Dimanche dernier, j’ai décidé de m’évader, d’aller loin, très loin des bruits et des ennuis de la ville de Mathurin Bangoura. J’en avais marre des angoisses des factures d’eau et d’électricité et des rackets des flics de Kéira, des faux-types, des serveuses aigries qui me prennent pour un con.
J’en avais marre d’être obligé de quémander ma dose de Guiluxe. J’en avais marre de mon logeur qui ne tardera pas à venir taper à ma porte à la fin du mois. Ce vendeur de sommeil et tous les jeunes et vieux cons ont fini par m’enlever toute envie de vivre dans cette foutue ville.
Très tôt le matin, j’ai attaché une natte derrière ma moto et j’ai pris la sortie Est de la ville. Il paraît que cette direction porte chance, surtout en ce temps de chaleur. J’étais tellement pressé d’aller respirer de l’air pur que j’ai oublié de mettre assez de carburant dans ma bécane.
Je voulais aller le plus loin possible, mais j’ai été contraint de stopper après la plaque où il est écrit «Conakry». Au début, j’ai pensé que c’était un problème de bougie. Il m’a suffi de secouer la bécane pour me rendre compte de la souffrance dans laquelle je venais d’atterrir.
Je rêvais d’aller me coucher sous un arbre, dans l’espoir d’oublier tous mes soucis. Mais me revoilà avec la pire des ennuis. ‘’J’ai beaucoup eu la souffrance’’. J’étais si contrarié que j’avais envie de pisser dans le réservoir de la moto. Même si j’avais des sous pour acheter du carburant, je ne le pouvais pas.
Je venais de laisser les stations d’essence à mille lieues de l’endroit où je me trouvais. Je n’étais pas du tout prêt à pousser cette vieille ferraille avec le ventre vide. Fallait-il pour autant l’abandonner sur place ? Ce serait une perte énorme. Cette moto est le seul vrai patrimoine de ma vie de galère. Je n’avais pas non plus les moyens d’embarquer dans un car avec pour objectif la station la plus proche.
C’est alors qu’il m’est venu l’idée de me mettre au bord de la voie et de faire de l’autostop. J’ai cru qu’un des gros porcs à bord de rutilants 4×4 allait finir par avoir pitié de moi. Hélas ! Ils sont passés à toute vitesse comme des souris poursuivies par des chats en furie. Les seuls qui se sont intéressés à moi, ce sont les transporteurs. Mais ces enfoirés voulaient me faire payer jusqu’à 30.000 balles pour ma moto et moi.
Comme c’est justement parce que je ne disposais pas de cette fortune que je me suis foutu dans le pétrin; j’ai alors décidé de me taper 10 kil à pied, en poussant ma moto. Ça m’apprendra. La prochaine fois, je ne bougerai plus de Conakry sans avoir les moyens de mon évasion. I am very eu la souffrance ce jour là.