La Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) et sa branche malienne ont condamné mardi l’exécution de six civils le 21 mai, après la reprise d’une localité du nord du pays par les forces progouvernementales.
La Mission de l’ONU au Mali (Minusma) avait annoncé le 22 mai l’envoi d’«une équipe d’enquête» à Tin Hama (nord), après avoir reçu signalement de «violations graves des droits de l’Homme et du droit international humanitaire, dont l’exécution», la veille, «d’un certain nombre de civils».
Le gouvernement malien avait rejeté toute implication, évoquant des «règlements de comptes sanglants entre des éléments de groupes armés» locaux après une attaque le 20 mai de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA, rébellion à dominante touareg), qui avait tué trois civils avant d’être repoussée par son armée, selon lui.
Dans un communiqué, la FIDH et l’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH) disent avoir obtenu confirmation que «six personnes civiles, dont un humanitaire, ont été exécutées le 21 mai à Tin Hama» à la suite d’affrontements opposant la CMA «aux forces armées maliennes et au Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés» (Gatia, progouvernemental).
La FIDH et l’AMDH appellent les belligérants au respect du droit international et «le gouvernement à mener des enquêtes impartiales afin de saisir la justice et juger les auteurs de ces crimes».
Rappelant que la CMA et Bamako se sont renvoyé la responsabilité des exactions à Tin Hama, elles soulignent que «certains de ces décès seraient des exécutions sommaires et extrajudiciaires de personnes civiles qui constitueraient par conséquent des crimes de guerre dont les auteurs devraient être poursuivis par la justice malienne et le cas échéant la Cour pénale internationale».
«Les combats de Tin Hama ont par ailleurs engendré le déplacement d’au moins 30 familles issues notamment de la communauté Kel Essouk», une tribu touareg, selon le texte.
Selon un «témoignage des familles des victimes» diffusé par le site d’information Siwel, qui se présente comme une agence kabyle (touareg d’Algérie) d’information, le Gatia avait tenté en avril de recruter dans la population de Tin Hama, mais s’était heurté au refus des Kel Essouk.
D’après ce récit extrêmement détaillé publié la semaine dernière, qui n’a pu être vérifié de source indépendante, trois personnes ont été tuées à Tin Hama, dont deux civils, lors de l’assaut de la CMA le 20 mai contre les groupes progouvernementaux.
Après le retrait des rebelles, des hommes armés, dont des combattants du Gatia, auraient sommé les Kel Essouk de quitter la localité puis appréhendé de force, tôt le 21 mai, six jeunes de cette communauté, dont un mineur et un employé d’Action contre la faim (ACF)-Espagne, selon le texte.
Les six captifs ont été conduits jusqu’à la mare de Tin Hama, où ils ont été «ligotés avec leurs turbans», puis exécutés à l’arme automatique, selon la même source, ajoutant qu’à la suite de ces exactions et de «menaces et intimidations persistantes», les familles Kel Essouk ont quitté Tin Hama pour se réfugier au Niger voisin.
La reprise des combats depuis plus d’un mois dans le nord du Mali entre groupes armés rebelles et progouvernementaux a provoqué le déplacement de quelque 57 000 personnes, fuyant les violences ou le recrutement forcé, portant à 100 000 le nombre de déplacés à l’intérieur du pays, a annoncé le 29 mai le Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR).
Après la déroute de l’armée face à la rébellion, d’abord alliée à ces groupes qui l’ont ensuite évincée, le nord du Mali était tombé en 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda, qui s’étaient livrés à de nombreuses exactions.
Les djihadistes en ont été en grande partie chassés par une opération lancée en janvier 2013 à l’initiative de la France, durant laquelle des militaires maliens avaient également pratiqué la torture et procédé à des exécutions sommaires, selon des journalistes sur le terrain et des organisations de défense des droits de l’Homme.
Aujourd’hui, des zones entières du Nord échappent toujours au contrôle de l’État comme des forces de l’ONU.
— conakrylemag