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TRIBUNE les militaires aux casernes, pas dans les palais 

Par Cellou Mandela Diallo

À deux mois du référendum constitutionnel en Guinée, Cellou Mandela Diallo, étudiant engagé et membre actif de la société civile estudiantine, dénonce un projet de Constitution qu’il juge en rupture avec les promesses fondatrices de la transition. Selon lui, le texte contient des dispositions conçues sur mesure pour permettre à la junte de prolonger son maintien au pouvoir. Il exhorte le président de la transition à tenir parole en renonçant à toute candidature lors des prochaines élections.
TRIBUNE  , Par Cellou Mandela Diallo
Monsieur le Président,
Nous avons pris acte de votre récent message adressé aux représentants de la République à l’étranger, les exhortant à accompagner la dynamique constitutionnelle en cours. Mais il est de notre devoir, en tant que citoyens attentifs au destin de la Guinée, d’exprimer nos profondes préoccupations.
Vous parlez d’une Constitution qui « nous rassemble et nous ressemble ». Pourtant, force est de constater que le texte présenté s’écarte gravement des idées et valeurs annoncées dans l’avant-projet initial. Là où le peuple attendait un texte garantissant la démocratie et l’État de droit, beaucoup constatent aujourd’hui une série de trahisons flagrantes.
Par exemple, l’avant-projet fixait la durée du mandat présidentiel à 5 ans. Or, dans le projet soumis au référendum, ce mandat passe désormais à 7 ans renouvelables une fois. Cette modification majeure, sans justification pertinente, apparaît comme un recul démocratique et un instrument potentiel de confiscation durable du pouvoir.
Autre exemple révélateur : l’introduction de l’acceptation des candidatures indépendantes à l’élection présidentielle, alors même que vous n’êtes membre d’aucun parti politique structuré. De plus, la levée de l’interdiction faite aux binationaux de briguer la magistrature suprême – vous concernant directement puisque vous êtes français en plus d’être guinéen – achève de convaincre de la nature de ce projet. Tout cela donne l’image d’une Constitution taillée sur mesure pour un homme, et non d’une loi fondamentale pensée pour la postérité.
Plus préoccupant encore, dans le préambule de cette probable future Constitution, aucune disposition n’affirme clairement sa continuité avec l’esprit de la Charte de la transition actuellement en vigueur. Pourtant, c’est bien sur cette Charte que vous avez prêté serment devant le peuple et la communauté internationale, en y affirmant solennellement votre engagement à ne participer à aucune des élections devant marquer la fin de la transition.
Cet oubli n’a rien d’anodin. Il laisse craindre que la nouvelle Constitution ne serve d’instrument de légitimation d’un projet personnel plutôt que d’aboutissement d’un processus de refondation démocratique.
Vous évoquez un processus historique. Pourtant, le recensement qui devait garantir l’inclusivité et la transparence a été bâclé, en Guinée comme à l’étranger. Des milliers de nos compatriotes n’ont pas pu s’enrôler et seront exclus d’un vote qui engage pourtant leur avenir collectif.
Plus grave encore, Monsieur le Président, jamais les libertés fondamentales n’ont été autant bafouées. Les arrestations arbitraires se multiplient. La répression de toute voix discordante est devenue systématique. Les médias indépendants sont suspendus ou fermés sans aucun respect des procédures judiciaires. Et que dire des activistes et journalistes enlevés par des éléments des forces de défense et de sécurité, comme l’ont attesté de nombreux témoins, et qui demeurent introuvables à ce jour ?
Nous vous demandons ici, solennellement et publiquement : où sont ces journalistes et activistes enlevés ? Qu’ont-ils fait d’autre qu’exercer leur liberté de conscience et d’expression, dans un pays où ces droits sont garantis par la Constitution actuelle et par tous les instruments internationaux ratifiés par la Guinée ?
Monsieur le Président, l’histoire politique nous enseigne que c’est souvent lorsqu’un régime se croit trop solidement installé qu’il devient le plus fragile. L’arrogance du pouvoir est un poison lent mais mortel. Les exemples abondent : Mobutu Sese Seko au Zaïre, après trente-deux ans de règne absolu, croyait son pouvoir éternel jusqu’à ce qu’il soit renversé en quelques mois ; Blaise Compaoré au Burkina Faso, sûr de lui, osa modifier la Constitution pour s’offrir un nouveau mandat, avant d’être chassé par son peuple en quarante-huit heures. Même en Guinée, le Président Alpha Condé, porté par un immense espoir démocratique en 2010, a cru pouvoir défier l’histoire en changeant la Constitution pour briguer un troisième mandat. La suite, vous la connaissez : en quelques mois, il perdit tout pouvoir et toute légitimité.
Ces chutes brutales rappellent que le pouvoir n’est jamais aussi faible que lorsqu’il se croit invincible. L’arrogance, en politique, n’est pas une marque de force mais le symptôme de la peur : la peur de rendre compte, la peur de la vérité, la peur du peuple.
Enfin, Monsieur le Président, sachez qu’il y aura bien plus à gagner pour vous, pour cette transition, et pour la Guinée tout entière, en respectant votre engagement de ne pas vous présenter aux prochaines élections présidentielles, afin de permettre un véritable retour à l’ordre constitutionnel. Car si le peuple de Guinée semble aujourd’hui démobilisé et traumatisé, il ne saura jamais accepter l’instauration d’une dictature militaire. L’histoire de l’Afrique contemporaine nous l’enseigne : les militaires ont toute leur place dans les casernes, et non dans les palais.
C’est dans cette voie seulement celle du respect de la parole donnée, des libertés et de la justice que nous pourrons bâtir l’unité nationale et la prospérité durable que mérite notre Nation.
Étudiant guinéen en master de philosophie politique à l’Université de Paris-Sorbonne, Responsable de la cellule de communication de la Coalition des Étudiants Leaders de Guinée.
PAR CONAKRYLEMAG.COM

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A LIRE >>  Guinée : une semaine décisive sous le signe du référendum constitutionnel et de l’attente présidentielle

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