Le 16 mars dernier, alors qu’il se rendait à Abidjan pour participer aux obsèques du Premier ministre ivoirien, Hamed Bakayoko (HamBak), le principal opposant guinéen s’est vu empêcher de prendre l’avion à l’aéroport de Conakry. Sur-le-champ, son passeport lui a été retiré.
L’opposant, Cellou Dalein Diallo, expliquera plus tard que l’Internationale libérale dont il est le vice-président, l’avait mandaté pour représenter l’organisation à ces obsèques et porter son message de condoléances au président Alassane Dramane Ouattara (ADO), à sa famille politique, le RHDP, ainsi qu’à la famille du défunt. Et quid des relations personnelles qui existaient entre les natifs du Fouta et de Séguéla ?
Toujours est-il que ce n’est pas la première fois que le poil à gratter du régime de Conakry, est empêché de quitter la capitale dans des circonstances douloureuses similaires. Son élan de solidarité et de compassion avait été, en effet, stoppé net quand il avait entrepris d’aller présenter ses condoléances aux familles éplorées des deux illustres disparus, Soumaïla Cissé, Chef de file de l’opposition malienne, et Amadou Gon Coulibaly, Premier ministre de Côte d’Ivoire.
Faut-il y voir un acharnement du pouvoir guinéen et le signe de l’exécrabilité des rapports entre Alpha Condé et son principal opposant ? C’est fort probable. On pourrait même y voir de la hargne ! Jusqu’où ira-t-elle ? Que Dalein Diallo continue de sortir par les trous du nez du Pr Condé, passe encore ! Mais qu’en ces moments de deuil national ivoirien où la tendance devrait plutôt être à la trêve, le locataire du palais Sékhoutoureyah refuse de remettre l’épée au fourreau, c’est malsain. C’est une honte pour le pouvoir guinéen ! Tellement infâme que l’affaire semble avoir embarrassé les tenants du pouvoir qui disent n’être pas au courant de l’incident. De qui se moque-t-on ? Si tout cela relève du mensonge, que l’opposant soit donc vite autorisé à reprendre son avion.
Alpha Condé ne semble pas « rassasié » de vengeance
C’est connu : ailleurs et en Afrique surtout, le deuil est un moment de recueillement et de rassemblement qui transcende les clivages et les querelles. En pareilles circonstances, les divergences politiques et idéologiques, d’où qu’elles émanent des quatre coins de la planète, sont tues, ne serait-ce que momentanément. Et ce n’est pas Ham Bak qui s’en plaindrait ; lui dont la qualité de grand rassembleur devant l’Eternel, aura longuement été magnifiée par les vivants. C’est dire si, d’en-haut, le défunt a dû être profondément affligé par l’incident survenu dernièrement à l’aéroport de Conakry.
En tout cas, dans son désir ardent de se rendre à Abidjan, on ne peut pas soupçonner le leader de l’Union des Forces démocratiques de Guinée (UFDG) d’avoir nourri des ambitions putschistes, à moins que le pouvoir de Conakry n’y apporte la preuve irréfutable du contraire. On peut croire que M. Diallo n’y allait pas pour mobiliser des foules hostiles au pouvoir en place.
Cette énième interdiction de sortie du territoire guinéen, qui ne se fonde manifestement sur aucune base légale, participe-t-elle d’une stratégie du pouvoir visant à couper l’opposant guinéen de tous ses réseaux et à lui rendre la vie impossible ? Le tempérament du maître de Conakry, n’incite pas, hélas, à penser le contraire. Il faut croire que le Pr Alpha Condé en veut toujours à tous ses opposants qui avaient tenté, bien que sans succès, de lui barrer la route dans sa funeste marche vers un 3e bail à la tête de l’Etat. Et particulièrement au Chef de file de l’opposition qui ne cesse de revendiquer sa victoire à la dernière présidentielle.
Pour l’exercice de ce 3e mandat, le tribut à payer a été lourd ! Et visiblement, l’opposition n’est pas au bout de ses peines comme c’est le cas pour son chef. Mais en multipliant les misères et humiliations à l’encontre de son principal opposant, Alpha Condé qui ne semble pas « rassasié » de vengeance, donne davantage raison à tous ceux qui le taxent de dictateur, qui pis est, incapable de prendre de la hauteur face au deuil qui frappe en ce moment le peuple ivoirien.
Alors qu’il a pris part aux obsèques de Ham Bak, pourquoi son opposant, lui, devait-il en être interdit ? En la matière, le dirigeant guinéen devrait s’inspirer de l’exemple burkinabè. Au décès du Premier ministre ivoirien, Amadou Gon Coulibaly, pouvoir et opposition burkinabè avaient formé une seule délégation et avaient voyagé dans le même avion, pour aller présenter la compassion du peuple burkinabè à celui de Côte d’Ivoire.
Si Alpha Condé n’en est pas capable, la décence voudrait, au moins, qu’il ne fâche pas les morts en refusant à certains de leurs amis, connaissances et sympathisants, de venir leur faire leurs adieux. Ce n’est pas tolérable ni humain.
CBS, in Le Pays
— conakrylemag