publics les chiffres provisoires du recensement biométrique (RNPP), base du futur fichier électoral : 9 121 500 personnes encaissées, dont environ 6 748 923 électeurs inscrits. Parmi ces données, un chiffre surprend : la région de Kankan enregistre 2 089 320 personnes (23,27 %), dépassant ainsi Conakry qui se situe à 1 992 986 personnes (22,19 %).
Ce renversement statistique interpelle : comment comprendre que Kankan, la deuxième région la plus peuplée, surpasse désormais la capitale, historique épicentre démographique du pays ?
Kankan roi des kits – Conakry oublié
En réponse, l’opposition crie au déséquilibre. Le Bloc Libéral dénonce une distribution inéquitable des kits d’enrôlement : plus de 1 517 kits (30 %) réservés à Kankan, contre seulement 789 kits (15 %) pour Conakry, pourtant région la plus dense.
Le résultat ? Kankan aura logiquement enregistré davantage de citoyens. Mais comment ne pas y voir une opération d’optimisation territoriale ou pire, une manipulation foulant aux pieds l’égalité électorale ?
Quand un fichier bâti dès le départ favorise certains
Ce déséquilibre n’est pas anodin : si Kankan représente plus du quart du fichier électoral, alors même que sa population ne justifie pas une telle proportion, le débat démocratique est faussé.
Imaginez un scrutin où une région bénéficie d’un poids démesuré cela équivaut à offrir un ticket automatique à certains candidats, sans garantie de représentativité nationale. Le processus électoral guinéen devient alors un terrain balisé, non un champ ouvert à la compétition.
Plus grave : des ingrédients de crise plantés à l’avance
En plus de la répartition douteuse, le Bloc Libéral pointe d’autres faiblesses :
- Enrôlement différencié des Guinéens de l’étranger, à peine 7 % enrôlés ;
- Absence d’audit indépendant, notamment sur la répartition des kits, leur qualité ou le choix de l’opérateur.
Ces failles, loin d’être techniques, constituent un cocktail explosif : opacité + iniquité + défaut de contrôle = tribunal citoyen minoritaire aux yeux de la population.
Un recensement “politique” pour légitimer la junte ?
Ce n’est plus une supposition d’opposition : plusieurs analystes alertent sur la façon dont ce recensement sert de fondement à un simulacre d’élection ; d’abord via un référendum constitutionnel, puis une présidentielle censée « rendre le pouvoir ». Mais avec un fichier déséquilibré, toute légitimité devient trompe-l’œil.
Le vote se transforme en validation mécanique du régime, et la démocratie en exercice préfabriqué.
Conakry délaissée : un signal aux électeurs urbains ?
Délaisser Conakry dans la distribution des kits est une stratégie délibérée ou une incompétence gestionnaire ? Dans les deux cas, c’est un signal politique : les électeurs urbains, plus critiques, risquent d’être privés de voix.
Résultat : un fichier orienté vers les zones rurales, moins informées, potentiellement plus malléables, déjà fragilisées par l’analphabétisme. Autant d’éléments propices aux manipulations de masse, dans la droite ligne des stratégies populistes modernes.
Quelles alternatives pour garantir la fiabilité ?
Les propositions du Bloc Libéral restent incontournables :
- Interrompre immédiatement le recensement ;
- Mener un audit indépendant sur la répartition, l’organisation, le matériel ;
- Redémarrer le processus via un dialogue véritable incluant les parties prenantes, pour une répartition équitable des kits.
Sans ces correctifs, tout scrutin repose sur un socle bancal, voire faussé.
Vigilance ou impasse
Le choix de placer Kankan en tête du fichier électoral n’est pas anodin : il questionne la volonté réelle du pouvoir de tenir sa promesse de transition démocratique. Car démocratie et égalité électorale sont indissociables.
La Guinée mérite mieux qu’un recensement politisé. Elle mérite un recensement transparent, équilibré, équitable le seul capable de légitimer un vrai retour à la constitution.
Le débat est lancé : la nation s’en remettra-t-elle à un fichier manipulé, ou exigera-t-elle une vraie égalité au seuil même du scrutin ?
— conakrylemag
