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Des critiques à la légitimité douteuse sur la Commission ad-hoc au CNT.

il faut jouer sa partition en s’évertuant à garder la ligne de l’objectivité.

Des critiques à la légitimité douteuse sur la Commission ad-hoc au CNT.
 
Le Président du CNT, Dr Dansa KOUROUMA a, par Arrêté A/2022/0040/PCNT/SGCNT du 8 juillet 2022, nommé les membres de la Commission ad-hoc chargée de l’élaboration d’un avant-projet de la nouvelle Constitution.
Depuis la publication de cette liste, les commentaires controversés sont de tel que l’organe central de définition et d’orientation stratégique de la transition, le CNRD, publie le communiqué n°0016/CNRD/2022, demandant au CNT de sursoir à toute activité allant dans le sens de la rédaction d’une nouvelle Constitution en attendant, dit-il, le rapport final des assises nationales.
 
Au regard des données factuelles, plusieurs interrogations s’entrecroisent. La question sur la signification d’une commission ad-hoc chargée de l’élaboration d’un avant-projet de la nouvelle constitution s’imbrique avec celle de la procédure de sa mise en place, sa composition ainsi que ses pouvoirs ? Cette première série de question n’est pas non plus sans lien avec celle de savoir si le communiqué du CNRD demandant au CNT de sursoir à toute activité allant dans le sens de la rédaction d’une nouvelle Constitution est conforme aux dispositions de la Charte ? Une telle question en cache une autre, celle des rapports entre le CNRD et le CNT dans l’élaboration de la nouvelle Constitution.
 
Sans doute les éléments de réponse qui pourraient être apportés à ces interrogations légitimes pourraient subir, en effet, les reproches habituellement portés à l’encontre de toutes analyses juridiques dans un contexte où le débat intellectuel tend malheureusement à se cristalliser. Mais plutôt que de s’obliger à la claustration intellectuelle pour éviter de se faire labéliser par la bien-pensance en rendant plus tranchant son glaive, il faut jouer sa partition en s’évertuant à garder la ligne de l’objectivité. Cela étant, revenons sur la commission ad-hoc à travers sa création (1), la procédure de sa mise en place (2), sa composition (3), ses pouvoirs (4) et insistons, pour compléter cette liste, sur les rapports en le CNRD et le CNT dans la mise en place d’une telle commission (4).
 
1 – Sur la création de la commission ad-hoc
Dans le cadre du constitutionalisme global, l’adoption d’une nouvelle Constitution suit des procédures classiques parmi elles, il y a la mise en place d’une commission ad-hoc de rédaction de l’avant-projet. Que l’initiative de l’élaboration de la nouvelle Constitution appartienne au Gouvernement (on se souvient de la jurisprudence du 19 décembre 2019) ou de l’organe législatif, dans tous les cas, une commission restreinte de spécialistes sera chargée de présenter un draft de constitution. Cette commission instituée au sein de l’organe compétent, peut se faire assister de personnes ressources. Elle est généralement appréciée par sa spécialisation parfois sa célérité et elle facilite des compromis rédactionnels. Elle souffre cependant d’une moindre légitimité en sens que ses membres ne sont pas désignés par le peuple au suffrage universel. Mais elle s’inscrit quand même dans la voie démocratique.
 
Il s’agit donc d’une commission ad-hoc car, contrairement à une commission permanente, elle disparaît après l’adoption de l’avant-projet qui ne devient d’ailleurs le projet de constitution qu’après son adoption en Conseil des ministres (initiative gouvernementale) ou en plénière (initiative parlementaire).
De ces premiers éléments d’analyse, le CNT s’inscrit dans cette voie classique en mettant en place une commission ad-hoc chargée de présenter un avant-projet de la nouvelle Constitution. Cela est d’autant plus vrai qu’il est l’organe désigné par la Charte pour effectuer cette mission. Dès lors, les débats semblent être moins portés sur la création d’une telle commission que sur la procédure de sa mise en place, sa composition ainsi que ses pouvoirs.
 
