Incroyable, la marée noire est arrivée jusqu’à Conakry. Devant la porte de ma cabane même. Je ne vous mens pas. Dans l’indifférence générale, un coin de Conakry s’est transformé en plage espagnole, puant le pétrole à un kilomètre à la ronde.
L’autre matin, quand j’ai vu les galettes noires mélangées au sable de mon carrefour, je me suis dis que je devrais baisser un peu ma consommation de mousse. Je vieillis et mes yeux commencent à voir des trucs qui n’existent pas. C’est grave ! Une marée noire à Conakry ? C’est impossible. Eh bien, non, mes amis. Car ici, nous avons pire que des pétroliers géants. Nous avons des abrutis de classe internationale, des connards dont la bêtise est aussi lourde qu’un super tanker. Mon voisin d’en face est l’un de ces experts ès conneries. Seul coupable en vérité de cette infâme pollution.
Ce monsieur en avait marre de voir des mendiants et des petites vendeuses d’arachide s’arrêter contre le mur de ma bicoque pour profiter de l’ombre du vieux manguier qui est planté dans ma cour. Monsieur n’aime certainement pas les pauvres. Ce qui équivaut à n’aimer personne – ou presque – dans ce pays de misère. Alors monsieur, à la nuit tombée, est venu en douce déverser dix litres de gas-oil contre mon mur. Comme ça personne ne peut plus venir se reposer à l’ombre du manguier. Tout est gluant et sent le carburant à en vomir!
Je ne suis pas allé le voir directement. Cela m’a évité de tuer ce criminel sur le champ. J’ai fait comme lui. J’ai travaillé en catimini. Je suis allé au télécentre pour le dénoncer à la SEG expliquant qu’il polluait la flotte. La SEG, qui m’a fait mille misères, a, cette fois, été à la hauteur. Ils sont venus le voir et lui ont coupé illico la flotte. Trois jours plus tard, monsieur, qui a compris mais un peu tard qu’il ne pouvait pas vivre sans les autres, est venu chez moi pour me demander un seau d’eau. Et je lui ai dit d’aller boire l’essence de sa voiture. Enfoiré !
PAR CONAKRYLEMAG.COM
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