Dites-moi, vous avez déjà couru dans Conakry après un mec qui vous doit des sous ? Sûrement. On peut pas y échapper. Dans notre belle cité, cavaler après le débiteur est un classique du sport comme le football.
Bantama Sow devrait organiser une coupe : la coupe des dettes et débits. C’est un sport d’endurance. Et il n’est pas dit qu’à cette course de fond-là, les Guinéens ne soient pas meilleurs que les Kenyans. J’aurais peut-être une médaille car je m’entraîne dur.
Un an que je cavale derrière un chèque de 100.000 balles et un champion de la feinte !
Le suivre, c’est une compétition, des litres d’essence et de sueur, des coups de téléphone et des rendez-vous manqués. Le mec est souriant et culotté. Le genre de type qui vous dit, vis-à-vis, qu’il a oublié son chéquier avec le ton convivial du gars qui vous en raconte une bien bonne. C’est un genre. Moins grave que le mesquin fuyant; tout aussi rusé mais que l’on ne voit jamais. Quand on arrive chez lui pour réclamer, il dort.
En tout cas, c’est son fiston qui le dit. Il a raison de dormir. Dans son salon, j’hésite et il le sait, assis sur son lit. Si je le réveille, c’est lui qui a une raison de m’engueuler. Alors que, il y a cinq minutes, c’était moi qui étais venu pour le chauffer.
Personne ne paye à l’heure dans ce pays alors que tout le monde ou presque porte une montre. Ou alors les dettes se règlent en fractions. Doni doni. Tu reçois une pension de 500 francs par mois pendant cent ans. Tu es déjà mort que ta famille reçoit encore des billets froissés en petites coupures.
Même la France qui vient de revaloriser les anciens combattants paye plus vite que tous les faux types qui se bousculent en ville.
Et si je faisais comme mon débiteur farceur ? Demain, je paye ma Guiluxe en pièces détachées. D’abord l’étiquette, quatre jours plus tard la capsule et, à la fin du mois, le reste de la bouteille. Et aussi mon riz sauce à crédit, grain par grain.