
Salut, c’est moi l’Aigri, en chaîne et en or. Alamanè ou amoulanfé ? C’est toi qui sais, anawotagui. Bon laissons les politiciens à leurs affaires et revenons à nos misères quotidiennes. L’autre soir, je suis rentré chez moi avec les yeux injectés de colère. Même la Guiluxe ne colore pas mes yeux de la sorte. Rouge vif…
A peine le palier franchi, j’ai attaché un vieux manche de hache sur ma moto, en prévision du lendemain. J’ai calmé ma colère avec une boîte de sardines dont l’huile est venue lubrifier et détendre mon estomac noué. Une fois n’est pas coutume, j’ai bu une faxe noire. Ce n’était pas ma soirée.
Puis, je me suis couché en pensant avec plaisir à la bastonnade du lendemain. Je vais les limer, ces enflures ! Le manche de hache sur la moto n’était pas destiné à la voiture du chauffeur de taxi qui a bousillé le feu rouge de mon tank. Mais à deux chiens du quartier, là-bas à Taouyah, à côté de chez Netty Traiteur.
Car, à Conakry, en plus de se farcir des troupeaux de connards humains, il faut aussi supporter les bestioles qui vous empoisonnent la vie. Toutes sortes d’animaux à la con. Comme si cette ville était un zoo à ciel ouvert.
Passe encore que les poules du voisin chient sur la terrasse. Passe toujours qu’un troupeau de moutons vous balance dans le décor en plein milieu de la route. Passe enfin que les chats de Piyabounyi s’invitent à votre table et grignotent votre poisson avec leur gueule pas propre. Mais que deux chiens à foies jaunes, crocs dehors, vous poursuivent jusqu’à votre domicile à chaque remontée de service, avec la ferme intention de vous mordre, stop! Là, je dis holà ! et je sors le gourdin.
Cette nuit, j’ai rêvé que je déglinguais les deux clebs, correctement. Je me faisais aussi, dans le même mouvement, les cinq ou six clébards qui, à la saison des amours, donnent des concerts d’aboiements sous les fenêtres de ma chambre. Je terrassais toute la bande de bâtards à quatre pattes qui traîne autour de mon palace. Puis, je progressais avec une égale énergie vengeresse dans d’autres quartiers de Conakry. A la fin du rêve, quel bonheur. Je me mettais à mon compte, marchand de viande de chien et je faisais fortune.
Le matin, au réveil, j’ai réfléchi. Il y avait bien ces deux chiens puants mais aussi leur maître qui a un fils dans l’armée.
J’ai laissé tomber la violence pour la ruse. Dans ma cour, il y a une maison qui se libère. La dame de Areeba et son mari, celui qui joue son salaire à Guinée-Games, vont quitter les lieux. Je vais essayer d’y faire rentrer mon cousin de Lola, Dieudonné.
C’est un grand bouffeur de chien. Dès qu’il arrive, je lui file un fourneau, du charbon et mon manche de pioche et il part à la chasse. Je l’aide à faire des brochettes de Milou et si l’envie m’en prend je déguste un morceau. Et j’aurais bien fait, histoire de me venger de tous ces chiens hurleurs. Je vous inviterai à l’occasion à la dégustage. Alamanè ou amoulanfè ?