
Baccalauréat sous tension : quand l’État guinéen trahit ses propres soldats de l’éducation
Une nation qui méprise ses enseignants est une nation qui prépare son propre naufrage. En Guinée, le cycle se répète à chaque session d’examen national : mobilisation tardive, encadreurs abandonnés, primes impayées, improvisation généralisée… mais discours pompeux sur la « tolérance zéro à la fraude ». Cette année encore, le théâtre recommence, avec une nouvelle couche d’humiliation.
Alors que le Baccalauréat s’ouvre ce lundi, l’épreuve la plus redoutée du cursus secondaire, des centaines de surveillants, de correcteurs et d’encadreurs du CEE et du BEPC attendent toujours leurs primes, promises depuis plusieurs semaines. Entre 470 000 et 490 000 GNF par agent. Une somme dérisoire au regard des efforts fournis, mais vitale pour ces fonctionnaires qui n’ont ni logement de fonction, ni sécurité, ni considération réelle. Même pour ça, l’État rechigne.
La promesse électronique… version détournée
Et pourtant, le ministère avait fait croire à une modernisation : ouverture obligatoire de comptes dans une structure de monnaie électronique, présentée comme rapide, fluide, efficace. Résultat : des files d’attente absurdes, des agents désorientés, et aujourd’hui… toujours pas d’argent. Des comptes vides. Des agents frustrés. Une promesse numérique qui cache une indigence budgétaire.
Comment tenir debout sans être payé ?
On demande à ces hommes et femmes de surveiller, de corriger, d’encadrer, de rester intègres… sans leur verser un franc. Faut-il rappeler que ce sont eux qui, dans les salles étouffantes de juin, doivent contenir les tentations de fraude, résister aux pressions des candidats, parents, chefs de centre, notables locaux parfois ? Et on ose les traiter comme du bétail administratif.
Des encadreurs non rémunérés, ce sont des examens fragilisés, des notes mal corrigées, des absences injustifiées, des fuites organisées. Ce sont aussi des candidats lésés, des diplômes discrédités, et une génération sacrifiée.
Mais apparemment, cela n’émeut pas la haute sphère du ministère de l’Enseignement Pré-Universitaire. Elle préfère se perdre en discours sur « la moralisation du système éducatif », pendant que ses agents sont affamés en silence.
La République des paradoxes
On finance des retraites dorées pour des colonels enrichis par le régime, on achète des pick-up à 900 millions l’unité, on alloue des budgets spéciaux pour des forums inutiles à l’intérieur du pays… mais on n’est pas capable de débloquer quelques milliards pour payer les maîtres d’école ?
Un État sérieux paie d’abord ses instituteurs. Un État voyou les oublie.
La Guinée, hélas, semble appartenir à la seconde catégorie.
La patience a des limites. La trahison a un prix.
S’il y a une ligne rouge que l’administration guinéenne franchit une fois de trop, c’est celle du mépris envers les petites mains de l’éducation nationale. Ce n’est pas une erreur technique, ce n’est pas un oubli comptable. C’est un système de dévalorisation continue, une violence d’État quotidienne contre ceux qui instruisent les futurs citoyens.
Les correcteurs finiront peut-être par corriger. Les surveillants par surveiller. Mais ils le feront sans foi, sans ferveur, avec un goût amer au fond de la gorge. Et ce sentiment-là est peut-être le pire danger pour l’école guinéenne.
Le ministère doit agir. Hier déjà.
Chaque jour de retard est une insulte de plus. L’argent est là, les listes existent, les comptes sont ouverts : il n’y a plus d’excuse.
La jeunesse guinéenne mérite des examens crédibles. L’école guinéenne mérite des enseignants respectés. Et le pays mérite, au moins une fois, un système éducatif qui ne commence pas par le mépris.
— conakrylemag




