Nanfo Diaby dit « oui » pour la quatrième fois – en N’ko, bien sûr
Nanfo Diaby dit « oui » pour la quatrième fois – en N’ko, bien sûr
Lèdo (Siguirini), Guinée Dans un pays où les cérémonies de mariage peuvent parfois ressembler à des concours de DJ et de tenues brodées, celle de Karamo Nanfo Ismaïla Diaby avait un parfum singulier : un mélange d’encens traditionnel, de défi linguistique… et de foi en l’alphabet N’ko.
Oui, le célèbre imam de Kankan, évangéliste obstiné de la langue inventée par Solomana Kanté en 1949, s’est marié pour la quatrième fois ce week-end à Lèdo, un village de la sous-préfecture de Siguirini, dans la préfecture de Siguiri. Et comme on pouvait s’y attendre, l’union a été célébrée, annoncée et chantée dans un N’ko pur et sans concession. Pas une virgule d’arabe ni de français n’a perturbé la syntaxe locale.
Nanfo ou rien
Il faut comprendre : Nanfo ne fait rien comme tout le monde. Là où d’autres se courbent, lui se redresse. Là où les mosquées entonnent la prière en arabe classique, lui répond : « Pourquoi prier dans une langue que personne ici ne comprend ? »
Depuis des années, Karamo Nanfo Ismaïla Diaby fait figure d’ovni linguistique dans le paysage religieux guinéen. Ses prêches en N’ko lui ont valu arrestations, condamnations, exclusions des cercles religieux officiels et paradoxalement, une popularité grandissante. Car au-delà de la provocation apparente, il y a un message : revendiquer une foi enracinée dans la culture locale, une spiritualité qu’on comprend, qu’on parle, qu’on écrit.
Un mariage à l’image de son combat
Ce samedi, devant une foule bigarrée de curieux, de disciples et de badauds mi-sceptiques, mi-fascinés, l’homme à la barbe blanche soigneusement taillée a dit « oui » ou plutôt son équivalent en N’ko à sa nouvelle épouse. Le tout dans une ambiance chaleureuse, ponctuée de balafons et de colas partagés. Pas de micro-cravate, mais un message clair : « Je me marie comme je vis : en N’ko. »
Un griot a même glissé dans son discours : « Quatrième mariage, quatre piliers de l’islam, quatre roues pour avancer… que Dieu le guide ! » Rires dans la foule. Nanfo, lui, a souri. Il sait que chaque geste, chaque mot, est scruté, décortiqué, commenté. Et ça ne le dérange pas. Au contraire.
Un personnage qui intrigue
Derrière le religieux, il y a le militant. Un lettré qui a fait le choix de l’alphabet N’ko comme arme de résistance culturelle, face à l’uniformisation linguistique. « La langue, c’est le cœur d’un peuple », dit-il souvent. Et à l’écouter, on comprend qu’il ne s’agit pas juste de parler N’ko, mais de vivre en N’ko.
Son influence dépasse les cercles religieux. Dans plusieurs localités de Haute-Guinée, des jeunes s’inscrivent à des cours de N’ko. Des prêches circulent sur WhatsApp, rédigés dans l’alphabet compact et anguleux que peu de Guinéens maîtrisent, mais que Nanfo s’évertue à vulgariser, mariage après mariage.
Une célébration pas si anodine
À Lèdo, ce week-end, on ne célébrait pas juste une union. On assistait à une scène rare dans la Guinée contemporaine : un homme qui assume pleinement sa différence, dans un pays souvent tiraillé entre traditions, religion et modernité.
Et même si certains religieux grincent des dents (encore), Nanfo, lui, continue de tracer son chemin. Un peu imam, un peu professeur, un peu poète… et désormais, encore un peu plus marié.
— conakrylemag




