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L’or, pilier de l’économie guinéenne : entre rente et dépendance

L’or, pilier de l’économie guinéenne : entre rente et dépendance

Au premier trimestre 2025, l’or a représenté 1,38 milliard de dollars, soit 53 % des exportations minières guinéennes. Un bond rendu possible par l’envolée du prix du métal, mais qui souligne cruellement la fragilité d’un modèle économique fortement tributaire des ressources naturelles. Plongée au cœur d’un système minier potentiellement moteur, mais qui peine à se transformer en levier durable de développement.


gold and black metal toolContexte et chiffre clés : l’or, valeur refuge

La domination de l’or

Sur la période de janvier à mars 2025, les exportations minières guinéennes ont totalisé 2,58 milliards de dollars, dont 1,38 milliard liés à l’or, soit près de 53 % du total. En dépit de la croissance de la bauxite (1,17 milliard USD, soit environ 45 % du chiffre), l’or demeure l’actif le plus lucratif, nourri par un prix moyen de 2 863 USD l’once, contre environ 2 072 USD en 2024.

Dynamique 2024 vs 2025

En comparaison, sur le premier trimestre 2024, les exportations d’or s’élevaient à environ 1 milliard USD, et celles de la bauxite à 917 millions USD (EITI). Le total des exportations de biens avait atteint 2,12 milliards USD, dont seulement 58 millions USD pour les produits agricoles.

Diversification quasi nulle

Les produits miniers ont constitué 88,5 % de la valeur totale des exportations, témoignant d’un tissu exportateur extrêmement peu diversifié. L’agriculture, malgré un léger rebond, ne contribue qu’à une fraction marginale. Globalement, les biens exportés totalisent 2,92 milliards USD au T1 2025, contre 2,12 milliards au T1 2024 (EITI).


Analyse macro : forces, fragilités, vulnérabilités

L’or : un actif refuge

L’« or de Guinée » bénéficie pleinement de la hausse mondiale des cours, notamment stimulée par l’incertitude financière et la demande des banques centrales. Le prix moyen de tranche au-delà des 2 860 USD/once rend ces exportations particulièrement rentables.

Une dépendance méthodique

Le fait que l’or et la bauxite pèsent à eux seuls plus de 90 % des exportations expose le pays à deux risques majeurs :

  • Chocs de prix des matières premières sur les marchés mondiaux ;
  • Pressions réglementaires ou contractuelles sur les producteurs, susceptibles d’interrompre les flux.
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Le cas bauxite : croissance spectaculaire, dépendance chinoise

La bauxite guinéenne connaît un essor fulgurant : 48,6 millions de tonnes exportées au T1 2025, soit une hausse de 39 % par rapport à la même période 2024 . Sur le premier semestre 2025, la progression atteint 99,8 millions de tonnes (+36 %), majoritairement destinées à la Chine, qui absorbe plus de 60 % des volumes via des firmes comme SMB, Chalco, CDM‑CHINE, SPIC (Miningmx). Dans ce contexte, la Guinée pourrait atteindre près de 199 millions de tonnes de bauxite exportées sur l’année entière, contre 146 millions en 2024.


Infrastructures et projets majeurs : vers une croissance structurelle ?

Simandou : l’espoir du basculement

Le projet Simandou, situé dans la région de Nzérékoré, est promis à devenir l’un des plus vastes gisements de fer au monde – 2,4 milliards de tonnes à 65 % de fer. Après des années de blocages, le consortium WCS (Winning Consortium Simandou) et Simfer (Rio Tinto‑Chinalco) prévoit des premières expéditions dès 2025, via un corridor ferro‑portuaire de 622 km. À pleine capacité, le site pourrait exporter jusqu’à 95 millions de tonnes par an, majoritairement vers la Chine.

Ce projet inclut la construction de nouveaux rails (Transguinean Railway) et d’un port en eau profonde à Matakong ou Morebaya. Il représentera un investissement global estimé à 17 milliards USD .

Modernisation portuaire

Pour décongestionner les anciens ports (notamment Kamsar), la Guinée a mis en service des ports alternatifs comme Dapilon/Katougouma et Kokaya. Ainsi, entre janvier et mars 2025, 312 navires ont chargé de la bauxite à partir de Conakry, contre 255 pour la même période en 2024 (Or Noir Africa). La diversification des infrastructures a donc permis d’absorber l’expansion des volumes exportés.


