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« Ça va, ça va le monde ! » de RFI : six jeunes auteurs en quête de hauteur à Avignon

Radio France internationale donne la parole à des dramaturges émergents d’Afrique et d’Haïti dans le cadre du festival. Leurs textes sont clamés à haute voix par des comédiens.

Par Sandrine Berthaud-Clair
Publié hier à 12h40, mis à jour hier à 15h11

RFI – JUSQU’AU SAMEDI 28 AOÛT – LECTURES PUBLIQUES

Une cargaison de cadavres errants, un peuple en colère, une meurtrière qui dialogue avec une psy, deux insurgés qui disent ce que les féminicides font aux hommes, un lanceur d’alerte qui doute, des demandeurs de visa qui s’échangent tuyaux et histoires de vie. C’est tout un monde contemporain de violences, d’absurde, de tendresse et d’humour qui passe les frontières de l’Afrique et d’Haïti pour s’inviter cet été au Festival d’Avignon.

Pour la neuvième année consécutive, le rendez-vous « Ça va, ça va le monde ! » de Radio France internationale (RFI) donne à entendre les œuvres théâtrales de jeunes dramaturges émergents lors d’un nouveau cycle de lectures publiques pour la 75e édition du festival.

Pascal Paradou, directeur adjoint de RFI chargé de la francophonie et des opérations culturelles : « Leurs mots font ressentir les échos de la dureté qu’ils subissent au quotidien »

Seront à l’honneur le Guinéen Souleymane Bah (Guinée), lauréat du prix Théâtre RFI 2020 et aujourd’hui réfugié politique en France, le Camerounais Kouam Tawa, qui entend « commémorer la mort de tous ceux et celles qui se sont battus pour que l’indépendance advienne », la Rwandaise Carole Karemera, qui dénonce la violence transmise de génération en génération par la société rwandaise, l’Haïtienne Gaëlle Bien-Aimé, comédienne et militante féministe, le Congolais Michael Disanka, qui met en scène un lanceur d’alerte en possession de documents compromettants, et l’Ougandaise Assiimwe Deborah Kawe, relatant le sort de demandeurs de visa pour les Etats-Unis.

Leurs textes seront mis en voix par le metteur en scène Armel Roussel et (pro) clamés dans la cour du lycée Vincent-de-Paul par les comédiens de la compagnie [e]utopia. Retransmis en direct vidéo sur la page Facebook de RFI tous les jours à 11 heures, ces fragments théâtraux seront aussi rediffusés sur les ondes de la radio tous les samedis à 17 h 10 du samedi 24 juillet au samedi 28 août. L’occasion de faire découvrir des deux côtés de la Méditerranée ces jeunes auteurs « dans l’urgence politique de prendre la parole face à des problématiques qui touchent aussi nos sociétés, le dérèglement climatique, les violences de toute nature, la migration », explique Pascal Paradou, directeur adjoint de RFI chargé de la francophonie et des opérations culturelles, créateur et coordinateur de l’événement. Le journaliste rappelle combien « leurs mots font ressentir les échos de la dureté qu’ils subissent au quotidien ».

« Grand théâtre du monde »
Cette scène radiophonique est « devenue l’un de nos grands rendez-vous d’été pour nos auditeurs », affirme Cécile Mégie, la directrice de l’antenne. En presque une décennie, la radio a ainsi constitué une « petite bibliothèque numérique » accessible à tous sur le site de la station et que son adjoint s’amuse à qualifier de « grand théâtre du monde ».

Le Festival d’Avignon et « Ça va, ça va le monde ! » s’arriment cette année à la Saison Africa 2020. L’implication de la radio internationale la plus écoutée du continent ouvre des perspectives à des œuvres et des auteurs qui ont du mal à passer les frontières, y compris en Afrique même. « Le continent a encore peu de salles de théâtre, explique Pascal Paradou, la circulation des textes comme des comédiens doit être facilitée. Notre ambition a toujours été de les faire entendre aussi bien en Avignon que par les auditeurs africains et caribéens. »

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La création du prix Théâtre RFI, en 2014, coulait donc de source, impliquant le patient travail de défrichage et de découverte de nouveaux auteurs – et autrices. La présence dans l’édition 2021 de deux textes de femmes anglophones traduits raconte la difficulté des Africaines « à s’autoriser à raconter leur monde », témoigne le responsable de RFI : « La pression sociale, la famille les entravent encore alors qu’elles ont tant de choses à dire. De leur côté, les auteurs écrivent de plus en plus de rôles de femmes parce qu’ils prennent la mesure de la place qu’il faut leur faire. »

« Ça va, ça va le monde ! », en direct du lycée Vincent-de-Paul à Avignon du 11 au 16 juillet et sur la page Facebook de RFI tous les jours à 11 heures. Rediffusion sur les ondes de RFI tous les samedis à 17 h 10 du 24 juillet au 28 août. Une coproduction du Festival d’Avignon et de la compagnie [e]utopia, avec le soutien de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), de la région Wallonie-Bruxelles International et de l’Institut français.

