C’était en marge du lancement du rapport 2014 Doing Business de la Banque Mondiale qui a réuni au siège de l’Institution à Conakry des membres du gouvernement et plusieurs acteurs au développement. Dans cet entretien, ce partenaire au développement, réputé pour son expérience et sa connaissance du terrain économique, exprime ses sentiments pour le bon classement de la Guinée. Tirant les leçons d’une telle nouvelle, il donne aussi son point de vue sur les avantages liés à un tel classement pour la Guinée et les investisseurs privés. Egalement, M. Kanté, en bon connaisseur du pays a proposé des conseils qui pourraient être utiles pour faire de la Guinée, un des pays émergents de la sous-région. Lisez…
Monsieur le représentant, quel est votre sentiment après le bon classement de la Guinée dans le rapport Doing business 2014 ?
J’ai un sentiment de satisfaction, d’encouragement aux autorités et à toutes les parties prenantes dans l’amélioration du climat des affaires ici en Guinée. La Guinée a pu faire un bon avant en améliorant de 4 places cette année au classement Doing Business par rapport à l’année passée où elle avait grimpé de 3 chiffres. Je pense qu’il faut s’en féliciter et exhorter le Gouvernement à poursuivre les réformes.
Quelle a été la contribution de votre institution qui est la banque mondiale (BM)?
Notre contribution au niveau de la Banque mondiale est d’appuyer les autorités et tout le secteur privé à réfléchir sur ces réformes, d’avoir un plan d’action et à le mener correctement. Et chaque fois que cela était nécessaire, nous avons apporté l’assistance technique appropriée, qui était souvent liée au financement. Mais je pense que tout le mérite dans ce projet là revient aux autorités guinéennes.
M. Cheik Fantamady Kanté, parlez-nous du Doing Business. C’est quoi au fait?
Le Doing business qui est à sa 11ème édition examine une dizaine de critères qui rentrent tous au développement du secteur privé dans chacune des économies. Nous avons aujourd’hui 189 économies qui sont évaluées et comparées. Ils constituent non seulement un instrument de collecte d’informations et de comparaison, mais aussi d’émulation qui peut être encourageant pour les gouvernants et montrer aussi un signal aux investisseurs privés.
Je peux vous dire que nous vivons dans un monde de plus en plus petit où, l’investisseur voit les opportunités et décide où il va aller investir. Donc, c’est un instrument par excellence pour mettre en confiance les investisseurs potentiels dans l’économie d’un pays.
En ce qui concerne la Guinée, les critères qui sont évalués, fournissent une certaine orientation des domaines qui sont importants pour les investisseurs. Le temps, les procédures et les délais qu’il faut par exemple pour créer une entreprise ou lancer son business est l’un des critères les plus importants dans l’évaluation des pays
C’est pour dire que, ceci donne l’occasion au gouvernement guinéen de saisir ces domaines là pour décider de poursuivre ces reformes afin de pouvoir attirer d’avantage les investisseurs.
Ensuite, le Doing business est plus focalisé sur les Petites et Moyennes Entreprises (PME). Les investisseurs aussi regardent le classement d’un pays qui donne une idée de sa créativité ou non pour l’investissement privé.
Quelle lecture faites-vous des investisseurs du domaine minier en Guinée ?
Le cas de la Guinée et des investissements miniers, je pense que la problématique est beaucoup plus grande.
Elle est liée au fait que les produits miniers dont on parle sont sujets à de variation de coût mondiaux comme : la bauxite, le fer etc. et éventuellement d’autres considérations qui entrent en jeu comme ; la situation politique. Comme vous le savez, l’instabilité politique en Guinée a eu un effet sur l’attractivité à l’investissement direct étranger.
Mais ceux à quoi vous faites allusion est une perception des grands investisseurs qui ont évidemment réagi. Je pense que ceux-ci ont réagi du fait qu’il y’avait une situation politique incertaine avec le processus électoral.
Et aussi, cet investissement se comporte en fonction du marché mondiale du fer, de la bauxite ou de l’or. Donc, il ya une convergence d’éléments qui ont fait que, cette année on a vu un certain ralentissement. Mais je pense que ce ralentissement devrait changer en 2014. Et avec le projet Doing business, on peut aussi amorcer le développement des PME. Parce que ça ne sert à rien d’avoir ces grandes compagnies ici en Guinée si on n’a pas un tissu de PME locales pour pouvoir sous traiter et fournir des services.
Parce que vous n’êtes pas sans savoir que ce ne sont pas les mines directement qui vont employer les centaines de milliers de jeunes guinéens qui ont besoin d’avoir un emploi décent mais plutôt des PME sous traitantes.
Vu tout cela, à votre avis, quelle position dispose la Guinée pour son émergence ?
Je peux dire que la Guinée a une position géographique et d’autres ressources qui font que ce pays est un joueur sous régional d’importance. Notamment son potentiel hydrologique qui fait qu’en cours terme il va devenir un exportateur d’électricité.
Aussi, sur le plan agricole, c’est la même chose. Donc, je pense s’il ya un tissu des PME compétitif, évidement les mines peuvent nous aider à les propulser de façon rapide, parce que l’apport en capitaux de ce secteur est important. Mais je pense, lorsqu’on se projette en long terme, le tissu de PME si on peut bien le constituer avec un environnement attractif, la Guinée va pouvoir jouer un rôle pour pouvoir fournir aux pays environnants des services nombreux et de qualité.
Donc, la jeunesse bien formée avec des entrepreneurs qui bénéficient des facilités de crédits afin de pouvoir embaucher les gens.
Pour en arriver là, avez-vous un conseil pour les autorités guinéennes et les acteurs de développement?
Je demanderai aux autorités de tout un pays d’éviter le piège qui est de dépendre d’un seul secteur, notamment celui minier. Parce que le jour où les coûts vont tomber, l’économie va aller au ralenti. Le jour que les prix de la bauxite vont chuter le pays va le ressentir. C’est ça, les pièges des ressources minières. Il faut se servir de ces ressources pour diversifier les secteurs de revenus.
Donc, avoir un réseau d’infrastructures, de l’électricité partout, pour que si quelqu’un veut s’installer à Mamou et produire, qu’il puisse le faire avec des couts de facteurs réduits et écouler ses produits pas forcement à la Capitale Conakry pourquoi pas à Dakar ou à Bamako où il pleut moins.
Je peux dire que la Guinée a tout pour émerger, la chance naturelle d’avoir des ressources naturelles notamment, minérales, hydrologique et agricole. Si en plus de ces ressources naturelles, elle peut aussi se propulser avec une économie diversifiée qui capitalise les autres atouts que sont l’électricité, les infrastructures, ce serait naturellement excellent.
Parce que s’il y avait des routes en Guinée, les touristes paieraient l’avion pour venir se balader en voitures et contempler les beaux paysages, la belle nature. La Guinée pourrait se positionner comme exportatrice de certains produits comme, la banane. Car, il y a des années toutes les bananes qui se mangeaient au Sénégal et au Mali venaient de la Guinée. Mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Si le pays pourrait retrouver cette étape ; je pense que l’émergence n’est qu’une question de temps, mais ça ne serait pas impossible.
Merci M. Kanté
Propos recueillis par Abdallah Baldé assisté de Oumar M’Böh pour Aminata.com
655351235/622624545
— conakrylemag