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Lettre ouverte au Premier ministre Kassory Fofana (Tob Baldé)

Monsieur le premier ministre, en écoutant votre discours d’hier; j’ai eu l’impression d’entendre un chef du gouvernement impuissant, inconséquent et inconscient.

Ainsi les discours au moment des crises politiques ponctués de propositions des solutions et des actes concrets semblent être désuets et sans importance particulière. Aujourd’hui on attend plus du premier ministre chef du gouvernement : des lignes de conduite, des canevas dans lesquels tout le peuple peut s’y retrouver et trouver sa place. Depuis votre arrivée à la primature et en revisitant tous vos discours; on en a entendu des litanies et des chapelets de promesses.

Ce fut un long laïus sans saveur, soporifique au cours duquel vous n’avez eu de cesse de vous poser en Roméo, en victorieux sur les hauts-faits depuis votre arrivée à ce poste. Parmi vos semblants de forfaits : autorité de l’Etat et vous vous êtes ingénié à égrener un chapelet des mesures qui, pour l’essentiel, sont théoriques sinon illusoires.

Presque figé derrière le micro, vous sembliez très affecté par la situation de crise que traverse notre pays. Vous vous êtes lancé dans une longue litanie des mesures théoriques et illusoires, apparaissant ainsi comme le champion de la fermeté tant attendu par les Guinéens. Or, derrière l’ivresse des mots, se cache la dureté des faits. Depuis votre arrivée à la primature, aucun autre pays ne se sera autant fourvoyé que le nôtre sur les chemins de l’errance et de la gérance hasardeuse. Où sont vos priorités Monsieur le premier ministre ? Pourquoi voulez-vous que les Guinéens respectent l’autorité de l’Etat alors que vous êtes le premier à désacraliser nos lois ?

Monsieur le premier ministre,

Aujourd’hui, le monde entier vous regarde ! La Guinée et les Guinéens vous regardent ! Votre attitude méprisante et divisionniste ne rassure pas les Guinéens. Vous n’êtes pas le premier ministre d’une catégorie des personnes mais celui de l’ensemble des Guinéens. Les Guinéens attendent beaucoup plus que des promesses fallacieuses et des discours va-t-en guerre ; ceux-ci attendent des actes forts et des directives fermes et sincères, des bases et des fondements solides pour le vivre ensemble et le développement de la Guinée et ceci plus dans le domaine sociétal.

Le développement n’est pas seulement celui basé sur des soubassements économiques il y aussi ceux sociétaux. Dans ce domaine vous n’avez aucun bilan. Les pays émergents aujourd’hui comme hier sont ceux-là mêmes qui ont puisé dans leurs vertus cardinales l’essence de leur développement. Une maison sans fondements, peut-elle tenir debout Monsieur le premier ministre ? Aussi la Guinée n’est pas seulement des « opportunistes ». Elle est celle de tous les Guinéens patriotes et qui se soucient de l’avenir de notre cher pays.

Pendant tous vos discours précédents, vous étiez figé dans une posture de « grand rassembleur » et de « grand réconciliateur », sans trop se risquer à préciser autour de quelles valeurs, de quel projet de société vous vouliez rassembler les Guinéens précisément.

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Or, que vous le vouliez ou pas, les Guinéens attendaient autre chose que ça. Changement oui mais avec qui et dans quel sens ? La réponse à ces questions tarde à venir et la pratique politique en Guinée ne finit pas de désorienter plus d’un. Il ne suffit pas seulement de lancer cette idée de changement qui est dans la bouche de chaque politicien mais il faut donner l’exemple. Les Guinéens ont besoin de repères, ils ont besoin qu’on leur donne les conditions pour réussir. On a besoin des acteurs qui redonnent des marges de manœuvre au processus démocratique face aux marchés et à la contrainte budgétaire, sans pour autant engager la Guinée dans l’aventure sans lendemain.

Deux ans après votre nomination à la primature, devant l’enlisement de votre politique de luttes contre les biens mal acquis, la corruption et le détournement des deniers publics qui ne donnaient pas les résultats escomptés et votre refus d’appliquer les conclusions des accords politiques du 12 octobre 2016 devant permettre l’organisation des élections législatives avant celles des présidentielles de 2020, l’indemnisation des victimes des différentes manifestations pacifiques, l’identification et la traduction des coupables devant les tribunaux…, je disais que « deux ans sont vite passés » car je ne voyais aucune issue à votre politique.

