Simandou : Le projet sacré de la transition guinéenne devient une zone interdite à la critique
Le projet Simandou, souvent présenté comme le joyau minier de la Guinée et un levier potentiel de développement économique, est devenu un sujet hautement sensible, voire dangereux, pour ceux qui osent en parler publiquement. La récente arrestation d’Aliou Bah, président du Mouvement pour la Démocratie et le Leadership (MoDeL), illustre cette tendance inquiétante. Selon l’un de ses avocats, une des charges retenues contre lui est d’avoir réclamé la publication des accords renégociés sur Simandou. Ce cas révèle une réalité troublante : désormais, quiconque ose critiquer ou même questionner ce projet phare risque la prison, voire pire. Cette répression croissante menace non seulement la réussite matérielle du projet, mais aussi sa légitimité sociale.
Aliou Bah dans le collimateur : La critique de Simandou comme crime
Aliou Bah, figure politique respectée et président du MoDeL, est actuellement détenu à la Maison Centrale de Conakry. Parmi les charges retenues contre lui figure son appel à la transparence concernant les accords renégociés sur Simandou. Pour ses avocats, cette accusation est un prétexte pour museler une voix critique et dissuader d’autres acteurs de s’exprimer sur ce dossier sensible. « Le message est clair : désormais, quiconque mettra sa bouche dans Simandou ira en prison, pour les plus chanceux, ou disparaîtra tout simplement », dénonce l’un de ses défenseurs.
Cette arrestation s’inscrit dans un contexte où les autorités guinéennes semblent déterminées à faire de Simandou un sujet tabou. Pourtant, ce projet, souvent qualifié de « monstre sacré » de la transition, représente un enjeu économique et stratégique majeur pour la Guinée. Les réserves de minerai de fer de Simandou sont parmi les plus importantes au monde, et leur exploitation pourrait transformer l’économie du pays. Mais cette manne potentielle suscite aussi des interrogations légitimes sur la transparence des contrats, la répartition des bénéfices et les impacts environnementaux et sociaux.
Un virage répressif inquiétant
La répression contre les acteurs socio-politiques qui osent porter un regard critique sur Simandou est un virage dangereux pour la transition guinéenne. En criminalisant la critique, les autorités risquent de créer un climat de peur et de méfiance, non seulement parmi les opposants politiques, mais aussi au sein de la société civile et des médias. Cette approche répressive contredit les promesses de transparence et de bonne gouvernance faites par le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) après son arrivée au pouvoir.
Aliou Bah n’est pas le seul à avoir été ciblé pour ses prises de position sur Simandou. D’autres voix critiques, y compris des journalistes et des militants des droits de l’homme, ont été réduites au silence, soit par des arrestations, soit par des menaces implicites. Cette tendance rappelle les méthodes autoritaires des régimes précédents et soulève des questions sur l’engagement réel du CNRD en faveur de la démocratie et des droits fondamentaux.
Les risques pour la réussite du projet
Le virage répressif autour de Simandou ne menace pas seulement les libertés individuelles ; il compromet aussi la réussite même du projet. Pour qu’un projet d’une telle envergure soit couronné de succès, il doit bénéficier d’un large soutien social et d’une légitimité incontestable. En étouffant les débats et en criminalisant les critiques, les autorités guinéennes risquent de susciter l’hostilité des populations locales et de la société civile, dont le soutien est pourtant crucial.
De plus, les investisseurs internationaux, de plus en plus sensibles aux questions de gouvernance et de responsabilité sociale, pourraient être dissuadés par un climat de répression et d’opacité. La transparence et la participation des parties prenantes sont des éléments clés pour garantir la viabilité à long terme de projets miniers comme Simandou. En ignorant ces principes, la Guinée risque de compromettre les retombées économiques et sociales espérées.
Un appel à la transparence et au dialogue
Pour éviter que Simandou ne devienne un symbole de répression et de conflit, il est essentiel que les autorités guinéennes reviennent à une approche plus inclusive et transparente. La publication des accords renégociés, comme l’a réclamé Aliou Bah, serait un premier pas vers la restauration de la confiance. Les citoyens guinéens ont le droit de savoir comment les ressources naturelles de leur pays sont gérées et comment les bénéfices seront répartis.
En outre, un dialogue ouvert avec les acteurs socio-politiques, les communautés locales et les organisations de la société civile est indispensable pour garantir que Simandou profite à tous les Guinéens. Au lieu de réprimer les voix critiques, les autorités devraient les écouter et les intégrer dans le processus décisionnel. C’est seulement à cette condition que le projet pourra atteindre son plein potentiel et contribuer au développement durable de la Guinée.
Simandou, un test pour la transition guinéenne
Le projet Simandou est bien plus qu’un enjeu économique ; c’est un test pour la transition guinéenne. La manière dont les autorités gèrent ce dossier révèlera leur engagement réel en faveur de la transparence, de la démocratie et des droits de l’homme. En réprimant les critiques et en étouffant les débats, elles risquent de transformer ce projet en source de tensions et de conflits.
Pour Aliou Bah et les autres voix critiques, la liberté d’expression et le droit à la transparence sont des principes non négociables. Leur combat pour une gestion responsable des ressources naturelles de la Guinée mérite d’être soutenu, non réprimé. Car, en fin de compte, la réussite de Simandou dépendra non seulement de sa viabilité économique, mais aussi de sa légitimité sociale et politique.
Par Oumar Sylla pour conakrylemag.com
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