Suspension de l’UFDG, du RPG et du PRP pour 90 jours : Une nouvelle étape dans la régulation des partis politiques en Guinée
Une décision qui secoue le paysage politique guinéen
Ce vendredi, à Conakry, le ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation (MATD) a pris une mesure qui fait déjà débat : la suspension pour 90 jours de trois grands partis politiques guinéens. L’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), le Rassemblement du Peuple de Guinée – Arc-en-Ciel (RPG-AEC) et le Parti du Renouveau et du Progrès (PRP) se voient interdits d’activités politiques sur le territoire national, une décision justifiée par des irrégularités administratives et financières. Signée par le ministre Ibrahima Kalil Condé, cette mesure intervient après un délai de 45 jours accordé aux formations pour se mettre en conformité avec la Charte des partis politiques. Dans un contexte politique tendu, cette suspension soulève des questions sur la liberté d’expression et la régulation des forces politiques en Guinée. Cet article explore les raisons de cette décision, ses implications, et les perspectives pour les partis concernés.
Une évaluation stricte des partis politiques
La suspension des UFDG, RPG-AEC et PRP s’inscrit dans un processus d’évaluation des partis politiques lancé par le MATD en 2024. Depuis l’arrivée au pouvoir de la junte militaire en 2021, sous la direction du président de transition Mamady Doumbouya, les autorités ont multiplié les efforts pour réorganiser le paysage politique guinéen. En octobre 2024, un premier rapport avait déjà conduit à la dissolution de 53 partis, à la suspension de 54 autres et à la mise sous observation de 67 formations, dont certaines figures majeures comme l’UFDG et le RPG. Cette nouvelle étape vise à faire respecter les obligations légales, notamment la tenue de congrès réguliers, la transparence financière et la mise à jour des registres administratifs.
Le délai de 45 jours, accordé aux partis sous observation pour se conformer, a expiré sans que les trois formations ne répondent pleinement aux exigences. Le MATD a donc estimé que des mesures plus strictes étaient nécessaires, marquant une volonté d’appliquer rigoureusement la législation en vigueur. Cette décision intervient alors que la Guinée traverse une période de transition politique, avec des promesses de retour à un régime civil en 2025, un calendrier encore flou qui alimente les tensions.
Les raisons officielles de la suspension
Selon le document du MATD, la suspension des UFDG, RPG-AEC et PRP repose sur leur non-respect des obligations prévues par la Charte des partis politiques. Parmi les manquements constatés figurent :
- L’absence de congrès statutaires dans les délais requis.
- Le manque de transparence sur les finances, notamment l’absence de relevés bancaires ou de comptes certifiés.
- Des irrégularités dans la gestion administrative, comme la non-mise à jour des organes de direction.
Ces points, déjà relevés dans le rapport d’octobre 2024, n’ont pas été corrigés malgré l’opportunité offerte. Le ministère précise que cette suspension vise à protéger l’ordre public et à garantir un cadre légal pour l’exercice de la politique en Guinée. Les partis ont désormais trois mois pour se mettre en règle, sous peine de mesures supplémentaires, potentiellement plus sévères.
Implications immédiates : Interdiction des activités politiques
Dès l’annonce de la décision, les trois partis se voient contraints de suspendre toutes leurs activités politiques sur le territoire national. Cette interdiction inclut :
- L’organisation de réunions ou de manifestations.
- Toute forme de propagande, qu’elle soit locale ou nationale.
- L’utilisation de leurs sièges, fédérations, sections ou comités de base.
Cette mesure, effective pour 90 jours à compter du 22 août 2025, limite fortement la capacité des partis à mobiliser leurs militants ou à influencer le débat public. Toute violation expose les responsables à des sanctions prévues par la Charte des partis politiques et le Code pénal guinéen, qui peuvent inclure des amendes ou des peines de prison. Cette restriction soulève des inquiétudes parmi les observateurs, qui craignent une restriction des libertés politiques dans un pays en transition.
Réactions et enjeux politiques
La suspension des UFDG, RPG-AEC et PRP, trois partis aux histoires et aux bases électorales distinctes, ne passe pas inaperçue. L’UFDG, dirigée par Cellou Dalein Diallo, est un acteur clé de l’opposition, souvent en première ligne contre les décisions de la junte. Le RPG-AEC, lié à l’ancien président Alpha Condé, conserve un soutien important malgré l’exil de son leader. Quant au PRP, bien que moins influent, il représente une voix dans la diversité politique guinéenne.