2 – Sur la procédure de création de la commission ad-hoc
C’est par un arrêté du Président de l’organe législatif qu’une telle commission est mise en place et non par un vote en plénière. Cela ne signifie guère que le Président désigne tout seul les membres de la commission. Son arrêté vient formaliser une liste voulue par l’une des instances de l’institution en l’occurrence la Conférence des Présidents. Par conséquent, la suprématie de la plénière ne signifie pas que toutes les décisions lui soient soumises par voie de vote. Certaines décisions prises par les instances qu’elle a elle-même mises en place ne lui donnent qu’un droit d’information.
 
Partant de cela, elle se doit de s’intéresser plus à l’aspect matériel que formel de ces décisions. Autrement dit, la plénière se doit de s’intéresser plus au résultat produit par la commission ad-hoc qui lui sera présenté pour approbation que par la procédure de la mise en place de celle-ci. Parce que, seul le texte proposé par cette commission provisoire n’aura valeur normative qu’après son adoption en plénière. Donc, la seule exigence ici est d’informer la plénière de la mise en place d’une commission ad-hoc.
 
3 – Sur la composition de la commission ad-hoc
D’abord, il faut convenir que cet aspect a fait l’objet de plus de commentaires controversés de sorte qu’on pouvait lire en filigrane le sentiment d’exclusion de certains commentateurs. Pourtant, il s’agit d’un comité restreint qui ne peut prévoir de place pour tout le monde. L’appel à candidature ne semble pas être non plus une exigence au regard de la réglementation. Sa composition relève donc de la seule discrétion du CNT en application des dispositions combinées des articles 57 et 60 de la Charte. Et le CNT fonctionne sur la base d’un Règlement intérieur qui prévoit des organes et instances qui décident de la création, de la composition ainsi que du fonctionnement d’une telle commission.
 
Ensuite, certains conseillers nationaux du CNT pourraient avoir le sentiment d’être exclus de la mise en place de la commission ad-hoc. Cela est compréhensible en vertu des dispositions de l’article 60 de la Charte fixant le nombre des conseillers nationaux du CNT à 81 membres choisis, parmi 13 millions de personnes, sur la base de leur compétence et leur probité. Cependant, il s’agit d’une commission restreinte qui ne peut avoir autant de membres. Certes, le choix peut paraitre délicat et pourrait même mettre en doute les critères de sélection. Et pourtant il faut choisir une dizaine de personnes dans une institution qui en compte 81.
 
Enfin, la mise en place de la commission ad-hoc n’exige pas qu’elle soit composée que des membres d’une commission permanente, en l’occurrence la Commission Constitution, Lois organiques, Administration publique et Organisation judiciaire du CNT. Certains commentaires laissent même entendre de l’inutilité de création d’une telle commission provisoire dans la mesure où il existe déjà une commission permanente qui prend en charge dans ses missions l’objet ayant justifié la création de la commission ad-hoc. Non, l’existence d’une commission permanente fût-elle constitutionnelle, ne pourrait empêcher la création d’une commission ad-hoc chargée d’élaborer un avant-projet de la nouvelle Constitution.
 
Une telle commission est nécessaire puisqu’elle doit être autonome à toute commission permanente même si elle intègre en son sein tous les membres de celle-là. Aussi, regretter l’absence de certains membres dans la commission ad-hoc, c’est quelque peu s’engoncer dans un raisonnement subjectif. Un tel raisonnement n’est pas de nature à rassurer que le fonctionnement de la commission puisse reposer sur le débat des esprits libres et non avec des acteurs qui négocient leur liberté d’action et qui ont des intérêts divergents chacun étant au service du rouleau compresseur des partis très structurés et soumis à une discipline partisane. De toute évidence, l’avant-projet retenu avec de tels acteurs est le fruit d’une transaction.
 
4 – Sur les pouvoirs de la commission ad-hoc
D’emblée, l’auteur de la future Constitution c’est le peuple guinéen qui jouit de sa qualité de pouvoir constituant originaire. C’est-à-dire le seul ayant le pouvoir d’élaborer la constitution. Souverain, le pouvoir constituant ne peut toutefois s’exprimer sans l’intermédiaire concrète des rédacteurs du texte constitutionnel que sont les 81 membres du CNT. Ces derniers ne pouvant également tous se réunir pour rédiger le texte, le confie à une commission ad-hoc qui ne dispose pas de pouvoirs propres. Elle n’est pas le titulaire du pouvoir constituant, même pas le CNRD encore moins le CNT, c’est plutôt tout le peuple guinéen qui en est le titulaire, parce qu’il est le seul titulaire de la souveraineté.
 
