Vague de Poursuites Judiciaires à Nzérékoré: Transparence ou Chasse aux Sorcières Politique?
La récente initiative judiciaire visant une dizaine de maires dans la préfecture de Nzérékoré soulève des vagues non seulement au sein de l’administration locale mais aussi à travers le spectre politique et social guinéen. Sous l’égide du ministre de la Justice, Alphonse Charles Wright, cette action marque un tournant potentiellement décisif dans la lutte contre la corruption et le détournement de fonds publics. Cependant, elle ouvre également le débat sur l’équilibre entre la nécessité de la transparence et le risque d’une instrumentalisation politique de la justice.
Le substitut du procureur près le tribunal de première instance de Nzérékoré, Mamadou Hady Diallo, affirme que l’enquête, lancée suite à l’injonction du ministre Wright, est irréversible et vise à faire la lumière sur les agissements des maires et gestionnaires financiers de la région. Cette démarche, bien que louable dans son essence, interpelle par son ampleur et sa cible : les élus locaux et les administrateurs publics, tous placés sous un même voile de suspicion.
La directive du ministre Wright, qui a provoqué une polémique notable avec Docteur Bernard Goumou, souligne les tensions latentes au sein du gouvernement et entre les différentes strates de pouvoir. Les échanges de lettres entre les deux hommes, devenus publics, témoignent de divergences profondes sur la manière de gérer les affaires publiques et la lutte contre la corruption.
Cette situation à Nzérékoré pose plusieurs questions fondamentales. D’une part, l’initiative peut être perçue comme un pas en avant vers une gouvernance plus transparente et responsable, signalant aux citoyens et à la communauté internationale que la Guinée s’engage fermement contre la corruption. D’autre part, elle pourrait être interprétée comme une manœuvre politique visant à écarter ou à intimider des figures locales potentiellement gênantes pour le pouvoir central.
La distinction entre action judiciaire légitime et exploitation politique est fine mais cruciale. La justice doit opérer de manière indépendante, sans influence ni pression extérieure, pour que son verdict soit non seulement légal mais également légitime aux yeux de la population. La présomption d’innocence, principe fondamental rappelé par Diallo, doit être le phare guidant l’enquête, assurant que chaque individu est traité équitablement et que les décisions sont prises sur la base de preuves irréfutables.
Le défi pour Nzérékoré, et par extension pour la Guinée, est de naviguer ces eaux troubles sans sombrer dans une chasse aux sorcières qui pourrait miner la confiance des citoyens dans leurs institutions. La transparence de l’enquête, la communication ouverte sur ses avancées et la garantie des droits de la défense sont essentiels pour maintenir l’équilibre délicat entre justice et politique.
En définitive, cette vague de poursuites judiciaires à Nzérékoré doit être scrutée avec attention et discernement. Elle représente une opportunité pour la Guinée de renforcer son engagement envers une gouvernance intègre et responsable. Toutefois, elle doit veiller à ce que cet engagement ne se transforme pas en outil de répression ou de manipulation politique, ce qui ne ferait que creuser les divisions et éroder davantage la confiance publique dans le système judiciaire et politique du pays.
Par Oumar Sylla pour conakrylemag.com
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