Tanatè ? Et les bovins ? Et les caprins ? La Var se porte bien ? Koro Alpha a-t-il quitté l’Allemagne ? Kesso Diallo et son mur des lamentations ? Bon je vois que tout le monde se porte comme un charme. Mais moi non.
Bon Dieu, qu’est-ce qu’il fait frisquet dans ce pays avec la saison des pluies ! J’aurais bien voulu affronter la période au chaud, sous une couverture moelleuse. Mais, je suis obligé de me contenter de mes 16 tôles sans plafond. Je ne vous dis pas comment je suis congelé. Je grelote sans espérer la moindre chaleur humaine ou intérieure. Même si j’essaie de me réchauffer chaque soir avec une Guiluxe chaude, cela ne suffit pas à contenir ce froid glacial qui me pénètre de partout. Je comptais me construire une bonne maison au moins avant de partir à la retraite.
Pendant longtemps, j’ai rêvé d’achever ma carrière dans de meilleures conditions que je ne l’ai vécu. Hélas! Plus le temps avance, plus je me rends compte que ce n’est qu’une grosse illusion. Mon sort est un peu comparable à celui du Syli national qui n’arrive jamais à réaliser son rêve de champion d’Afrique. Et moi, je ne voulais même pas devenir champion, mais simplement m’assurer une bonne fin du dernier match de ma vie.
Je n’ose même pas croire que j’atteindrai les 60 ans d’âge requis pour un salarié sans le sou comme moi. Il y a tellement de raisons de ne pas vivre longtemps dans ce pays de galère. Là où je ne suis même pas sûr de passer cette période de froid. Si j’y arrive, il va falloir aussi affronter le variant delta. Avec la quantité de poussière que j’ingurgite entre ma piaule et mon bureau, c’est mon espérance de vie qui s’évapore chaque jour un peu plus.
En plus, je dois aussi trouver les moyens de traverser sain et sauf la chaleur d’avril. Avec des changements climatiques qui ont tout gnagami, il faut peut-être s’attendre, cette année encore, à pire qu’un simple déluge du 1er septembre.
Quand je pense à toutes les saloperies qui peuvent vous faire perdre la vie dans ce pays, je me demande parfois si Dieu n’a pas commis une erreur en me faisant naître ici. Mais lorsque je me retrouve au comptoir d’un maquis paisible, caressant tranquillement une bouteille de Guiluxe transpirante, il m’arrive aussi de relativiser mes regrets. Rien qu’en imaginant être né à Haïti et traînant ma bosse quelque part à Port-au-Prince. Même s’il y a par ici trop de faux-types, de gnoleurs, de go escrocs et des angoisseurs de tout acabit, je suis peut-être encore mieux à Conakry. Tanatè ?