4. Fiscalité, gouvernance, et retombées nationales

Un cadre fiscal fragile

Selon l’EITI, l’or artisanal bénéficie d’une suspension de la taxe d’exportation depuis juillet 2016, favorisant les volumes mais limitant les revenus publics directs (EITI). Par ailleurs, en 2024, les recettes fiscales liées au secteur minier ont représenté 17 % des recettes de l’État, mais seulement 20 % du PIB et 6,5 % de l’emploi (EITI).

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Faible mobilisation fiscale globale

D’après la Banque mondiale, la Guinée affiche un taux de mobilisation fiscale très bas : environ 12,8 % du PIB (2016‑2023), loin du seuil recommandé de 15 % pour financer l’investissement public structurant (Banque Mondiale).

Transparence et défis réglementaires

Le pays s’est engagé dans la transparence via l’EITI, rendant public le cadastre minier et les contrats, un exemple rare en Afrique (EITI). Toutefois, l’application de normes sociales, fiscales ou environnementales reste hétérogène : certains opérateurs internationaux peinent à se conformer aux délais de construction de raffineries ou aux audits imposés.


5. Enjeux stratégiques : vers une diversification conditionnée

Les risques d’un modèle en or

  • Volatilité des cours : un prix du métal à la hausse profite aujourd’hui, mais les fluctuations peuvent rapidement inverser la tendance.
  • Facteur climatique et géopolitique : le changement climatique ajoutera des contraintes logistiques ; la stabilité politique reste un paramètre incertain.
  • Concentration des exportations : l’absence de diversification aggrave l’exposition aux crises sectorielles.

Simandou comme possible pivot

L’industrialisation du fer pourrait transformer la structure économique si :

  • la fiscalité est profondément réformée, avec une participation accrue des ressources exportées à la redistribution ;
  • une partie des recettes est réinvestie dans l’agriculture, l’énergie ou les PME, pour diversifier le tissu productif ;
  • des industries de transformation minière sont développées in‑country, afin de capter davantage de valeur ajoutée locale.

6. Perspectives macroéconomiques (moyen terme)

Croissance et comptes publics

Selon la Banque mondiale, la croissance guinéenne a atteint 5,7 % en 2024, tirée autant par l’exploitation minière que la reprise du secteur non minier. La croissance devrait atteindre les “bas deux chiffres” dans les années à venir, en corrélation avec le démarrage des exportations de Simandou (Banque Mondiale).

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Les projections du FMI / Banque mondiale indiquent une réduction progressive du déficit budgétaire jusqu’à une dette durable (~37 % du PIB en 2027) et une réévaluation des comptes courants, notamment grâce à l’arrivée de nouvelles exportations massives (fer), plus stables en volume que l’or (The World Bank, Banque Mondiale).

Inclusion et pauvreté

Malgré la bonne santé économique, la pauvreté reste répandue : 52 % de la population vit sous le seuil de 3,65 USD/jour (2017 PPP). Entre 2019 et 2024, 1,8 million de Guinéens ont plongé dans la pauvreté, soulignant les limites d’un modèle centré sur les monopoles miniers (Banque Mondiale).

Des leviers comme l’agriculture, les services digitaux ou l’industrie légère pourraient constituer des relais de croissance inclusive, à condition d’investissements publics ciblés et d’un encadrement fiscal renforcé.


Valeur refuse

La période récente confirme que l’or reste la valeur refuge de l’économie guinéenne, capable de générer une part majoritaire des revenus d’exportation, notamment grâce à l’envolée des prix mondiaux. Cependant, cette dépendance extrême rend le pays vulnérable aux secousses des marchés de matières premières.

Sur le plan structurel, la bauxite confirme sa seconde place avec une croissance spectaculaire, mais sous la domination grandissante de la Chine. Le lancement imminent du projet Simandou offre l’espoir d’un basculement vers une diversification significative, à condition qu’il soit accompagné de réformes fiscales, de retombées industrielles et de politiques inclusives.

Enfin, pour transformer ce potentiel en prospérité durable, la Guinée devra impérativement consacrer une partie de ses revenus à la diversification économique, renforcer sa mobilisation fiscale, promouvoir la transformation locale de ses ressources, et optimiser les retombées sociales et environnementales.


 

 

PAR CONAKRYLEMAG.COM

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