Kourémalé : arrêtés pour avoir prié trop tard — quand la foi devient un délit en Guinée
Faut-il désormais une autorisation pour prier ?

Kourémalé : arrêtés pour avoir prié trop tard — quand la foi devient un délit en Guinée
On aura tout vu sous ce régime. À Kourémalé, dans la préfecture de Siguiri, plusieurs fidèles ont été interpellés pour avoir célébré l’Aïd el-Fitr… en différé. Oui, vous avez bien lu. Non pas pour trouble à l’ordre public. Non pas pour incitation à la haine. Non. Pour avoir prié un jour après l’État.
La scène se passe en 2025, pas au Moyen Âge. Dans un pays où l’électricité est rare, où les écoles tombent en ruine, où les hôpitaux vous renvoient chez le marabout faute de médicaments, l’appareil sécuritaire est mobilisé pour traquer ceux qui… prient mal.

Quand l’État veut contrôler… jusqu’à la Lune
La date de l’Aïd el-Fitr, on le sait, est déterminée par l’observation du croissant lunaire. Or, depuis toujours, les avis divergent, parfois même entre pays voisins. Certains fidèles choisissent de suivre les annonces venues d’Arabie Saoudite, du Sénégal, ou d’ailleurs. C’est un débat religieux, spirituel, astronomique même pas une affaire de police.
Mais en Guinée, l’État veut tout décider : qui parle, qui manifeste, qui se réunit… et désormais qui prie, quand et comment.
À Kourémalé, la divergence religieuse est devenue un prétexte à l’arrestation. Des citoyens, dans l’exercice de leur foi, sont traités comme des délinquants. Le crime ? Avoir célébré l’Aïd un jour de retard. Une hérésie temporelle passible d’interpellation.
La religion confisquée par l’autorité
Depuis quand l’État guinéen est-il le seul interprète légitime de la volonté divine ?
Depuis quand un préfet, un commissaire ou un ministre est-il habilité à dicter la date du jeûne ou de la rupture ?
Depuis quand la foi est-elle devenue une branche du ministère de l’Intérieur ?
En vérité, le régime de transition, obsédé par le contrôle total de la société, ne supporte aucune forme d’indépendance même spirituelle. Toute organisation autonome est suspecte. Toute voix divergente est étouffée. Toute pratique non alignée est criminalisée.
Même quand il s’agit… de prier.
L’arrestation des fidèles : un aveu de faiblesse
Ce n’est pas une démonstration d’autorité. C’est un aveu de panique.
Un État qui envoie ses forces de l’ordre pour arrêter des fidèles parce qu’ils ont suivi un autre calendrier religieux, c’est un État qui n’a plus confiance en sa propre légitimité. Il surveille les mosquées comme d’autres surveillent les dissidents.
La prière en différé devient un acte de résistance passive. Et face à cela, que fait le pouvoir ? Il frappe. Il humilie. Il inculpe. Parce qu’il ne sait faire que ça.
Mais où sont les priorités ?
Les routes sont défoncées, les jeunes fuient par milliers, les écoles ferment, les prix flambent, la justice piétine, les partis sont suspendus, les opposants emprisonnés… et le pouvoir trouve le moyen de réprimer des prières différées.
Quelle efficacité ! Quel sens des priorités !
Ils ne peuvent pas fournir de l’eau potable, mais ils peuvent vous dire quand rompre le jeûne.
Ils ne peuvent pas organiser une élection crédible, mais ils peuvent synchroniser la foi à coups de matraque.
Faut-il désormais une autorisation pour prier ?
Ce précédent est grave. Très grave. Il signifie que demain :
on pourra être arrêté pour avoir jeûné un jour de plus que l’État. on pourra être fiché pour avoir suivi un autre marabout. on pourra être suspecté de radicalisme simplement pour divergence calendaire.
La liberté de culte en Guinée est en train de se faire étouffer à petit feu. Et ce n’est pas au nom de la République. C’est au nom d’un pouvoir qui ne supporte aucune autonomie même celle de la conscience.
À Kourémalé, on ne célèbre plus l’Aïd. On le subit.
Et pendant que les fidèles sont arrêtés pour avoir levé les yeux vers la Lune, ceux qui volent la Guinée à la lumière du jour sont toujours en liberté.
Cherchez l’erreur. Ou plutôt : priez pour qu’elle ne vous envoie pas, vous aussi, en garde à vue.
— conakrylemag
L’arrestation des fidèles : un aveu de faiblesse



