Horreur, ça commence mal. Voila que les malades s’engueulent. Moi, j’ai mal à la tête. Je suis nase, en lambeaux. Et maintenant, deux enflures rajoutent une couche de cris et d’insultes dans mon crâne en fusion. Qu’on leur coupe la langue à ces deux gueulards. C’est un cabinet médical ici, pas une gare routière. J’ai le palu et ma tête est lourde comme une batterie de remorque. Silence ! Je suis venu chez le toubib pour une consultation.
La santé n’ayant pas de prix, j’ai pris l’option grand luxe à 50.000 balles. Je pensais être tranquille, bien soigné et voir le docteur sans avoir à poireauter. Eh bien, cela, même à 50.000 balles, ce n’est pas possible à Conakry ! Quand je suis arrivé, il y avait un Blanc avec une tronche toute jaune et une Sénégalaise qui attendaient nerveusement le toubib. Je me suis mis en troisième position puis j’ai attendu. Le Blanc a payé sa consultation à la caisse et a pris son reçu. La Sénégalaise a crié « j’en ai marre! ». Elle a doublé le Blanc et l’a coiffé sur le fil.
Sans attendre son tour, la fulmineuse a poussé d’autorité la porte du cabinet du toubib. D’abord, le Blanc n’a pas compris. Tel un caméléon, il a perdu sa couleur jaune pour redevenir tout pâle. Quand il a pigé qu’il venait de se faire avoir, il a commencé à protester, arguant de son bon droit. Finalement, le personnel de la clinique est allé déloger la tricheuse. Et là, boum, tout a pété! Il a suffi d’une petite réflexion du Fôtè pour que la Sénégalaise se transforme en méchante sorcière fielleuse. « Tu parles à qui, connard?!!! »; « Toubabou de merde, tu te prends pour quoi!!! ». La 3e guerre mondiale venait d’éclater, là, sous mes yeux glauques de paludéen.
La Sénégalaise s’est complètement lâchée. Le plus drôle a été quand elle a sorti au Blanc un « si tu n’es pas content ici, retourne chez toi ».
Elle n’a pas ajouté « sale Etranger », mais elle l’a pensé si fort que je jurerais l’avoir entendu. Leur petit manège a duré une bonne demi-heure. Une fois la bagarre terminée, j’étais encore plus malade qu’en arrivant. Et ce qui a suivi a fini par m’achever pour plusieurs semaines. Je suis rentré enfin dans le cabinet du docteur. Il m’a touché le ventre et retourné les paupières. J’ai remis m’a chemise. Alors, il a lancé avec le sérieux et la sentence auxquels l’oblige sa fonction: « Vous avez le palu ». Quoi ?! 50.000 balles et une heure d’attente inconfortable pour entendre ça ! J’étais tellement fatigué que je ne lui ai même pas dit ‘’va te faire enc…’’ à ce toubib! Et ça, je le regrette.