Monsieur le premier ministre,

Vous aviez fait le pari que votre gouvernement ne serait pas comme les autres. Mais à l’allure des choses, le risque que soyez le pire des premiers ministres que la Guinée ait connu n’est pas à écarter. À travers vos agissements anti-démocratiques, en affirmant que vous et votre gouvernement, êtes doublement d’accord sur la nécessité de doter la Guinée d’une nouvelle constitution qui pourrait permettre au président Alpha Condé de s’octroyer une présidence à vie, vous engagez la Guinée inexorablement dans des lendemains incertains.

Si vous pensez que les Guinéens sont prêts à avaler d’autres couleuvres en se disant tout simplement on n’aura pas pire, vous vous trompez éhontement d’époque. Pour être un premier ministre rassembleur, il faut un plus, un dénominateur commun à tous les Guinéens. Vous ne vous désolez pas du désarroi et de la réticence des Guinéens face à vos projets souvent mal ficelés et des erreurs de matérialisation, réticence que vous considérez comme une allergie aux changements de la part des Guinéens.

Aujourd’hui, si la fonction du premier ministre a été réduite à sa plus simple expression, le pouvoir que vous servez est en grande partie responsable. Comment voulez-vous qu’on respecte cette fonction si vous êtes le premier à violer les lois de la république.
« La patrie ou le parti présidentiel » il est temps de choisir. Vous ne pouvez être premier ministre de votre parti le RPG et être exempt de toutes polémiques politiciennes. Chaque jour que Dieu fait la presse sort un papier sur les dérives au sein de votre gouvernement qui est devenue un haut lieu des détournements et de corruption pour des intérêts bien particuliers.

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Monsieur le premier ministre,

La Guinée pour se développer a besoin de rêver. Vous devez « réenchanter le rêve guinéen ». Pour ne pas être un premier ministre par défaut ou au rabais, l’heure, en tout cas, n’est plus au lyrisme. Les envolées incendiaires et mesquines contre la crise socio politique que traverse notre pays ne suffiront pas. Il ne vous reste que moins d’une année pour réaliser des réformes jugées indispensables mais peu populaires. C’est le moment de donner aux Guinéens un souffle nouveau en forgeant les bases d’une « autre Guinée ».

Mais pour cela vous semblez vouloir concilier « rigueur » et « amateurisme », ce qui a beaucoup dérouté les Guinéens, depuis que vous êtes arrivé à la primature. Monsieur le premier ministre, la Guinée n’est pas seulement celle des « opportunistes », elle est aussi celle de tous les Guinéens patriotes, compétents. Il vous faudra plus de clarté et de netteté dans la prise de décision pour que les Guinéens comprennent où vous voulez les mener. Une chose est sûre, il n’y aura plus de faux-fuyant possible dans le flou et les demi-mesures. Les Guinéens sont aguerris et vous feront payer le prix fort le moment venu.

Finalement, l’expérience de votre nomination aux manettes de la primature semble plus proche d’un choix par défaut que d’autre chose. Au rythme où vont les embardées et les sorties de route de votre gouvernance il est fort probable que vous avez d’ores et déjà hypothéqué toutes vos chances d’avoir un jour un destin présidentiel. C’est là que résident le gâchis et la tristesse car, malgré votre valeur intrinsèque et réelle, on risque de se rappeler de vous comme un simple accident de l’histoire de la Guinée.

D’ici là, sauf retournement de situation spectaculaire, les Guinéens pourront toujours s’apitoyer sur leur sort en voyant leur rêve incarné par votre gouvernance se briser. Car vous étiez promis à un destin phénoménal et qui risque d’avorter dans la mesure où en dépit de toutes les dispositions favorables que vous avez eues à portée de main, vous n’avez pas pu ou su, au moment fatidique, transformer l’essai.

Monsieur le premier ministre, c’est le moment où jamais de rectifier le tir.

TOB BALDÉ depuis Paris

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