Satire à vue
On s’en foot !
La grande actualité sportive est sans conteste la 22e édition de la grand-messe du foot mondial ! Avec un cadre inédit, le Qatar, un émirat du Moyen-Orient.
Rien à voir évidemment avec les Cathares de la ville de Béziers qui, dans le sud de la France médiévale, avaient eu le malheur de provoquer le courroux du Saint-Siège, à cause de certaines pratiques jugées peu catholiques. Le légat du souverain pontife envoyé pour sévir, non pas contre l’ensemble de la communauté mais une poignée d’hérétiques, se trouva fort embarrassé lorsqu’il se rendit compte de l’impossibilité de distinguer les « bons » catholiques des « mauvais ».
Alors, à la tête d’une armée de croisés, il décida de ne pas faire de quartier et lança cette phrase devenue célèbre : « tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens » ! Au nom du pape de l’époque qui s’appelait …Innocent III !
Depuis, l’expression est fréquemment employée pour évoquer une situation où des personnes sont, indifféremment, visées par des sanctions de manière arbitraire.
Un peu à la manière dont la justice est administrée dans un certain bled, où le sens du discernement n’est pas le fort de ses soi-disant hommes forts.
Revenons à notre champ de bataille où évoluent des « tueurs » beaucoup plus sympathiques. Ceux qui sur un rectangle vert crucifient des gardiens de but, attaquent, contre-attaquent, tuent parfois le suspense dans un match ou l’espoir chez les adversaires.
À Conakry les férus du sport-roi ne sont pas toujours à la fête, ils éprouvent quelques difficultés à se mettre au diapason du Mondial qatarien. À cause notamment du retour des délestages que l’on pensait rangés à jamais dans le registre des mauvais souvenirs. C’est à croire que le président Alpha Condé est parti avec dans la besace une bonne partie de « son » courant électrique.
Mentalité de loser ?
Pourtant, à un moment où l’Etat-Spectacle ne divertit plus personne avec son « théâtre » ; alors que le panier de la ménagère, la bourse et les espérances des Guinéens sont en berne ; pendant que le procès du massacre de septembre 2009 vire à la monotonie ; le football, par sa magie, aurait pu être un exutoire efficace.
Et le fait qu’il faille compter sur la RTG, puisque les chaînes de sport de Canal plus n’ont pas les droits de retransmission, n’a rien de réjouissant. Outre les problèmes du « signal » qui peuvent se poser, comme ce fut le cas avec le match Sénégal – Pays-Bas, l’héritière de la « Voix de la révolution » pourrait éventuellement zapper n’importe quelle rencontre, aussi intéressante qu’elle puisse paraître, pour divers motifs « souverainistes » : discours du « seul maître à bord après Dieu », avalanche de décrets, etc.
Heureusement que sur le bouquet de la chaîne appartenant à l’empire médiatique de Bolloré, il y en a une qui retransmet beaucoup plus de matchs en direct, et avec des images plus nettes. Même si les commentaires sont faits dans la langue de Shakespeare, alors que, dans la plupart des cas, ceux qui s’agglutinent dans les cafés pour ne rien rater du Mondial ont déjà du mal à comprendre celle de Voltaire. Pourtant choisie comme langue officielle dans plusieurs pays de la Négritie, y compris le leur.
Mais ça, c’est une autre histoire.
En attendant, les joutes au pays de Nasser al- Khelaïfi (le boss du PSG) ont commencé à produire leurs premières sensations. À la satisfaction du plus grand nombre, la « Qatar-strophe » annoncée n’a pas eu lieu.
En Guinée, cela est presque devenu maintenant quelque chose de normal. Depuis la première édition de 1930 en Uruguay, notre Syli national n’a pas réussi à se qualifier pour une phase finale de la coupe du monde. Contrairement à des pays comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Togo ou encore l’Angola. Même à l’époque où le pays brillait dans les compétitions de clubs, avec le Hafia de Conakry, l’on n’est pas arrivé à briser ce qui s’apparente bien à un plafond de verre.
Et ça risque de ne pas être demain la veille, au regard de la crise que traverse actuellement le football guinéen. Pris en otage qu’il est par des « gourous » aux égos surdimensionnés et à la capacité de manipulation sidérante.
Après tout, puisqu’on dirait que tout le monde s’en foot…
À. Top Sylla
— conakrylemag