Les réactions des partis ne se sont pas encore formalisées au moment de la publication, mais des critiques émergent déjà. Certains leaders pourraient dénoncer une tentative de museler l’opposition, un argument déjà avancé lors des suspensions de 2024. D’autres pourraient y voir une opportunité de se réorganiser et de répondre aux exigences administratives. Cette décision intervient aussi à un moment sensible, alors que les préparatifs pour les élections promises en 2025 se précisent, rendant l’enjeu encore plus crucial.
Perspectives : Un délai de trois mois pour se conformer
Le MATD a laissé une porte ouverte aux partis suspendus en leur accordant trois mois pour corriger leurs irrégularités. À l’issue de cette période, une réévaluation sera menée pour déterminer si les mesures de conformité ont été respectées. Si les corrections sont jugées insuffisantes, les conséquences pourraient aller jusqu’à la dissolution, une sanction déjà appliquée à 53 partis en 2024.
Ce délai offre une chance aux UFDG, RPG-AEC et PRP de se restructurer, mais il impose aussi une pression accrue. Organiser un congrès ou produire des comptes certifiés dans un laps de temps aussi court représente un défi logistique et financier, surtout pour des formations aux ressources souvent limitées. La capacité des partis à s’adapter déterminera leur avenir politique dans un paysage en pleine reconfiguration.
Un contexte politique tendu
La Guinée vit depuis le coup d’État de 2021 dans une période de transition marquée par des réformes et des tensions. La junte, dirigée par Mamady Doumbouya, a promis un retour à l’ordre constitutionnel, mais les retards dans l’organisation d’élections et les mesures contre les partis politiques alimentent les soupçons d’un durcissement autoritaire. La suspension des UFDG, RPG-AEC et PRP s’ajoute à une série de décisions controversées, comme l’interdiction des manifestations en 2022 ou les arrestations d’opposants en 2024.
Cette mesure intervient également alors que le pays se prépare à des échéances électorales décisives. Les partis politiques, même en difficulté, restent des acteurs essentiels pour mobiliser les citoyens. La capacité de la junte à équilibrer régulation et pluralisme sera scrutée, tant par les Guinéens que par la communauté internationale.
Impact sur la société guinéenne
Au-delà des cercles politiques, cette suspension touche une partie de la population guinéenne. Les militants de l’UFDG, du RPG-AEC et du PRP, souvent actifs dans les quartiers et les campagnes, pourraient ressentir un vide politique. Dans un pays où le football et la politique rythment la vie quotidienne, cette interdiction risque de polariser davantage les opinions, entre soutien aux réformes de la junte et défense des libertés politiques.
Les jeunes, particulièrement engagés dans les mouvements citoyens, pourraient aussi être affectés. Avec l’interdiction des activités, les canaux de dialogue risquent de se réduire, poussant certains à des formes d’expression moins conventionnelles, voire illégales.
Vers une régulation plus stricte ?
La suspension des trois partis s’inscrit dans une tendance plus large de contrôle des acteurs politiques en Guinée. Depuis 2024, le MATD a intensifié ses évaluations, avec pour objectif de « nettoyer le paysage politique », selon les termes utilisés dans les rapports officiels. Cette approche, bien que légalement fondée, pose la question de l’équilibre entre régulation et démocratie. Si elle vise à professionnaliser les partis, elle pourrait aussi marginaliser des voix historiques, fragilisant la diversité politique.
À long terme, cette décision pourrait encourager une modernisation des structures partisanes, mais elle risque aussi d’accentuer les tensions si elle est perçue comme sélective ou punitive. Les prochains mois seront déterminants pour évaluer l’impact de cette mesure sur la scène politique guinéenne.
Une situation à suivre de près
La suspension pour 90 jours de l’UFDG, du RPG-AEC et du PRP marque un tournant dans la gestion des partis politiques en Guinée. Alors que les trois formations tentent de se conformer aux exigences du MATD, l’attention se porte sur leur capacité à surmonter cette épreuve. Pour la junte, il s’agit de démontrer que cette mesure s’inscrit dans un cadre légal et non dans une volonté de répression. Pour les Guinéens, c’est une nouvelle étape dans un processus de transition qui reste incertain. Les mois à venir révéleront si cette décision pave la voie à une refonte politique ou à une crise supplémentaire.
— conakrylemag