Les membres de la commission ad-hoc ont certes le privilège de tenir la plume et de proposer un texte au CNT. Seul le peuple guinéen dispose d’une plénitude de compétence pour adopter ou rejeter tout le projet par voie référendaire conformément aux dispositions de l’article 57 de la Charte. Donc, il ne s’agit pas d’un mode d’édiction unilatérale de la constitution dont on laisse croire à l’opinion faisant ainsi un faux procès au CNT, à son Président et à certains membres de la commission ad-hoc.
 
D’ailleurs, faut-il rappeler qu’avant son adoption définitive, la future constitution va devoir se soumettre à plusieurs filtres. D’abord, un avant-projet élaboré par la commission ad-hoc sera examiné, discuté et adopté par le CNT. Une fois adopté, il devient le projet de constitution soumis à l’approbation du pouvoir exécutif qui en examinera avant de l’envoyer au CNRD, l’organe central de la transition. Ce dernier y portera son appréciation avant de l’envoyer au Président de la Transition qui en fera de même avant de le soumettre au peuple par voie référendaire. À la réception par le peuple, un temps nécessaire est observé pour sa vulgarisation avant de décider s’il est à adopter ou à démettre. On voit clairement qu’il s’agit d’une chaine dont chaque maillon s’oblige d’imprimer une rigueur particulière en se caractérisant par son autonomie et en jouant chacun un rôle essentiel dans le cycle de la production du nouvel ordre constitutionnel. À l’issue du processus, la Constitution qui en sortira aura le mérite de ne pas être taillée sur mesure étant donné qu’elle requerrait l’adhésion de chaque guinéen mais aussi et surtout l’engagement de tous les Guinéens.
 
5 – Sur les rapports entre le CRND et le CNT dans la mise en place d’une commission ad-hoc
D’emblée, le CNT n’a pas à se référer au CNRD dans la mise en place d’une commission ad-hoc au regard des dispositions de l’article 57 de la Charte qui fait de lui l’organe compétent d’élaborer le projet de la nouvelle Constitution. Dès lors, le communiqué du CNRD demandant au CNT de suspendre toute activité allant dans la rédaction de la nouvelle Constitution semble trouver son explication dans son statut d’organe central de définition et d’orientation stratégique de la Transition que lui confère l’article 37 de la Charte.
 
De ce qui précède, le rapport entre ces deux organes de la transition devrait être compris comme visant à faciliter l’élaboration de la nouvelle Constitution qui est l’un des chantiers où le régime transitoire serait le plus attendu ; parce qu’il s’agit de la norme fondamentale qui permettra de définir la légalité et la légitimité des gouvernants, la nature du régime politique auquel désormais sera soumis le peuple guinéen. C’est elle aussi qui déterminera l’organisation et le fonctionnement du pouvoir ainsi que les rapports entre les gouvernants et les gouvernés ; qui définira les différents organes de l’État selon le principe de séparation des pouvoirs permettant d’écarter l’arbitraire, en garantissant les droits fondamentaux des Guinéens dans un État de droit.
 
Donc, les attentes de la future Constitution sont autant plus légitimes que c’est elle qui devrait permettre de garantir à chacun le respect de ses droits, d’accorder à chacun le droit de faire entendre sa cause devant un tribunal indépendant. En définitive, c’est à la Constitution de structurer le vivre-ensemble guinéen, c’est-à-dire la formalisation normative du contrat social guinéen afin d’éviter une nouvelle transition.
 
Mais qu’à cela ne tienne, au regard des dispositions de l’article 57 de la Charte, seul le CNT a la charge d’élaborer le projet de la nouvelle constitution et de le soumettre pour adoption, par référendum.
 
Dr Kalil Aissata KEITA
Enseignant chercheur
Secrétaire général adjoint du CNT
PAR CONAKRYLEMAG.COM

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