Six auteurs émergents à écouter et à entendre
La Cargaison, de Souleymane Bah, 11 juillet
Conakry, octobre 2019. La répression policière fait un massacre lors d’une manifestation pacifique. Dénonçant la violence d’Etat, Souleymane Bah fait parler les morts, leur corbillard et même les balles meurtrières pour dire, d’une écriture au débit mitraillette, l’absurdité et le désespoir : « Ça rafale, ça s’affale, ça mord, ça meurt ! » C’est la deuxième fois que le Guinéen, lauréat du prix Théâtre RFI 2020 et aujourd’hui réfugié politique en France, est à l’honneur en Avignon. Après Danse avec le diable en 2019, l’exilé règle ses comptes avec un régime aveugle et sourd.

Lu par Serge Yéroné Koto, Vincent Minne et Nadège Ouedraogo. Création sonore : Pierre-Alexandre Lampert.

Nuit de veille, de Kouam Tawa, 12 juillet
2010, cinquantenaire de l’indépendance du Cameroun. C’est la fête à Yaoundé. Deux pièces de théâtre doivent être jouées pour célébrer l’événement devant le président. Mais les textes déplaisent au pouvoir et une nouvelle pièce, Cameroun, la marche en avant, est écrite en trois jours par un affidé du régime pour faire l’éloge du chef de l’Etat, Paul Biya, en place depuis plus de vingt-huit ans. Nuit de veille est la réponse du dramaturge Kouam Tawa à cette censure qui ne dit pas son nom, « pour apaiser ma colère et commémorer la mort de tous ceux et celles qui se sont battus pour que l’indépendance advienne ». Une pièce théâtrale qui prend la forme populaire de la palabre pour donner la parole « à tous ceux qui ne parlent pas et dont on imagine qu’ils n’ont rien à dire, ces gens du “petit peuple” » : « Ne nous oubliez pas, nous les délaissés de la grande Histoire, clame le texte. Ne nous oubliez pas ! »

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Lu par Aminata Abdoulaye, Tom Adjibi, Vincent Minne, Babetida Sadjo, Ibrahima Diokine Sambou et Sophie Sénécaut.

Murs-Murs, de Carole Karemera, 13 juillet
Face-à-face entre deux femmes qui tentent de comprendre l’irréparable : l’une a tué son mari, l’autre l’écoute. Entre elles, la violence transmise de génération en génération par la société rwandaise, et les mots pour sortir des non-dits.

La comédienne et metteuse en scène rwandaise, qui s’est inspirée pour ce texte de l’œuvre de la Nigeriane Zainabu Jallo, Onions Make Us Cry, continue un chemin singulier après la création de plusieurs spectacles et la participation à des spectacles exigeants tel Le Mahabharata, de Peter Brook.

Mis en voix et lu par Cecilia Kankonda et Carole Umulinga Karemera.

Que ton règne vienne, de Gaëlle Bien-Aimé, 14 juillet
Regina, artiste photographe et amie de l’autrice, est tuée un soir de 2015 dans les rues de Port-au-Prince par son compagnon. Cette tragédie du quotidien saisit la comédienne et militante féministe Gaëlle Bien-Aimé et la pousse à inventer un dialogue entre deux compatriotes. Bloqués dans une rue de la capitale haïtienne lors d’une soirée au parfum d’insurrection, ils parviendront à dire, avec tendresse et lucidité, le mal que les féminicides font aussi aux hommes.

Lu par Vladimir Delva et Guy Régis Junior. Création sonore : Pierre-Alexandre Lampert.

A demain ma mort, de Michael Disanka, 15 juillet
Dans le bar d’une capitale africaine qui ressemble furieusement à Kinshasa, « IL » doute. Le lanceur d’alerte est en possession de documents compromettant une partie de la classe politique de son pays. Doit-il agir et risquer la mort ou se taire et laisser faire ? Le sort réservé à certains de ses prédécesseurs le plonge dans des hallucinations existentielles. L’auteur et comédien congolais Michael Disanka produit un théâtre « éclaté » : « Parce que j’écris comme je parle, de manière irrévérencieuse avec la syntaxe. » Et avec le pouvoir.

Lu par Edson Anibal et Gioia Kayaga. Accompagnés par Rokia Bamba.

J’ai rendez-vous avec DiEU, d’Assiimwe Deborah Kawe, 16 juillet
Réunis dans une salle d’attente d’un pays « du tiers-monde » dont on ne dit pas le nom, des demandeurs de visa pour les Etats-Unis trompent leur angoisse en s’échangeant des tuyaux pour apparaître sous leur meilleur jour aux autorités consulaires : les « DiEUx ». La dramaturge et metteuse en scène ougandaise « sait faire entendre la fable politique dans sa violence et son absurdité sous une forme théâtrale lyrique d’une grande humanité », explique Gisèle Joly, sa traductrice. Un texte drôle et plein d’ironie.

Lu par Tom Adjibi, Karim Barras, Clémentine Coutant, Fatou Hane, Nancy Nkusi, Ibrahima Diokine Sambou, Sophie Sénécaut. Création sonore : Pierre-Alexandre Lampert.

Sandrine Berthaud-Clair

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